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La Geste de Froide-Lame connaît ici son issue. Mais revenez demain ! Car demain est un autre jour, et celui-ci vous révèlera l’épilogue de l’histoire épique d’Arkahn à la Froide-Lame !
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Mokran se fige soudain, et son sourire devient hésitation avant de se muer en un masque d’effroi.

Derrière lui, ma fidèle lame a transpercé le poitrail d’Armast, et l’essence même de cet humain, dépositaire des âmes millénaires de Divinités ancestrales, s’y est déversée en un instant.

Aspirée par Garanthé, la vie d’Armast se transforme peu à peu en une brume traçant d’épais sillons dans l’air autour de Mokran, l’encerclant peu à peu. Puis, la brume commence à se mouvoir dans ma direction.

Le Sombre tente vainement de l’absorber en se changeant lui-même en une Ombre claire-obscure. Mais la conscience d’Armast lui échappe et se précipite en avant en direction de mes paumes nues, offertes.

L’influx d’énergie est tel que je crains – un bref instant – de perdre la raison. Le cri qui jaillit de ma bouche se répercute à travers tout le Temple, et les derniers vitraux encore intacts explosent.

Mokran lui-même frémit en subissant l’onde de choc de ma souffrance et son corps éthéré, atteint de plein fouet par le souffle de ma voix, menace de se disloquer. Le Sombre tente de reprendre forme, mais le processus accéléré le fait souffrir et une grimace de douleur lui défigure le visage.

La puissance qui s’est déversée en moi m’emplit d’un indicible sentiment d’invincibilité. Lorsque je referme le poing, des éclairs en jaillissent, frappent les murs aux alentours et font éclater la pierre dans un grondement de tonnerre.

Mokran cherche alors à se réfugier dans son plan d’origine. Son corps perd à nouveau de sa substance et redevient brumeux. Mais d’un bond en avant, je suis sur lui. Ma main frappe, s’enfonce dans son corps presque sans substance, pour se refermer sur une boule à la texture rugueuse. Je comprends qu’il s’agit du noyau central de Mokran, là où se niche sa conscience.

Comprenant ce que je m’apprête à faire, le Sombre tente de me repousser, mais ses forces s’amenuisent rapidement. Dans un effort surhumain, je broie son âme entre mes doigts.

Alors, poussant un ultime cri de rage, Mokran disparaît dans une titanesque explosion. J’y laisse mon bras droit, tranché net au ras de l’épaule, et je perds connaissance, m’écroulant au sol dans une longue gerbe de sang.

Lorsque je reprends connaissance, je suis allongé sur le dos. J’ai froid… Je me tourne sur le côté et je regarde dans la direction de la nef. Le corps d’Armast a disparu, de même que celui de Mokran.

La déflagration causée par la mort du Sombre à soufflé plusieurs des colonnes du Temple, et une partie de la toiture s’est effondrée. D’énormes blocs gisent çà et là. L’un d’entre eux a éclaté au sol juste à côté de moi et je devine qu’il a écrasé mes jambes, car je ne les sens plus.

Ma vision se brouille, j’entends à travers du coton des cris de joie retentir à l’extérieur du Temple. Tandis que mes yeux se referment contre ma volonté, une silhouette vague, brumeuse, se penche sur moi tout en murmurant des paroles inintelligibles.

Une onde de chaleur m’enveloppe…

Je sombre dans le néant…

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