Quand Nicolàs ouvrit les yeux, il sentit que quelque chose n’allait pas. Il y avait quelque chose de différent en lui, à vrai dire il ne se sentait pas vraiment lui-même. Il s’assit sur le bord du lit et se frotta le visage. Au fond de lui cette sensation bizarre persistait, pire, elle montait progressivement en intensité. Non, il ne rêvait pas, il éprouvait bel et bien de la colère ! Il se redressa sur ses jambes, le cœur remplit de haine. Il prit la table de chevet qui se trouvait sur sa droite et la balança à travers la pièce et la regarda se fracasser contre le mur puis se tourna vers le lit et le renversa, envoyant valser la couverture. Ce matin, il allait laisser sortir de son corps toute la frustration qu’il avait intériorisé pendant toute sa vie. Oui, il était temps de laisser s’exprimer sa colère !! Toutes ces années de souffrance ! Le fait de n’avoir jamais connu sa mère, la mort de son père puis de son meilleur ami, dans toutes ses circonstances il s’était efforcé de garder son calme, mais il en avait assez et il était temps que cela change !! Alors qu’il allait abattre son pied sur le lit retourné, la colère s’évapora aussi vite qu’elle était venu. Reposant son pied sur le sol, il se précipita dans un des coins de la chambre et s’agenouilla, il avait entendu un bruit dans le couloir. Et si quelqu’un était venu pour le tuer ? Tremblant de peur, il n’osa pas bouger pendant de longues minutes, les muscles tétanisés. Il en était sûr, sa dernière heure avait sonné. Il laissa échapper un petit cri d’angoisse quand il entendit le cri d’un oiseau. Depuis tout petit, il avait une peur bleue des volatiles. Et si celui-là était venu pour lui picorer les yeux ? Il s’allongea et se recroquevilla en position fœtale en se mettant les mains devant les yeux pour se protéger. Tout comme sa colère quelque minutes auparavant, sa peur partie en fumée en quelques secondes seulement. Il se releva doucement, tout avait l’air d’être redevenu normal. Mais ce répit fit de courte durée. De nouveau, il éprouva une colère telle qu’il en avait jamais connu et, sans même qu’il ne le veuille, sa colère se dirigea contre son père. Il lui en voulait de ne jamais lui avoir parlé de sa mère, il aurait tellement aimé en savoir plus sur elle ! Comment était-elle physiquement, quelle façon de penser avait-elle, mais son père était trop occupé à travailler pour s’intéresser aux interrogations de son fils. Avisant une chaise devant lui, Nicolàs s’en empara et la lança de toutes ses forces en direction de la porte. Mais celle-ci s’arrêta nette et lévita en l’air. Sur le pas de la porte désormais ouverte, Zénia se tenait debout les bras levés et fit se poser délicatement la chaise sur le sol. Nicolàs regarda fixement Zénia et eut le souffle coupé par l’incroyable beauté de la jeune femme. De sa vie, il n’avait jamais vu un corps aussi proche de la perfection que le sien.
–Nicolàs, que vous arrive-t-il ? Lui demanda-t-elle en soutenant son regard.
Nicolàs s’avança et enlaça la jeune femme qui se dégagea et recula de quelques pas.
–Zénia !! Enfin vous êtes là, je vous attendais !! S’exclama-t-il.
–Vous m’attendiez ?
–Oui, cette nuit sans vous a été la plus longue de toute ma vie. Zénia, je ne veux plus vous quitter, je vous aime tellement. Fuyons tous les deux. Partons au bout du monde vivre notre amour !!
–Nicolàs, vous allez bien, que vous arrive-t-il ?
–Je me meurs d’amour pour vous. Vous êtes ma lumière dans ce monde de ténèbres, je ne vis que pour vous Zénia. Vous êtes ma dulcinée, je vous aime !!
Zénia regarda Nicolàs lui déclarer sa flamme d’un air étonné, avait-il perdu la tête ?
–Sortez d’ici !! Vous n’êtes qu’une bonne à rien !! Vous ne semez que le malheur et la terreur partout où vous passez. Vous êtes une impure, une catin ! Criait désormais Nicolàs.
Zénia se tourna brusquement vers la porte.
–Maxyme, arrête ça tout de suite !! Cria-t-elle.
Hilare, le garde Tala’ar apparut sur le seuil de la porte.
–Ça t’amuse !! Arrête ça !!
–D’accord, ne t’énerve pas, dit celui-ci en continuant de rire.
Désormais, Nicolàs se sentait de nouveau normal, quoiqu’un peu secoué.
Zénia se tourna vers lui.
