Le guerrier était abasourdit.
— Nous cherchons à survivre à la première attaque, et tu parles de prendre d’assaut la Cité ? Personne n’a jamais essayé. En plein milieu du désert, où le soleil dessèche toute vie, se dresse un gigantesque roc noir, percé de milles grottes. Douze portes de pierre le ceignent. Y aller est une épreuve, la vue terrifiante. Revenir, impossible. Telle est la Cité, la demeure du Peuple Rouge, et aujourd’hui ses portes s’ouvrent pour laisser passer ses armées.
— Pour la décrire si bien, tu l’as donc vu de tes yeux ? s’amusa Erwin.
— C’est ce qui se raconte, ce qu’ont vu les oracles. Personne n’est allé vérifier, moi moins qu’un autre.
— Pour l’instant, ce n’est qu’une volonté, je n’ai pas encore de plan. Il me faut voir où nous mènera la guerre. Une fois la Cité vidée de ses soldats, il sera peut-être possible…
— Rien ne sera possible. Nous n’avons aucune information sur la population, leur nombre, les différentes groupes qui la composent et leur puissance.
— Les règles de la guerre restent les mêmes pour chaque peuple et chaque race. Il y a toujours un moment où les généraux lancent toutes leurs forces dans la bataille. Il est même possible que leur armée soit défaite et que nous puissions pousser l’avantage jusque sur leur terre.
— Tout est possible, rien n’est encore fait.
— Et alors compagnon ? Ce ne serait pas la première aventure incertaine dans laquelle nous nous lancerions. Viendras-tu avec moi ?
— Nous verrons, inconscient rêveur.
— Ma plus grande force.
— Avec ton sourire enjôleur, oui.
Le lendemain, chacun se réveilla et vaqua à ses tâches. Les moines avaient terminé de plier leurs instruments, et Erza et Pélane s’écartèrent du groupe. Bientôt des jets de flammes jaillirent, en grande quantité. Leur intensité était telle que la roche fondait en surface, formant des sillons liquides. Tous étaient impressionnés. Argon s’approcha d’elles.
— Quelle puissance, Erza.
— Pélane m’a conseillé et m’entraîne. Sa connaissance des magies élémentaires est vaste. Je saurais me défendre à la prochaine attaque.
— Je m’en souviendrai.
Erza sourit et reprit ses exercices, carbonisant les rocs devant elle. Le guerrier s’adressa à la moniale, dubitative devant les affirmations et les flammes de la jeune femme.
— Cela n’a rien à voir avec l’entraînement, n’est-ce pas ? Je ne suis qu’un guerrier peu versé dans les arts élémentaires, mais je sais sa valeur autant que ses limites.
— Oui, maître Argon, sa puissance est plus importante aujourd’hui, bien plus qu’elle ne devrait. Je ne sais pas comment elle a pu changer depuis l’attaque. Elle fait montre d’une grande volonté, d’énergie depuis quelques jours. Je sens qu’elle éloigne d’elle le regret et la tristesse, mais la puissance n’est pas affaire de volonté.
— Bien, qu’elle apprenne à maîtriser son pouvoir alors, je ne tiens pas à avoir une jeune écervelée qui part dans tous les sens en plein combat.
— Vous craignez l’embuscade ?
— Elle ne tardera plus.
Il revint vers Etaile, et lui proposa de s’exercer au corps à corps. En plein affrontement, Argon s’immobilisa brutalement. Le poing de la jeune femme percuta son menton, sans qu’il s’en rende compte. La joie de la victoire s’estompa rapidement sur le visage de la moniale quand elle vit le regard du grand guerrier. Sans se concerter, ils coururent jusqu’au précipice le plus proche, puis firent le tour du camp rapidement. Aucun mouvement n’était visible, pourtant Argon restait inquiet, sur le qui-vive. Une odeur ténue, une vibration dans l’air, impossible à définir, mais reconnaissable. Ils avertirent les autres, et chacun guetta. Les armes furent affûtées, les incantations préparatoires résonnèrent dans l’air froid du sommet. Chacun parlait à voix basse, confiant dans les sens particuliers d’Argon.
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