Waren Onira traversait les couloirs du fort, la prison de la citadelle de Tyrie. Il aimait cet endroit où il avait passé la plus grande partie de sa vie à torturer et interroger des criminels. Son don pour les interrogatoires était sa plus grande force dans cet endroit sordide. La torture était une drogue pour lui, il connaissait le corps humain sur le bout des doigts, chaque nerf, chaque os, chaque muscle. Il taillait, piquait, découpait sans remords, sans pitié, seul le résultat importait.
Il fouilla dans son sac, vérifiant pour la cinquième fois que ses outils s’y trouvaient. Rassuré, il accéléra le pas, l’homme le plus recherché de Kalindith l’attendait dans sa cellule, prêt à lui livrer ses secrets. Un sourire carnassier apparut sur son visage squelettique. Grâce à cet entretien avec le tueur, il deviendrait inquisiteur, il détrônerait Kyler Jin, son supérieur qui l’avait renversé et enfermé dans cette prison.
Arrivé devant la porte de la cellule, il sortit la clef de sa poche, la clef de son avenir. La geôle s’ouvrit sur un homme enchaîné, debout au milieu de la pièce. Un homme au corps musclé, fin et à la peau laiteuse. Des cicatrices, blanchies par le temps, recouvraient ses membres et son torse. Il redressa la tête, dégageant sa chevelure noire pour dévoiler un visage froid comme la glace des montagnes skariques. Un sourire apparut sur son visage, un sourire qui fit frémir Waren. Ses yeux sombres transpercèrent Waren.

«Je vois que l’on s’est bien occupé de vous, ironisa le bourreau.
– Que puis-je pour vous ? Demanda l’homme.
– Je veux tout de vous, Jasper Vhalakas, votre histoire, vos crimes, vos peurs, vos joies. Je veux vous voir saigner, pleurer, m’implorer de vous tuer. »

Vhalakas s’esclaffa, d’un rire à glacer le sang, un rire de dément qui s’arrêta brusquement.

«La dernière personne qui m’ait vu pleurer est morte depuis quinze ans. Je n’ai jamais plus versé de larmes. Utilisez vos outils, torturez-moi mais vous n’obtiendrez rien. J’ai reçu une formation dépassant vos compétences, j’aime la douleur, elle fait partie de moi. »

Waren sourit, il connaissait l’homme qui lui faisait face. Après avoir passé des années à enquêter, à le poursuivre, il le tenait désormais entre ses mains. Il salivait à l’avance de voir la peur se peindre sur le visage de son plus grand client. Le bourreau sourit une fois de plus, dévoilant des dents jaunies par l’usage du tabac.

«Vous êtes peut-être insensible à la douleur, mais Elyshéa ne l’est pas. Elle va souffrir pour vous et quand j’en aurais fini avec elle, vous serez devenu un monstre à ses yeux, elle vous haïra et voudra vous tuer de ses propres mains. À ce moment, vous comprendrez ce qu’est la douleur. »

Le détenu tressaillit, ses muscles se contractèrent, tendant les chaînes fixées au plafond.

«Je vous tuerai, sale chien ! Promit-il. Je vous égorgerai et regarderai votre sang se répandre à mes pieds.
– Vous pouvez lui éviter toute souffrance, cela ne tient qu’à vous.
– Comment l’avez-vous trouvé?
– Vous n’avez pas que des amis, Monsieur Vhalakas. L’un de mes informateurs m’a révélé l’emplacement où se cachait votre amie. Il m’a suffi d’y envoyer mes hommes. Ils l’ont trouvé dans cette petite maison au bord de l’eau. Vous voyez de quel endroit je parle?
– Je ne vous crois pas! s’exclama le prisonnier, les dents serrés. Ely ne se serait pas laissé avoir par une bande de gardes.

Waren sourit une fois de plus. Il fouilla dans sa poche et sortit une chaîne d’or au bout de laquelle pendait une pierre bleue comme les profondeurs de la mer. Le prisonnier fixa le pendentif et son visage blanchi. La tension des chaînes se relâcha. Jasper Vhalakas avala une bonne bouffée d’air qu’il expira doucement en murmurant :

« Que voulez-vous savoir ?
– Racontez-moi votre histoire, votre vie. Je veux tout savoir sur l’Ombre de la Nuit… »

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