–Comme vous avez pu le remarquer, notre amusant ami Maxyme contrôle la magie spirituelle. Mais j’ai toujours pensé que c’était une très mauvaise idée que de le laissez se servir de la magie, dit-elle en lui lançant un regard noir, mais ce n’est malheureusement pas moi qui décide.
»Bon, maintenant que vous êtes réveillé, préparez-vous et rejoignez moi dans la salle d’entraînement quand vous serez prêt.
Zénia tourna les talons et sortit de la chambre, non sans lancer un regard noir vers Maxyme qui lui sourit insolemment en retour avant de la suivre et de laisser Nicolàs seul.
Il n’était pas mécontent de se retrouver un peu tout seul. Après une telle expérience, un peu de calme lui ferait grand bien. Il fit le tour de la chambre et remit un peu d’ordre. Une fois que celle-ci était à peu près présentable, il s’assit sur le lit qu’il avait remit sur ses quatre pieds et se frotta vigoureusement le visage.
Se réveiller dans ces conditions était renversant. Son esprit encore chamboulé, il se leva et sortit de sa chambre. Sur le chemin de la salle d’entraînement, il n’avait croisé personne, la princesse et sa servante devant encore dormir.
La cour intérieure était encore plongé dans la pénombre et le silence total régnait dans le donjon.
Quand il entra dans la salle d’entraînement, Zénia leva les yeux vers lui. Elle était assise en tailleur au centre de la pièce.
–Prêt à recommencer ? Lui demanda-t-elle.
Il prit place en face d’elle.
–Oui, mais avant, j’aimerais vous dire quelque chose, dit-il.
–Que vous m’aimez et que je suis la femme de votre vie ? Ironisa la jeune femme.
Nicolàs esquissa un sourire en coin et reprit.
–Je crois que je sais quelle forme de magie je contrôle, annonça t-il.
–Nicolàs, c’est impossible, seul les Tala’ar, Maxyme et moi pouvons identifier les propriétés magique d’une personne. Et puis, il y a à peine quelques heures vous ne saviez même pas que la magie existait.
–Pourtant je le sais, d’après les informations que vous m’avez fournis hier, j’en ai déduit que j’étais en mesure de contrôler la magie temporelle.
–Et d’après quels éléments avait vous déduit cela ? Lui demanda-t-elle tout en jouant avec une lanière de cuir de son uniforme.
–A une vision que j’ai eu, répondit-il, à la mort de mon meilleur ami, tué par un assassin devant mes yeux. Juste avant de mourir, il ma dit de fuir le plus vite possible, qu’il avait fait quelque chose de mal, mais il n’eut pas le temps de finir sa phrase et à rendu son dernier soupir. L’écoutant, je me suis enfui de la ruelle. Le lendemain soir, en revenant du travail, je suis repassé devant cette ruelle pour voir si on avait enlevé le corps. Une fois sur place, le monde s’est mis à tourner si vite que j’ai momentanément perdu le sens de la réalité. Puis quand tout s’est arrêté, je me suis retrouvé dans la pièce où mon père a agonisé des mois durant. Sur le lit, il était là, allongé et ne respirait pas…
Nicolàs marqua une petite pause. C’était la première fois qu’il en parlait à quelqu’un. La plaie encore ouverte, se livrer ainsi lui coûtait énormément d’effort.
–Quand je me suis approché du lit, continua-t-il, mon père s’est soudainement réveillé, m’a agrippé par le col et m’a lancé un avertissement.
–Quelle genre d’avertissement ? Lui demanda Zénia.
–Il m’a dit que les gens que je pensais connaître n’était pas ceux que je croyais qu’ils étaient. Puis,comme mon meilleur ami, il m’a dit de fuir tant que je le pouvais encore.
Zénia regardait dans le vide, visiblement troublée.
–Cette vision, c’était une scène que vous aviez déjà vécu dans la réalité ? Je veux dire, votre père vous avez déjà lancé un tel avertissement de son vivant ? Le questionna-t-elle.
–Non, jamais.
–Vous en êtes sûr ? Insista Zénia, même si comme vous dîtes, vous maîtrisez la magie spirituelle, elle n’aurait jamais pu créer une vision comme cela. J’ai déjà eu quelques visions, mais sur des événements qui étaient en train de se passer, où alors dans un futur très proche, par exemple un homme tendant une embuscade à quelqu’un pour l’assassiner. Mais jamais des visions comme la votre. Peut-être était-ce le fruit de votre imagination, causé par le choc de la mort de votre meilleur ami.
–Pourtant, je puis vous assurer que cette vision était bien réel et que je n’avais jamais vécu cette scène auparavant.
–Je ne vois qu’un seul moyen de le vérifier, dit-elle, terminons votre identification.
