L’eau était trouble, boueuse. Les épaisses gouttes d’une lourde averse agitaient les flots. Impossible d’apercevoir le fond, ni même la moindre trace de vie. Rien qu’une épaisse et ténébreuse vase s’étant mêlé à la nappe. Soudainement, des bulles remontèrent à la surface, une fois… Deux fois… Une fine main, empoignant solidement la tête d’un homme par les cheveux, retira brusquement cette dernière de l’eau.
Après avoir prit une grande inspiration rauque, le souffre-douleur aperçu le visage d’une jeune femme, le toisant d’un regard lourd. Curieusement, celle-ci ne possédait guère les traits d’un meurtrier. Au contraire, ses longs cheveux blonds, trempés, étaient collés à ses pommettes légèrement effacées. Les lèvres, fines et peu allongées, étaient surmontées d’un petit nez aux traits doux, aux narines peu larges et aplaties. Trois grains de beauté ornaient la joue droite, le premier étaient relativement proche du sillon, le second, plus en arrière, se trouvait au niveau de la pommette. Quant au troisième, il était quasiment sur le bord de la mâchoire. Une vision qui lui aurait paru angélique, si ce minois n’était pas de celle qui tentait de le tuer.
– Aussi longtemps que tu garderas ta langue dans ta poche, avisa la jeune femme, je découperais ta graisse jusqu’à ce que tu regrettes de ne pas être mort.
Elle immergea à nouveau la tête de sa victime. À ses côtés, cinq hommes observaient, deux d’entre eux retenant les bras et les jambes du supplicié. Ceux-ci étaient de carrure relativement massive, mais leur visages étaient couverts par des chaperons. Il en était de même pour un autre homme, plus petit et bedonnant, situé plus à l’écart avec le reste du groupe. Un autre semblait plus chétif, son visage buriné était déformé par une profonde cicatrice qui partait de la joue gauche, jusqu’à une oreille au pavillon complètement déchiré. Son crâne dégarni n’était doté que de courts et fins cheveux bruns, une tache de naissance s’étendait sur la nuque. Le dernier homme était plus grand, et semblait être relativement plus élégant que les autres. Ses longs cheveux châtains étaient attachés en queue de cheval, révélant un visage anguleux, finement sculpté. Seule une marque de brûlure intense déteignait à la base du coup, partiellement cachée par une longue écharpe.
De ses yeux vairons perçants, l’homme lança un regard à la jeune femme, tout en repoussant une mèche de cheveux qui se glissait sur son visage.
– Il ne va rien dire Ruma, dit-il d’un air exaspéré.
Il croisa les bras, et se mit à taper du pied gauche.
– Il va finir par m’avouer où se trouve cette pimbêche, je te le garanti, assura la bourrelle.
Après quoi, cette dernière retira à nouveau la tête de sa victime de l’eau, avant de s’adresser aux deux brutes.
– Emmenez-le à ma tente, attachez-le solidement, je me charge de lui…, ordonna-t-elle, d’un ton froid.
Le supplicié en était presque à vomir, ne parvenant pas à reprendre son souffle, crachant des bouffées d’eau. Son visage était partiellement couvert de vase, que la pluie rinça grossièrement. Les deux hommes qui le retenaient le traînèrent de force dans la boue. Ses jambes étaient si fatiguées qu’il ne pouvait plus marcher, son corps entier ne disposait plus de la moindre de force pour résister. Pendant qu’il était emmené, Ruma s’adressa au petit homme.
– Vas me chercher le groupe d’Haric, et fouillez la forêt, je suis à vous dès que j’en aurais fini avec cet enfant de putain…
Aussitôt, l’énergumène obéit, se dirigeant vers un petit camp. La jeune femme se tourna,ensuite, vers le grand homme élégant.
– C’est valable pour toi Dronvar, accompagnes-les, commanda-t-elle.
Ce dernier expira, puis, sans dire un mot, se mit en route, rapidement suivit par l’homme chétif. Ruma prit la direction d’une grande tante carrée, éclairée par un brasero malmené par la pluie qui finissait d’achever les dernières flammes. Les deux hommes robustes venaient d’attacher le prisonnier à un des poteaux, non sans avoir prit la peine de retirer ce qui restait de vêtements, désormais de vulgaires guenilles boueuses et détrempées. Au fur et à mesure que la jeune femme approchait, le supplicié tentait de reprendre son souffle, tandis que Ruma se munit d’un poignard.
