Une jungle, il fait nuit, je perçois les sons des tam-tams au loin, je n’ai pourtant pas l’impression de les entendre. J’essais de me réorienter… je sais instinctivement que je suis en Afrique. Comment suis je arrive là?
Soudain une figure apparait devant moi, je n’arrive pas à déterminer la couleur de sa peau, ni son origine, par contre je discerne très nettement, les endroits où la peau a été tailladée pour faire sortir l’os. L’homme a quelque chose de démoniaque, un peu flippant.
Il me regarde droit dans les yeux.
– Je sais où tu habites…
– Parfait, t’as qu’à venir prendre un café.
– Je viens pour toi.
– Ben on a qu’à faire ça Mercredi… ça te va?
– Bientôt…
– Y’a encore une petite semaine, tu sais ?… Te presse pas.
Je n’avais pas l’impression qu’il m’ait beaucoup écouté, ce n’est que bien après que je compris que je venais de voir le visage de Nestor.
Mais pour le coup j’avais un autre problème à régler, quelqu’un martelait la porte comme un possédé. Ce qui à ce moment, ne m’aurait pas plus surpris que cela. Encore abrutis de sommeil, j’ouvrais la porte un peu à tâtons. Ce n’est d’ailleurs qu’à ce réveil difficile que je dus de ne pas hurler comme une pucelle effarouchée devant mon “visiteur”.
D’ethnie africaine, d’une cinquantaine d’année, il était vêtu de peau de bête et d’une paire d’os dans des cheveux gras, mais le détail “convainquant” était la peau blanchies avec une sorte de poudre d’origine indéterminée.
A peine la porte fut elle entrouverte que le visiteur mit une main sur mon visage tout en me crachant (ou à expirer très forts) et en hurlant:
– Sors de ce CORPS!!!!!!!
Mes reflexes prirent alors le dessus, je faisais des arts martiaux depuis mes 3 ans, je déviais sa main avec mon avant bras et continuait d’un coup d’épaule dans le même mouvement lui coupant à la fois son élan et sa respiration. Je profitais de sa surprise pour enfoncer mon avantage, d’un coup de pied frontal dans son plexus solaire, le projetant hors de l’appartement et l’envoyant se plaquer contre la rambarde derrière. Il ne dut de ne pas passer de l’autre coté qu’au fait que j’avais calculé que la force de coup le forcerait en bas de la petite marche menant à l’appartement et ai donc choisis l’angle où appliquer la force pour diriger sa chute. Ses épaules percutèrent le haut de la rambarde sans plus de dommages. La parfaite fusion des arts martiaux et de l’ingénierie mécanique, on ne m’agresse pas au réveil.
– Vil démon raciste!
– Raciste?
Le mec vient m’agresser chez moi et c’est moi le raciste?
L’homme se remit sur pieds et se précipita de nouveau vers moi, toute une série de malédiction à la bouche, je l’attendais, près a frapper les genoux, lorsque la porte se claqua sur son visage.
J’entendis une sorte de bruit étouffé, et une nouvelle série d’appel au racisme (avec une voix très nasale ce coup ci). A l’intérieur je regardais Nestor, visiblement tout autant paniqué que moi.
– J’ai de meilleurs reflexes que toi.
Je n’eus pour réponse qu’une vague lumière, apparaissant là où serait son œil, si j’avais un être vivant en face de moi, que j’assimilais à une sorte de courant agressif. Il ne garda pas longtemps ses airs, notre visiteur se remit à taper contre la porte comme un dément.
Je décidais d’aller prendre une douche, je la sentais mal cette journée et je n’aurai peut être pas d’autres occasions. A ma sortie, j’entendis d’autre voix derrière la porte.
Nestor paraissait dans tous ses états, il n’essayait même plus de se montrer agressif envers moi. Le visiteur semblait aux prises avec d’autres personnes visiblement venu aussi pour ma pomme. Je risquais un rapide coup d’œil entre les rideaux, pour voir une demi douzaine de moines bouddhistes faire face à qui (avec le recul) je devinais être un sorcier africain. Les uns venaient faire fuir les esprits, l’autre était la pour un exorcisme. S’ensuivit une sorte de colloque spirituel, où ils décidèrent d’un commun accord qu’étant donné que les blancs n’avaient pas de pouvoirs, j’étais forcement possédé ou hanté ou maudit ou d’autres choses qui n’avaient à priori aucun rapport avec le concept de « bonne nouvelle ». Ils en étaient à leur préparatifs respectifs lorsque d’autres figures se présentèrent, longue robe, capuche sur la tête, le sorcier, Nestor et moi crument d’abord qu’il s’agissait de représentants du Ku Klux Klan, ce qui value bien sur d’autres invocations au racisme de la part du sorcier. C’est à ce moment que l’homme s’en prit a:
– Ces putaings de conneries de poudre d’os de poulet.
Tout en s’époussetant, il semblait que la robe était de couleur brune et qu’une sorte de poudre l’ait blanchie, les armées de l’église catholique donc étaient elles aussi de sortie. Le sorcier hurlant au sabotage par destruction de ses outils de travail, soutenu par les moines bouddhistes. Les catholiques faillirent bien battre en retraites vaincu par le nombre, jusqu’à ce qu’un autre cri ne retentisse.
– Shalom, mes frères.
Et un battement de cœur plus tard.
– Salamahikum !
J’avais sur le pas de ma porte une délégation des religions majeures de la planète, tous fermement décidés à m’exorciser. Je cherchais Nestor du regard, cherchant une sorte d’apaisement dans sa familiarité, il ne me semblait guère rassuré, me jetant des impressions désemparées.
Et en plus j’allais finir par être en retard en cour. Si la chose ne me dérangeait pas outre mesure, la réaction de Jennifer à un deuxième retard dans la même semaine ne pouvait qu’être un prétexte à un interrogatoire pire que le premier.
Cependant dehors, les choses s’envenimaient en plusieurs langues, dont beaucoup que je ne comprenais pas. Nestor était toujours là, il semblait préparer sa propre stratégie, je sentais sa présence s’accumuler. Je voyais littéralement les ténèbres s’amonceler derrière la porte et la fenêtre donnant sur la rue, la température baissait sensiblement. Le jus que ce garçon pouvait avoir… il faudrait que je lui demande la composition de son petit dej’ à l’occasion. Je m’apercevais aussi qu’au fur et à mesure que sa présence se renforçait, le désaccord de l’extérieur qui menaçait maintenant d’aboutir en conflit armé, se calmait progressivement. Un grand claquement de la porte fit sursauter la sainte assemblée. Plus un son ne se fit entendre, alors que les Ghostbusters fixaient l’entrée comme si cette dernière allait leur répondre. Sentant mon moment arrivé, j’ouvris la porte d’un grand coup, au moment où l’un des exorcistes tentait de s’en approcher. Je me retrouvais seul face au pieu colloque interdit, mon sac sur le dos, tenu à une seule bretelle (une habitude que j’avais prise pour faire plus cool). J’imaginais la manifestation de Nestor derrière moi, tout en fixant mon auditoire d’un regard «habité » et leur lançait un « bonjour » ferme et direct qui eut pour effet de faire reculer les très saint hommes d’un pas solennel. J’en profitais pour fermer la porte et m’en aller à mon destin.
131