Zénia lui prit les mains et ferma les yeux. Malgré ce qu’elle lui avait dit, il savait qu’il avait raison, cette vision, il ne l’avait pas inventé. Comme la veille, il ressentit cette étrange sensation le long des bras et dans le torse. Mais cette fois-ci, il y avait quelque chose de… différent. La sensation n’était plus glacé mais au contraire étonnamment chaude. Plus les minutes passait et plus la température augmentait jusqu’au point où Nicolàs dû serrer les dents pour ne pas crier de douleur. Jamais dans sa vie il n’avait ressenti de douleur semblable à celle qu’il éprouvait en cet instant.
N’y tenant plus, il lâcha brusquement les mains de Zénia et tomba sur le dos. Il se passa une main sur son front moite de sueur et resta un moment allongé sur le dos, le souffle court.
Quand il se redressa, la vison qui s’offrit à sa vue le fit se tétaniser. Zénia était figé tel une statue, toujours assisse, le dos arqué en arrière et ne respirait plus. Comme si cela n’était pas déjà assez inquiétant, du sang coulait de ses yeux et ses pupilles, qui normalement était d’une couleur bleue azur, était devenues rouge et des veines avait éclatés un peu partout. Elle ne semblait pas le voir, d’ailleurs elle ne semblait ne plus rien voir du tout. Nicolàs se rapprocha d’elle et la secoua un peu en la prenant par les épaules mais elle n’eut aucune réaction. Il la secoua de plus en plus fort sans pour autant parvenir à de meilleurs résultats, Zénia restait toujours immobile. Que lui arrivait-elle ? Avait-elle repérer quelque chose en lui qui l’avait tué ? Nicolàs avait ressenti une sensation de chaleur intense et il était à peu près sûr qu’elle avait ressenti la même chose.
Refusant de céder à la panique, il se força à garder son calme et à réfléchir. Non, elle ne pouvait pas être morte !! Ou du moins, c’est ce qu’il essayait de se persuader. Il se leva et commença à faire les cents pas dans la pièce, essayant de trouver une solution.
Maxyme, la voilà la solution !!
Il s’apprêtait à sortir de la salle d’entraînement quand il capta un imperceptible mouvement sur sa gauche, là où se trouvait Zénia. Il regarda attentivement et perçut un deuxième mouvement. Oui, Zénia venait de bouger un de ses doigts !
Il se précipita à ses côtés, s’accroupit en face d’elle et la tint par les épaules. Ses yeux étaient redevenus quasiment normaux, il ne restait plus que quelques veines éclatées.
Il la secoua de nouveau et elle eut un premier battement de cil, puis un deuxième, mais quelque chose clochait encore, son regard était étrangement vide, comme si elle avait était là mais sans y être vraiment.
Sa respiration était saccadée, elle avait du mal à trouver son souffle, mais au moins elle était vivante !
Elle réussit enfin à bouger ses bras, puis sa tête. Quand elle essaya de se relever, ses jambes se dérobèrent et elle retomba lourdement sur le sol. Nicolàs se précipita et l’aida à se relever. Ses jambes encore flageolante, elle esquissa ses premiers pas puis, prenant plus d’assurance, elle lâcha le bras de Nicolàs et marcha toute seule. Malgré qu’elle soit revenu physiquement, elle ne semblait pas être revenu entièrement, son esprit semblait encore ailleurs. Elle s’appuya d’une main sur le mur en face de la porte et soupira, le regard toujours dans le vide et des traînées de sang séchés le long des joues.
–Zénia ? Vous allez bien ? Demanda Nicolàs.
Mais elle ne répondit pas, ne semblant même pas l’entendre. Elle se rassit, le dos appuyé contre le mur, et resta immobile pendant plusieurs minutes. Pendant ce temps, Nicolàs se tenait debout devant elle et la regardait. Alors qu’il se demandait quand est-ce qu’elle reviendrait à elle, Zénia se leva brusquement en le bousculant, et tourna sur elle-même plusieurs fois pour reprendre ses repères.
Désormais, la vie était de retour dans ses yeux.
–Que s’est-il passé ? Demanda-t-elle en se tournant vers lui.
Tout en le regardant, elle se passa les mains sur le visage, cherchant une quelconque blessure.
Nicolàs lui raconta se qui venait de se passer, la sensation de chaleur qu’il avait ressentit et l’avait forcé à lâcher prise et l’état dans laquelle elle s’était retrouvée.
Après son récit, elle lui ordonna de l’attendre ici et sortit de la pièce. Après ce moment de frayeur, Nicolàs pouvait soufflait tranquillement, tout était redevenu normal. Il ne savait pas ce qui lui était arrivé, avait-elle ressenti en lui quelque chose d’anormal ? Il n’en savait fichtrement rien.
