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La fin d’une épopée, le début d’une autre ? Peut-être, un jour prochain…
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Je reviens à moi debout au sommet d’une butte couverte de verdure. En contrebas s’élève le Temple des Divinités de Sargosstia. Des milliers d’hommes, de femmes et d’enfants l’encerclent. Ils sont armés pour la plupart, mais ce sont des cris de liesse que les vents portent jusqu’à moi.

Les Sombres ont tous disparus, probablement à l’instant même de la destruction de Mokran. Une voix dans ma tête suggère que les Sombres n’étaient que des extensions de celui que j’ai combattu et vaincu.

— Maudit Balkar ! je m’écrie, le cœur soudain emplit d’une rage folle. C’est toi qui me souffle ainsi tes idées dans le crâne !

Je sens désormais pleinement la présence en moi du Roi-Sorcier du Gandhakar, de même que celle d’Armast. Lui se tient paisible, à l’écart de l’agitation puérile dont fait montre mon vieil adversaire.

Les derniers instants de mon combat contre Mokran me reviennent en tête. Je lève les mains devant moi, stupéfait de parvenir à effectuer ce simple geste. Et je ressens de nouveau la présence de mes jambes.

À cet instant, je vois mon bras droit devenir éthéré, perdre de sa substance. L’impression est fugace et disparaît aussi vite qu’elle est venue, mais le doute s’est insinué en moi et refuse de lâcher prise : serais-je devenu une Ombre ?

Balkar ricane, Armast hausse les épaules sans rien dire. Je les ignore tous deux, reportant mon attention sur le Temple et les collines alentours. La vérité me frappe soudain : le destin de ce monde m’est devenu étranger.

Seul compte désormais de trouver des réponses aux questions qui se bousculent dans ma tête : pourquoi ne suis-je pas mort ? Suis-je encore réellement Arkahn à la Froide-Lame ?

Je porte la main à mon fourreau, dont dépasse la garde de mon arme. Elle devient floue, s’estompe sous mes yeux pour réapparaître dans ma main sous la forme d’une gigantesque faux. Elle est forgée dans un métal étrange, sombre et luisant à la fois. Une impressionnante aura de puissance l’environne sur toute sa longueur, et sa lame semble animée d’une vie propre.

Un nom me vient en tête : Farangone.

Au même instant, l’arme émet une note aigüe avant de retomber dans le silence. Elle déborde d’énergie et semble m’avoir accepté. Du moins, pour le moment. Mais je sens qu’il va me falloir la dompter, ou plutôt… L’apprivoiser… Et m’habituer à la présence de Balkar et d’Armast, dont je ressens en permanence le poids du regard braqué sur ma nuque.

Sur cette dernière pensée, je me détourne du Temple de Sargosstia. Je dois trouver un moyen de rejoindre le territoire des Ombres.

Là-bas, sûrement, des réponses m’attendent.

Là-bas, je découvrirai peut-être l’identité de la personne qui m’a sauvé à l’issue de mon combat contre Mokran.

Cette silhouette qui s’est penchée vers moi alors que je m’enfonçais dans la froidure de la mort me hante désormais.

Non, décidément, je n’ai plus que faire du destin des hommes de ce monde…

Le mien m’importe bien davantage.

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