– Rejoignez les autres, ordonna-t-elle aux deux brutes, en faisant un signe de la main.
Ces derniers s’exécutèrent, sans un mot.

L’averse s’interrompit brusquement, laissant place à un lourd calme. Désormais à la merci de sa bourrelle, dénudé et affaiblit, l’homme décrocha enfin ses premiers mots.
– Vous.. Vous n’avez… Vous n’avez pas la moindre… Idée…, bégaya-t-il.
– Je sais, je sais, acquit faussement Ruma, tu n’es pas le premier à me faire des menaces aussi puantes…
– Vous ne savez… Ne savez pas à qui.. Vous vous en prenez…
La jeune femme repoussa ses cheveux, soufflant bruyamment, commençant à se sentir agacée. Cependant, elle fut prise d’un rire narquois en voyant les parties génitales de sa victime.
– Guère gâté mon pauvre… Un aussi gros faux-semblant de courage pour de si petites couilles…
L’homme ria jaune, avant de lancer un regard noir.
– Caelynn te crèvera, sale putain, et je me ferait un plaisir de baiser ton cadavre…
– Oh ! Mais ça m’étonnerais que ça arrive.
Ruma agrippa soudainement l’entre-jambes du prisonnier, qu’elle compressa si violemment que l’homme grogna de douleur. Puis elle tira et usa de son poignard pour découper les bourses et le membre. Les quelques secondes parurent être des heures entières pour la victime, qui hurla à en perdre la voix, son visage tourna rapidement au rouge vif. Il ne cessait de s’agiter. Une fois les parties tranchées à vif, la jeune femme les jeta au loin, non sans ajouter un sarcasme.
– As-tu encore cette envie de baiser mon cadavre ? Maintenant que je t’ai débarrassé de quelque chose qui ne devait guère t’être utile…
– Vas crever…, cracha l’homme entre deux grognements.
– Plus de petite queue frétillante à l’idée d’enfiler de la chair froide…
– Elle va te crever… Elle va te crever !
– Oui, j’ai compris ! Tu permets… ? J’essaye de découper de la viande… Tu crois que le quartier de bœuf ouvre son clapet et gesticule alors que le boucher essaye de le découper ? Non… Ceci est ta dernière chance, plus tu persistes… Eh bien… Plus je te collerais de morceaux de ta graisse sous le nez.
Ruma se plongea dans les yeux de sa victime, passant le pouce et l’index de la main gauche sur la lame du poignard.
– Honnêtement, je suis plutôt curieuse de voir combien de temps tu vas tenir, s’enquit la jeune femme. Je me fiche pas mal du fait que tu ne veuilles rien dire. Le dernier à avoir passé sous la lame a tenu… Je crois bien un peu plus de deux heures… J’étais déçue, alors, je te prie, pour le peu d’estime que j’ai pour toi, d’essayer de faire mieux.
Le supplicié expira fortement, échangea un regard noir avec la bourrelle.
– Si c’était juste pour me crever… Autant en rester à me noyer…, répliqua-t-il.
– Oui, et ne pas profiter du moment où tu pourrais craquer, ce moment critique où tu es aux portes de la mort…
La jeune femme ne quitta pas le regard de sa victime. Le pauvre homme fixa longuement son visage, avant de baisser les yeux pour observer le reste de son corps.
– Une gueule d’ange…
Ces mots provoquèrent une très vive réaction de la part de la jeune femme. S’approchant brusquement du supplicié, elle saisit la nuque de la main gauche, puis logea deux doigts de la main droite dans la plaie béante où se situaient les parties génitales. L’homme hurla si fort qu’il s’égosilla, perdant sa voix.
– Pour une fois que je peux coller des doigts à un homme, merci pour ça. Au fait… Évites de me faire des allusions pareilles, cela me ruine les oreilles.
Ruma retira ses doigts ensanglantés, puis eu un bref moment d’hésitation. Sa victime gémissait pitoyablement, comme un animal sur le point de mourir. Des larmes commencèrent à couler le long de ses joues.
– Commençons par là, dit-elle.
La jeune femme plaqua la lame de son poignard sur le haut de la poitrine gauche de sa victime.
– Où est partie Caelynn ?, quémanda-t-elle, un sourire sinistre sur les lèvres.
L’homme n’offrir aucune réponse. Ruma commença, alors, à découper la chair vers le bas, le supplicié ne tarda aucunement à implorer d’arrêter entre deux cris.