Quand elle revint quelques minutes plus tard, elle n’avait plus de sang sur les joues et avait changée d’habit. Désormais, elle portait une chemise blanche en laine et un pantalon de la même couleur que son uniforme.
Elle le fit s’asseoir et s’installa en face de lui.
–Ce qu’il vient de se passer, dit-elle, n’augure rien de bon, je n’avais jamais vécu cela auparavant.
Son visage ne laissait transparaître aucune émotion, mais Nicolàs sentit de l’inquiétude dans sa voix.
–Combien d’identification avez-vous réalisé  ? Demanda-t-il.
–Cinq jusqu’à présent, trois qui ont révélé des êtres magiques, et deux qui n’ont rien donné, mais jusque là tout s’était très bien déroulé. Je suis dans le flou total. Normalement, tout est limpide dans ma tête, mais là…
Elle eut du mal à trouver ses mots. Elle évitait soigneusement de regarder Nicolàs et laissait vagabonder son regard sur le plafond et les murs.
–D’habitude, reprit-elle, je ressens les flux de magie de quelqu’un mais je ne fait juste que l’effleurer, je ne rentre pas en contact direct avec elle, je l’identifie de l’extérieur. Vous voyez ce que je veux dire ?
–Oui à peu près, je pense que c’est comme nous, quand on ressent la peur de quelqu’un mais que nous, nous n’avons pas peur, avança-t-il.
–C’est exactement ça, nous regardons les flux de magie mais nous ne nous en imprégnons pas. Mais là, c’était différent. Quand je suis entré en contact avec la votre, elle ma submergée, m’a envahie. Très vite, mon cerveau s’est retrouvé noyé au milieu de cette puissance magique et ne répondait plus à mes ordres. Puis ce fut le trou noir jusqu’à que je me réveille, assise contre le mur.
–Avez vous réussi à identifier le genre de magie qui vous a envahi ?
–Je n’ai malheureusement pas eu le temps,dit-elle en le regardant enfin dans les yeux, tout c’est passé très vite, en quelques secondes seulement.
Zénia était encore sous le choc, sa voix était hésitante et ses mains tremblait. Elle se racla la gorge et reprit.
–Je ne m’attendais vraiment pas à ce que votre magie me submerge ainsi, je n’ai donc pas eu le temps de voir qu’elle genre de magie cela était et je ne veux plus prendre de risque. Je laisserai les Tala’ar vous identifiez, ils sont beaucoup plus compétent que moi.
»Mais cela ne nous empêche pas de vous initier à la magie. Je peux commencer par vous apprendre comment ressentir votre flux magique, entrer en contact avec lui, comment le contrôler mais surtout, comment ne pas se faire contrôler par celui-ci, car en cela réside le plus grand danger des êtres magiques, devenir esclave de son propre pouvoir.
–C’est ce qui est arrivé aux Sourhataï ? Questionna Nicolàs.
–Comment êtes vous au courant pour les Sourhataï ? Lui demanda Zénia, visiblement surprise.
–Quand Erika a prononcé leur nom hier, j’ai ressenti dans les yeux de Maxyme une vague d’inquiétude et après ce que vous m’avez dit, que le plus grand danger d’un être magique est de ce faire contrôlez par son propre pouvoir, j’en ai déduit que c’est ce qui leur était arrivé.
–C’est bien ce qui c’est passé en effet, mais cela serait réducteur de résumer ce qui est arrivé aux Sourhataï à ce simple fait. Je vous en dirais plus le moment venu mais il vous faut d’abord apprendre les bases avant de commencer à apprendre l’immense complexité qu’est la magie. Pour commencer, il me semble important que je vous explique en détail les trois genres de magie. Par laquelle voulez vous commencer ?
Il réfléchit quelques secondes puis lui répondit.
–Commençons par la votre, la magie temporelle.
–Très bien, commençons, dit-elle.
Elle croisa les jambes et mis ses mains sur ses genoux puis commença son explication.
–La magie temporelle est la magie qui influe sur le temps et l’espace. Étant une adepte de la magie temporelle, je ne vois pas les choses comme un être normal, ne serait-ce que par ma vision. J’ai en permanence devant les yeux des filons de lumières en mouvement constant qui viennent former une sorte de roue représentant tout simplement le temps. Ces filons de lumière sont appelés des réalités temporelles. Quand nous agissons sur ces réalités, nous agissons sur le temps. Nous pouvons par exemple accélérer le mouvement de ces filons et en parallèle le temps accélérera lui aussi. C’est ce que j’ai fait hier quand je vous ai identifié.
— Pouvez-vous revenir dans le temps ou aller dans le futur ? Demanda Nicolàs.
