Alors que le soleil finissait de se lever, Pavel jouait avec le cordon de son volet dans son petit bureau, plongé dans une activité d’intense désœuvrement. Il fut tiré de ses pensées par Adelyn qui entrouvrit la porte pour jeter un regard dans la pièce.
— Oh, Monsieur Erkum, vous avez encore passé la nuit ici !
— Je n’arrive pas à penser correctement chez moi.
La secrétaire lui adressa un sourire où il crut discerner une pointe de tendresse et un fourmillement parcourut le bout de ses oreilles alors qu’elle lui proposait de lui amener une tisane.
— Avec plaisir.
Il profita de son absence pour se rendre un peu plus présentable et remettre en ordre ses cheveux. Il n’avait pas énormément dormi, trop occupé à lire tous les textes de loi qui concernaient les héritages sans testament. Dans l’affaire dont il s’occupait, c’était normalement le mari de la défunte, Kliene MacKriel, qui devait hériter de tout. Si cette coccinelle était liée d’une façon ou une autre à l’histoire d’héritage, alors il était possible que ce soit bien le vieux gobelin qui l’aie subtilisée.
— Vous avez retrouvé cette coccinelle ?
Adelyn était revenue avec une tasse fumante et elle l’avait déposée sur son bureau en jetant un regard à la pile de dossiers qui commençaient à s’accumuler. Pavel se contenta d’hocher la tête sans vraiment répondre.
— C’est la première fois que je vous vois prendre du retard dans vos affaires.
Le lutin jeta un œil aux dossiers dont elle parlait et sourit une nouvelle fois.
— C’est vrai. Je m’en occuperai aujourd’hui.
La secrétaire sourit d’un air satisfait et sortit pour prendre son poste. Pavel l’entendit saluer le directeur qui arrivait juste à ce moment-là et il soupira. Il fallait qu’il résolve cette affaire avant que quelqu’un ne se rende compte qu’il ne s’agissait pas d’une simple coccinelle fugueuse.
Le jeune détective passa donc une partie de la matinée à rattraper son retard, enfermé dans son bureau, gardant toujours à l’esprit l’affaire Grikel. Une nouvelle visite au domicile de son client s’imposait sans doute pour essayer d’en apprendre un peu plus, mais son flair l’appelait ailleurs.
Pour cette raison, lorsque les coups de midi sonnèrent, il enfonça sa casquette sur sa tête et quitta son bureau pour prendre la direction du manoir Grikel-MacKriel. Il savait qu’on lui avait demandé de prendre rendez-vous désormais, mais il y avait aussi parfois du bon à surprendre des suspects au moment où ils ne s’y attendaient pas.
Ce furent les véhicules de police qui l’accueillirent alors qu’il approchait de la grille d’entrée. Un inspecteur lutin était en train de donner des consignes et il se faufila parmi la foule des curieux pour se rapprocher. Il attendit patiemment que les badauds se lassent et se dispersent finalement pour s’approcher encore.
L’inspecteur posa sur lui un regard bleu perçant et leva le menton pour l’inciter à parler. Pavel chercha soigneusement ses mots ; les détectives privés n’étaient pas les bienvenus dans les enquêtes officielles. Il ne les trouva cependant pas et préféra une approche directe.
— Pavel Erkum. Je suis détective privé et je travaille pour le beau-fils du propriétaire. Est-ce que vous communiquez déjà sur ce qu’il s’est passé ?
— Inspecteur Bergamote.
Pavel attendit une suite qui ne vint pas : des policiers descendaient l’allée principale avec le fils MacKriel coincé entre eux, les mains menottées. Le détective captura toute la scène d’un regard. Les éclats grenat sur la chemise du gobelin, les pleurs de sa sœur qui suivait de loin et l’inspecteur qui lui répondait finalement.
— Kliene MacKriel vient d’être violemment assassiné. Son fils est notre principal suspect.
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