– Non ! Stop ! Non ! Pitié ! Je t’en prie ! Arrêtes !
– Ah ! Enfin ? Ça y est ? Ce brave homme… Pardon, eunuque, délie sa langue ?
– Sortez-moi de ce cauchemar… Ce n’est pas possible…
– Bon… Visiblement…
La bourrelle reprit son sévice, mais l’homme protesta.
– Non ! Non ! Je vais parler ! Pitié ! Je vais parler !
La pauvre victime gesticulait si frénétiquement qu’il était rapidement en âge. De lourdes gouttes de sueur perlaient le long de son visage. Certaines atteignaient les yeux, troublant sa vue. Le frottement contre le poteau, provoqué par les mouvements brusques, a fini par créer des plaies le long du dos de l’homme. La peau était à vif, et des saignements commèrent à apparaître.
– Décides-toi ! Je perd patience, et je suis sûr que tu ne veux pas ça…
– Catin… je vais tout dire… je vais parler… je t’en prie arrêtes…
– Alors parles ! Imbécile ! Qu’est-ce que tu attends ?
L’entaille était déjà fort profonde, la lame avait tranché environ cinq à six centimètres de chair sur la poitrine. Le saignement abondant, de par cette blessure mais aussi de la plaie due au découpage des parties génitales, ne tarda pas à provoquer des vertiges à l’homme.
– Je ne me sens pas bien…
– Je commence à en avoir plus qu’assez…
Au moment où Ruma s’apprêtait à poursuivre la torture, le prisonnier fini par abdiquer.
– Elle est… Dans… Dans la…
– Dans la… ?
– La forêt… Elle va te crever… La forêt…
– Quelle information utile… Nous sommes entourés par ça… Même dans tes derniers mots, tu persistes à jouer avec mes nerfs, c’est probablement la seule chose qui me surprend chez toi… De l’inconscience, mais cela reste… Intéressant, dans un certain sens.
Le calme environnant était sinistre, comme si la forêt avait cessé de vivre. Seul le chant lointain des grillons troublait le silence.

La jeune femme s’empressa de découper entièrement la poitrine de l’homme, qui gémit pitoyablement au fur et à mesure que la lame tranchait la chair. Les côtes gauches étaient alors presque à nu, les tissus musculaires grossièrement découpés. Ruma ne manqua pas d’exhiber le morceau de chair à sa victime, aussi pâle qu’un cadavre. Puis elle laissa tomber la pièce dans la boue.
– Voilà pour le moment…, annonça-t-elle.
Rapidement, l’enthousiasme de la jeune femme sembla s’effacer, remarquant que l’homme ne l’observait plus et ne prononçait plus le moindre mot. Prise de colère, elle commença à découper la poitrine droite. Cette fois-ci, le supplicié hurla de nouveau, moins intensément qu’auparavant. Ruma prit soin d’aller jusqu’au bout cette fois-ci.
– Pour la dernière fois, où est partie Caelynn ?
– Par… Le sud… Le sud…
– Ce n’était pas si compliqué, non ?
L’homme ne répondit pas. Se vidant de son sang, il s’évanouit pitoyablement.
– Merde…, cracha la jeune femme.
Convaincue qu’elle pouvait encore faire durer son plaisir, Ruma se baissa, saisissant cette fois-ci le mollet gauche de sa victime, qu’elle commença à entailler. Le pauvre homme lâcha un râle rauque et graveleux. La jeune femme fini par retirer un nouveau morceau de chair, laissant les muscles à nu. Elle hésita à sectionner les tendons, mais oublie rapidement cette idée, remarquant que l’homme ne donnait plus signe de vie.
Ruma ne pût s’empêcher d’arborer un rictus de déception. Prise de colère, elle poignarda à six reprises le cadavre, trois fois au niveau de l’estomac, deux fois en bas des côtes et une dernière fois dans la gorge. Abandonnant le corps, elle se dirigea vers la mare où, auparavant, elle avait tenté de noyer le pauvre homme. Essuyant son poignard et ses mains, elle en profita pour prendre une poignée d’eau, et s’asperger le visage. Après un instant de silence, la jeune femme retourna dans sa tente, afin de s’équiper d’une arbalète, ainsi que d’un carquois de carreaux d’acier. Après avoir terminé ses derniers préparatifs, Ruma se dirigea vers le sud à vive allure, s’enfonçant dans la forêt.

123