–Nous ne pouvons pas aller dans le futur, lui répondit-elle, tout simplement pour le fait que les réalités ne sont pas encore créées, nous ne pouvons donc pas les visualiser. Pour ce qui est du passé, on peut y envoyer notre esprit mais pas notre corps. Quand on veut aller voir un événement du passé, on va projeter notre esprit et remonter le cours des réalités temporelles, exactement comme on remonterait un cours d’eau. Cependant, il nous est impossible de téléporter notre corps dans le temps.
–Et ces filons, vous les voyez en permanence ?
–Oui, constamment.
–Même la nuit ? Demanda Nicolàs.
–La nuit est une toute autre chose. Quand nous dormons, notre esprit quitte notre corps pour aller voyager à notre guise à travers le temps. Nous pouvons aller des millénaires en arrière si l’on veut et quand on se réveille, tout ce que l’on a vécu dans la nuit devient rêve. Mais si par malheur on en viendrait à nous tuer pendant notre sommeil, notre esprit serait à jamais coincé dans cette espace-temps et nous faire revenir serait impossible.
Nicolàs sentit des frissons lui monter dans le dos. Il se frotta les bras, prit soudainement de froid.
–Contrôler le cours du temps demande énormément de concentration, continua la jeune femme. Ainsi, le fait d’accélérer, ralentir ou arrêter le temps consomme une grande partie de notre énergie vitale. Si l’on influe sur le temps et que l’on ne s’arrête pas à temps, nous pouvons mourir et les conséquences sur le monde serait désastreuse. Si nous mourrons en ayant arrêté le temps par exemple, le monde ressentirait cette anomalie et il pourrait rester figeait à la même date éternellement, inversement si l’on mourrait en accélérant le temps, alors les gens vieilliront immensément plus vite, d’une année par mois, voire plus.
Nicolàs prit le temps d’assimiler toutes ses informations.
–De toutes les magies, continua Zénia, la magie temporelle est celle qui implique le plus de responsabilités. La seule petite erreur pourrait changer le monde à tout jamais… voire pire, le détruire.
–Quand vous influez sur le temps, les gens le ressentent-ils ? Demanda Nicolàs, cela a t-il des répercussions sur leur vie, comme hier quand vous avez essayé de m’identifier et que vous avez accélérez le temps. Les personnes de ce monde l’ont-ils perçus ?
–Chez les gens normaux, la sensation est quasiment imperceptible. Ces réalités temporelles que je suis capables de percevoir, existe aussi chez les êtres dénués de magie. Seulement eux n’ont aucun moyen de les sentir, mais elles existent. Dans ce cas, sous l’influence des réalités que nous auront modifiés, ils auront eu l’impression d’avoir vraiment vécu des choses pendant cette journée.
–Comment cela est-il possible ? Même si leur esprit aura l’impression d’avoir eu une journée normale, leur corps lui n’aura pas bougé. De plus, vous m’avez dit tout à l’heure que la magie ne pouvait pas créer, or dans ce cas la magie a bel et bien créé des faux souvenirs dans l’esprit de ces gens.
–C’est exact, la magie n’aura pas pu créer ses souvenirs dans la tête des gens, mais le temps est hors de la magie. Le temps lui, créé sans cesse des choses, des événements présents et futur, des destins de personnes mais surtout, c’est le temps qui créé ces fameuses réalités temporelles. De ce fait, le temps créera des réalités temporelles « factice » si on peut dire.
Nicolàs se passa les mains dans ses cheveux, essayant de comprendre ce que venait de lui dire Zénia. Mais pour lui tout cela n’avait aucun sens ! Comment le temps, qui était une entité irréel pouvait-il ainsi créer des choses et manipuler le cerveau des gens ? Il décida de poser la question à Zénia.
–A partir de maintenant Nicolàs, lui répondit-elle, il ne vous faudra plus raisonner comme un être normal, car vous apprendrez que tout ce que l’on vous a enseigné durant votre enfance est en partie erroné. Le savoir des êtres humains est limité et dans la majeure partie du temps, son raisonnement ne se fie qu’à ce qu’il peut voir. Or, la grande partie des choses se trouve justement dans la partie invisible, dans la partie des choses que les être normaux ne peuvent pas voir. Oubliez tout ce que vous avez appris jusqu’à présent, sinon rien n’aura de sens pour vous.
Nicolàs acquiesça de la tête, faisant signe à Zénia qu’elle pouvait continuer.
