Le supérieur du temple de Whus, homme de petite taille et de corpulence respectable aux éternels cheveux blancs. Celui qui préside sa vie durant aux décisions concernant le monastère, et siège au Conseil du Prince Ganame en tant que maître du savoir. Son ordre vénère Kin, gardien du livre divin, mais leur foi se manifestait peu dans le mystique ou les célébrations, les rites. Leur charge consistait en la collecte de connaissances, de livres, de rouleaux, traitant de tout ce que les hommes et les autres races sentientes connaissaient. La géographie, l’histoire, les sciences du vivant et de l’univers, la magie étaient leurs principaux domaines, dans lesquels leur bibliothèque était incontournable pour quiconque souhaitait apprendre. Ils recevaient un flot constant d’étudiants, de lettrés et de chercheurs qui obtenaient l’autorisation de compulser les ouvrages. Au contraire des autres ordres monastiques, ils pratiquaient assidûment la magie, domaine de connaissance et outil permettant d’accomplir leur mission. L’hébergement des visiteurs leur garantissaient le nécessaire pour leur entretien et celui des riches monastères. L’abbé Pauge était en charge depuis de longues années, bien avant qu’Argon et Erwin ne deviennent mercenaires au service du puissant ordre de Whus.
Un moine en faction leur ouvrit la porte. Argon renifla, repérant sur ses bras les tatouages élémentaires du feu qui en faisait un redoutable gardien. N’engage pas le combat, mais tiens-toi prêt, comme disait son maître d’arme. Ils entrèrent dans une pièce de taille modeste. Un large bureau la coupait presque en deux, derrière lequel l’abbé leva la tête de papiers qu’il noircissait de runes.
— Bienvenue, amis de Whus.
Les deux hommes s’inclinèrent. Il leur indiqua deux sièges sans dossier, aux pieds d’or délicat et au coussin de velours noir. Ils prirent place, le dos droit.
— J’ai cru entendre le puissant râle d’un démon tout à l’heure, le râle de colère de celui que l’on enferme dans la pierre. Était-ce votre œuvre ? Belle prise.
— Oui, mon Père, répondit Erwin. La quête a été fructueuse, le démon est puissant.
Il ne doutait pas que l’abbé n’ait déjà été informé précisément.
— Bien, bien. La magie est une richesse que l’or achète difficilement. Nous ne pourrons trop vous remercier de parcourir le pays tandis que nous nous concentrons sur l’étude.
— Vous avez toujours su nous accueillir et compenser notre sueur, Père, glissa Argon.
— Chacun sa quête, maître guerrier, chacun sa quête. Nous vous payons pour votre travail, chacun a une place dans le grand ordre de la société. Avec notre pouvoir nous participons à son maintien, et nous partageons nos connaissances avec qui le souhaite. Chacun a son rôle ainsi. A ce propos, nous avons une mission un peu différente à vous confier, au tarif habituel.
— A votre service, Père, s’inclina Erwin.
— Trois fils de Whus doivent procéder à une étude, qui ne peut se faire que sur une montagne particulièrement élevée. La route est longue jusqu’au Grand Pic, et votre présence assurera la sécurité de leur mission.
Erwin avait tressailli à l’évocation du but du voyage.
— Ce sera un aller et un retour, plus l’attente sur place le temps des mesures. Pas de grand sortilège, maître guerrier, je vous rassure. Quant à vous Erwin, une fois sur place, nous pouvons vous indiquer une ancienne cité, non loin du sommet : elle semble avoir été habitée par des hommes volants. Je sais la quête de vos origines, et je déplore que nous n’ayons pu vous renseigner. Cette région est au-delà de nos connaissances pour l’instant, mais vous pourrez peut-être trouver des réponses. Acceptez-vous la mission ?
Après un regard à Erwin, qui semblait perdu dans ses pensées mais répondit d’un signe de tête, Argon acquiesça.
— Bien, bien. Vous partez dans une semaine. Je vous présenterai vos compagnons de voyage dès demain.
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