Athéna marchait à côté de cet homme étrange. Ses vêtements, sa façon de parler, de penser, rien ne lui semblait commun. Cette nature, elle aussi, parlait différemment. Les végétaux n’étaient pas les mêmes que dans ses souvenirs ni la chaleur du soleil, les bourrasques du vent ou la couleur de l’herbe. Le monde s’était métamorphosé. Athéna n’avait pas changé.
Cette situation perturbante se mêlait à une angoisse grandissante. Et si la ville des Dieux n’existait plus… Dès son apparition, elle avait senti une solitude profonde. Plus les minutes passaient, plus elle se persuadait de cette possibilité. Elle gardait l’espoir de retrouver son père, assis sur son trône. Au fond d’elle, elle savait qu’il n’en serait rien.
Elle observa l’homme à ses côtés. Pourquoi gravit-il la montagne ? se demanda Athéna. La cité des Dieux était invisible pour les Mortels, du moins à ce qu’elle en savait. Elle ne pouvait en être sûre à présent. Intriguée, elle lui demanda les raisons de son périple. Il répondit un peu essoufflé :
— Pour m’aérer l’esprit, méditer et relever un défi. Et vous ?
Athéna n’avait pas l’habitude de ces retournements de questions ni des discussions avec les humains. Elle le regarda et lui dit :
— Je ne le sais pas encore.
Ils continuèrent leur chemin. Le randonneur tenta de poursuivre la conversation. À la vue d’une orchidée violacée, il dit :
— Regardez cette fleur, n’est-elle pas magnifique ?
L’angoisse de la Déesse se faisait grandissante. Elle détourna à peine les yeux et lui lança d’un ton sec :
— Je dois avancer.
Kasper continua alors son ascension, plutôt déçu que la jeune femme soit aussi fermée au dialogue. Son regard lui rappelait quelqu’un, sans qu’il soit capable de le nommer.
Il n’osa plus rien dire, préférant garder son énergie pour atteindre le sommet. Ses jambes le lançaient, son souffle était de plus en plus irrégulier. Il s’arrêta un instant, le Stefani se trouvait à quelques mètres. Sa pierre teintée de gris et la neige parfaitement blanche absorbèrent le regard de Kasper. L’excitation monta.
— Nous y sommes.
Ces quelques mots serrèrent le cœur de la Déesse. L’heure de vérité approchait.
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