–Donc, concernant le temps, les êtres normaux le prennent pour une « entité irréel » comme vous dites mais justement, il n’y a rien de plus réel que le temps, sans qui le monde n’existerait pas. Imaginez vous un instant un monde où le temps n’existerait pas. Il n’y aurait pas de matin, pas de soir, pas de saisons, la lune et le soleil n’existeraient pas. Dans ce cas, les êtres normaux n’aurait jamais existé, le monde n’aurait jamais existé, même le Maître n’aurait pas pu vivre sans lui. Ne l’oubliez jamais, le temps est l’élément central de l’existence du monde, ce qui fait de lui la chose la plus réel de notre univers. Il faut le prendre pour ce qu’il est, un être vivant, pour avoir une chance de le comprendre. C’est un être capable de sentir des émotions, de la douleur, de la peur, de l’amour. Émotions qu’il transmet aux êtres humains par le biais des réalités temporelles. C’est la base de tout, de la petite vague de la mer du sud aux terribles tremblement de terre en Lidara, de la rosée du matin à la tempête. Tout ce qui nous entoure est son dû et il pourrait nous le reprendre à tout instant.
–Erika a dit que c’était le maître qui avait créé la terre, fit remarquer Nicolàs.
–Avec sa vison d’être normal. Pour eux, le temps n’est pas réel, il leur fallait donc trouver une « entité réel » qu’ils connaissaient. C’est donc tout naturellement que Le Maître leur est venu a l’esprit. Cependant, ils ont en partie raison. Le Maître a participé à la création du monde et à la création des Tala’ar, notamment en leur transmettent son énergie et son corps. C’est pourquoi il est en lien permanent avec celle-ci, mais c’est le temps qui a tout orchestré. Disons que le Maître était sa main d’œuvre. Le Maître est d’ailleurs lui même une création du temps.
Nicolàs eu vraiment du mal à croire ce que Zénia venait de lui révéler. Elle lui posa une main sur l’épaule et tenta de le rassurer.
–Je suis consciente que tout cela est compliqué pour vous, moi-même j’ai eu énormément de mal à tout assimiler, il m’a fallu pour cela de nombreuses années d’apprentissage et j’ai encore aujourd’hui de nombreuses lacunes sur bien des sujets. Mais tout ce savoir est essentiel pour un être magiques et tôt ou tard il vous faudra le maîtriser.
Nicolàs était impressionné par Zénia, tant de savoir si jeune. Elle ne devait pas avoir plus de vingt-cinq ans et pourtant, elle en connaissait bien plus que lui alors qu’ils avaient quasiment le même âge, c’était tout bonnement impressionnant.
–Mais laissons le temps de côté pour l’instant et continuons sur la magie. L’autre facette de mon pouvoir est l’espace, tout ce qui nous entoure, l’atmosphère en quelque sorte.
»Ne vous inquiétez pas, l’espace est bien plus simple que le temps. Il s’agit ici de jouer avec l’air tout simplement, déplacer des choses, épaissir l’air pour oppresser les gens et les empêcher de bouger, ou bien absorber toute l’air d’une pièce. Tout comme le temps, la manipulation de l’espace a ses limites, si nous absorbons trop d’air nous imploserons, c’est on ne peut plus simple, ce qui fait le parfait contraste avec la complexité de l’art du temps.
Zénia marqua une petite pause puis enchaîna.
–Je vais maintenant vous parler de la magie spirituelle, magie qui, comme vous l’avez compris influe sur l’esprit des gens. Cette magie est aussi complexe que la mienne. La magie spirituelle va permettre à quelqu’un capable de la maîtriser, comme Maxyme par exemple, de « jouer » avec les sentiments que pourrait ressentir une personne, la tristesse, la peur, la colère ou encore l’amour. Vous en avez d’ailleurs fait l’amère expérience ce matin.
Nicolàs ne put qu’acquiescer les propos de Zénia, sa première expérience avec cette magie avait été des plus troublantes. Avoir plusieurs sentiments totalement opposés comme la colère et l’amour à quelques secondes d’intervalle était fortement déroutant, on ne savait plus où donnait de la tête ni quoi penser.
–Mais aussi de lire dans l’esprit des gens et le contrôler, continua Zénia. La magie temporelle et la magie spirituelle sont intimement liées. En effet, les émotions étant transmises par le temps à travers les réalités temporelles, les détenteurs de la magie spirituelle voient les mêmes filons de lumières que nous mais… de façons différentes. Tandis que chez nous les filons de lumière viennent former une roue, chez eux ils viennent tout simplement former un cœur.
–Un cœur ? S’étonna Nicolàs.
–Exactement, un cœur, le centre névralgique de toutes les émotions chez un être humain. Mais pas un cœur comme les autres non, à leur vue il est éclaté en plusieurs parties représentant chacun une émotion différente. Ils n’ont plus qu’à agir sur les réalités de l’émotion qu’ils désirent influé. Mais là où leur pouvoir diffère du notre, magicien temporelle, c’est qu’ils doivent donner une contrepartie pour utiliser leur pouvoir. Pour avoir la possibilité d’intervenir sur une réalité, ils doivent absolument éprouver eux même se sentiment. C’est en éprouvant de la colère par exemple, qu’ils en imprégneront la réalité temporelle correspondante qui la transmettra à la personne voulue. En retour, ils ressentiront également les sentiments de cette personne en plus de leur propre sentiment. C’est pour cela qu’un magicien spirituel se doit d’avoir un mental à toute épreuve pour pouvoir supporter ce surplus d’émotions.
–Donc ce matin, quand Maxyme m’a fait éprouver de la colère, de la peur puis de l’amour, lui-même ressentait les mêmes sentiments que moi ?
–Au fil du temps, un magicien spirituel apprend à contrôler ses émotions et à s’en servir. Maxyme sait exactement quand et comment utilisez la colère ou la peur. Mais oui, il éprouvait exactement les mêmes émotions que vous.
–Comment faisait-il pour les contrôler ? On ne peut pas choisir d’avoir peur ou de tomber amoureux, répliqua Nicolàs.
–Pour un être normal cela est impossible en effet, mais pour un être magique comme Maxyme, sa connaissance des émotions est plus développé. Vous vous rappelez tout à l’heure quand je vous ai dit d’arrêter de raisonner comme on vous l’avez appris ? Nous sommes dans ce cas là. Oubliez tout ce qu’on vous a dit sur les émotions, sinon il sera impossible pour vous de comprendre. Maxyme peux à sa guise contrôler ses émotions, quelle qu’elles soient. Cependant, comme toute magie, elle a ses limites, pour être un bon magicien spirituel, quand ils modifient les sentiments d’une personne, ils doivent savoir faire la distinction entre les sentiments de leur « victime » et les leurs.
Zénia s’arrêta le temps de se recoiffer puis repris.
–Si par malheur un magicien spirituel laisserait les sentiments des autres l’envahir, il serait impossible pour lui de récupérer ses propres sentiments qui seront perdus à tout jamais dans le flux des réalités temporelles. Il deviendrait ainsi l’esclave des sentiments de la personne qu’il avait tenté d’influer, subissant ses pensées et ses émotions. L’arroseur arrosé en quelque sorte.
–La part individuelle m’a l’air extrêmement important dans ce style de magie, beaucoup plus qu’avec la votre, fit remarquer Nicolàs.
–Vous avez raison, je vous l’ai dit, la magie temporelle et la magie spirituelle sont intimement liés, mais dans un même temps diamétralement opposé. Alors que la magie spirituelle n’affecte qu’individuellement une personne sans forcément avoir de conséquence sur le monde, la magie temporelle quand à elle n’affecte pas une seule personne, mais le monde entier.
Nicolàs n’était pas sûr de tout comprendre tant la magie lui paraissait être extrêmement compliquée. Pour un néophyte comme lui, le langage qu’utilisait Zénia semblait être un langage codé qu’elle seule comprenait.
–Pour ce qui est de lire dans l’esprit des gens et pouvoir le contrôler, reprit-elle, cela marche avec le même procédé. Il faut savoir que toutes les pensées des gens sont « gravées » sur les réalités et un magicien spirituel a la possibilité de visualiser ces pensées en temps réel. Pour contrôler un esprit, un magicien spirituel utilisera une autre manière de se servir des réalités, une manière qui leur est propre. Il faut pour cela qu’il y est un contact visuel entre le magicien et sa victime. Ainsi, le magicien spirituel aura la possibilité de visualiser les réalités temporelles dans les yeux de la personne en face de lui et ainsi interagir avec celles-ci. Mais la difficulté d’une telle magie est qu’il doit y avoir contact au début et la fin de l’ordre donné. Par exemple, si un magicien spirituel ordonne à une personne de se rendre quelque part, s’il ne lui dit pas de revenir, le lien sera brisé dès que la personne aura atteint l’endroit que lui aura indiqué le magicien. Quand il arrivera sur place, la réalité temporelle qui lui aura indiqué ce qu’il avait à faire n’existera plus et le magicien temporel ne pourra pas être là pour lui en imprégner une autre. Il faut donc que le magicien soit clair et concis dans les tâches qu’il a à confier à une personne sous son contrôle. La moindre approximation et la personne reprendrait son libre arbitre, échappant ainsi au contrôle du magicien.
Elle le regarda avec un sourire compatissant.
–J’espère avoir été assez claire, reprit-elle, pour moi tout cela est naturel. Je suis consciente que ça doit être difficile pour vous de tout assimiler, mais je n’ai malheureusement pas le choix, il est primordial que vous compreniez tout ça.
–Je comprends tout à fait. Il me faudra certe un peu de temps je pense, mais je finirais pas comprendre votre vision du monde.
–L’important n’est pas que vous compreniez ma « vision du monde » comme vous dîtes, mais que vous appreniez à comprendre la magie et à savoir comment elle fonctionne. Les réalités temporelles par exemple, il est impératif que vous compreniez leur rôle, sans quoi vous feriez des erreurs qui pourraient être fatales pour tout être vivant.
— Quelles rôles ont-elles ? Demanda Nicolàs.
–Le rôle le plus important qui soit. C’est l’incarnation du temps. C’est à travers elles que le temps régit les règles de notre univers et de notre magie. Mais tout ça, vous vous en rendrez compte quand votre pouvoir se développera et à ce moment-là, vous prendrez la mesure de tout ce qu’il vous reste à savoir.
–D’ailleurs, vous ne m’avez pas expliqué la magie élémentaire, fit-il remarquer à Zénia.
–Oui, j’allais y venir. La magie élémentaire est de loin la plus simple des trois formes de magies. Je vous en ai expliqué la plus grande partie hier et il n’y a pas grand-chose à rajouter. La magie élémentaire permet de contrôler le feu, l’eau et la terre. Mais comme je vous l’ai dit, on ne peut pas crée de boule de feu, de torrent d’eau ou de pics de terre, non, il faut que vous ayez ces éléments à proximité. Pour pouvoir contrôler le feu, il faut impérativement qu’il y est une source de flamme à côté de vous, un feu de camp ou une lanterne, peu importe. Une fois qu’un magicien élémentaire à un élément en sa possession, sa seule limite est son imagination. Un simple feu de lanterne peu devenir un immense feu de forêt, une simple rivière peut devenir un gigantesque tsunami et une simple flaque de boue peut devenir un torrent dévastant tout sur son passage. Voilà, la magie élémentaire est on ne peut plus simple.
–Vous et Maxyme êtes un peu des représentants de vote magie ? Demanda Nicolàs.
–C’est une manière un peu simpliste de voir les choses, mais on peut dire que oui.
–N’y à-t-il pas de représentant pour la magie élémentaire ?
Le visage de Zénia se rembrunit le temps de quelques secondes puis elle reprit son expression qu’elle avait en permanence, une expression grave qui ne laissait transparaître aucune émotion.
–Il y en avait un, répondit-elle, mais il est mort il y a très longtemps.
–Je suis désolé, je n’aurais pas dû vous poser cette question, s’excusa-t-il.
Zénia le regarda avec un petit sourire en coin qu’elle laissa tomber très rapidement.
–Nous devrions rejoindre les autres maintenant, ils doivent nous attendre pour le repas, dit-elle en se levant.
Il se leva à son tour et la suivit dans la cour intérieure. Dehors, le soleil était à son zénith. Zénia traversa la cour puis entra dans la salle à manger pendant que Nicolàs resta quelques minutes dehors à contempler la fontaine d’une beauté rare.

Quand les hommes était partis du quartier général des frères de nuits, ils n’avaient laissés derrière eux que désolation et misère. Il était le seul survivant, tous ses frères avait été tués durant ce massacre. Lui, avait réussit à survivre en se cachant dans un arbre creux. Quand un des attaquants – des soldats de l’armée de Mirindin – l’avait repéré, il avait bien cru que sa dernière heure avait sonné mais le soldat avait continué sa route destructrice, ne jugeant pas utile de s’arrêter pour un simple adolescent. Toute la nuit durant, les soldats avaient massacré ses frères et violé ses sœurs. Le soldat qui l’avait repéré était même allé jusqu’à exécuté un des frères devant ses yeux. Quand ils n’eurent plus personne à tuer ou a violer, les soldats étaient partis tout en rigolant et se vantant de leurs « exploits ».
Se levant de sa chaise, l’adolescent alla ouvrir la porte. Dehors, un homme très âgé se tenait debout, appuyé sur deux béquilles. En le regardant, l’adolescent remarqua qu’il lui manquait une jambe. Proposant son aide au vieillard, il voulut le faire entrer mais celui-ci déclina son offre en secouant vigoureusement la tête. Quand il insista, celui-ci lui flanqua un coup de béquille dans la cuisse. Ne pouvant réprimer un cri de douleur, il dut se tenir à un montant de la porte pour ne pas tomber. Pour son âge, cet homme avait une sacré force ! Ses deux compagnons qui avaient été réveillé par la scène, vinrent se placer à ses côtés, comme pour le protéger. Le vieillard, après avoir lancé un regard menaçant à ses amis, se détourna d’eux et repartit le long de l’allée. Arrivé au niveau du portail, il laissa tomber un livre par terre puis continua sa route sans même se retourner. Tout en boitant, l’adolescent alla ramasser le livre : «  désastre universel »…

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