Après des vacances bien méritées, les apprentis étaient de retour à l’académie. Comme la toute première fois, chaque nain était allé cherché son filleul, ce qui rendait les séparations moins difficiles.
En troisième année, il était question de préparer la vie future des apprenants. Une matière cruciale était désormais enseignée aux élèves : l’éthique du Mage. Car il était légitime de se poser la question suivante : quelle vie menait vraiment un Mage ? La réponse était, d’après l’académie : apporter l’aide à son prochain et à servir Dieu. C’était le directeur Droridus Saurtam en personne qui enseignait cette matière. Il émanait de lui une sagesse infinie. II était l’un des Mages les plus puissants et respectés de sa génération.
Il expliquait, à travers l’histoire des Enchanteurs, déjà enseignée par Adus Lumas, ce qu’il fallait retenir pour l’éthique des Mages. Les apprenants n’avaient pas oublié les histoires de leur bedonnant professeur d’histoire. Ce qui les aidait à mieux comprendre cette les sermons.
– Mes chers enfants, voilà venu le temps de vous expliquer le but de notre fondation, commença Surtam. Comme vous l’a si bien appris votre professeur d’histoire, notre monde a connu de nombreuses crises. Les dernières sont notamment dues à l’émergence de sorciers malveillants et sans scrupules. Nous les appelons les Dominateurs. Nous ne connaissons pas exactement leur origine. Certains pensent que le sortilège appelé « la transe » consistant à exploiter son subconscient, a contribué à corrompre les esprits. Ce qui aurait donné naissance à une génération de Mages malveillants.
D’autres théories plus elfiques considèrent simplement l’homme trop immature pour maîtriser la magie. Ce qui expliquerait, d’après leurs dires, la naissance des Dominateurs. La nature même de l’homme en serait la cause. L’homme et la magie seraient donc incompatibles. Une théorie un peu pessimiste, remarquerez-vous.
Les Dominateurs sont des êtres qui en général asservissent et méprisent les plus faibles en abusant de leur pouvoir. Nous avons donc crée cette académie pour que les Enchanteurs des prochaines générations ne suivent plus cette voie et ainsi attaquer le mal à la racine. Voilà l’unique but des cette école : vous empêcher de basculer dans le péché.
L’apprentissage de la magie n’est pas le plus important, mais plutôt son utilisation.
C’est ainsi qu’à chaque classe d’éthique, Droridus Saurtam appelait chaque futur Mage à avoir une conduite exemplaire. Avec de petites histoires, il expliquait en quoi le Mage se devait d’être un exemple pour autrui et en quoi il devait assumer ses responsabilités.
En milieu d’année, il dévoila toute l’organisation de son école aux jeunes apprentis. L’académie avait formé bien des Mages avec le temps et certains étaient devenus des membres réguliers de guildes.
Il s’agissait de groupuscules de Mages envoyés pour aider les communautés. C’est ainsi qu’à travers de nombreuses missions, de l’aide avait été prodiguée à de nombreuses régions qui aujourd’hui étaient alliées. Ainsi la contrée des nains avait retrouvé sa richesse. Leur royaume perdu fut retrouvé lorsqu’ils reconquirent avec les Enchanteurs leur montagne des armées gobelines. Depuis, les nains étaient des membres actifs de l’académie et croyait au Dieu unique. Lorsque le Sorcier Noir du royaume de Mont-sur-feu voulut bâtir son empire, de nombreuses guildes furent envoyées pour résoudre le conflit.
Vers la fin du cycle scolaire, l’académie proposait de rejoindre une de ses guildes. Bien que cela ne fût pas une obligation, l’apprenant avait l’opportunité de continuer à agir au nom de l’école en rejoignant un groupe de jeunes Mages. Ou alors il pouvait intervenir dans sa propre communauté de façon indépendante. Les missions les plus difficiles et les plus périlleuses étaient supervisées par les professeurs eux-mêmes qui devenaient temporairement chefs de guilde.
Il existait plusieurs associations au sein de l’école : les guildes des Bâtisseurs constituées essentiellement d’Elémentalistes qui aidaient les communautés à construire leur cité, les guildes des Protecteurs protégeaient des menaces extérieures, les guildes des Guérisseurs constituées de Chloromanciens. Ces derniers intervenaient en cas d’épidémie ou pouvaient rejoindre les unités médicales sur les champs de bataille.
Chacun fut sensible à la cause évoquée par Droridus Saurtam. Si beaucoup retournaient dans leur communauté, la majorité voulait agir contre la crise des Dominateurs. Ainsi la philosophie de l’académie perdurait.
Il y avait cette année beaucoup de candidatures pour entrer dans les confréries.
Emyse fit intérieurement le choix de rejoindre l’unité des Guérisseurs, ce qui n’était une surprise pour personne. Quant à Bratal, il décida de choisir la guilde des Bâtisseurs et voulut s’éloigner des champs de bataille après avoir mal vécu le rite de passage. De plus ses notes en chevalerie étaient trop basses pour se prétendre soldat. Neil hésitait entre la guilde des Protecteurs et celle des Bâtisseurs. Et la décision de Zadion était déjà prise. Malgré le beau discours du directeur de l’académie, le surdoué annonça le soir même son orientation.
– Je quitterai l’académie à la fin de l’année.
– Quel est ton chemin ? Demanda Emyse attristée par cette nouvelle.
– J’ai fait mon temps. Je rentre chez moi.
– Pourquoi ne pas rester ? ajouta Neil.
– Servir l’académie bla bla bla. Ce ne sont que de palabres pour nous enrôler. j’ai déjà choisi mon camp depuis longtemps. Je ne suis venu qu’en tant qu’élève.
Neil comprenait de moins en moins les réactions de Zadion.
– Quel est l’objet véritable de ta quête Zadion ? Tu es certainement le plus doué d’entre nous, dit Bratal, pourtant tu sembles toujours courir sans te retourner.
– Et cette carte…, ajouta Neil.
– La carte est en ma possession, je l’ai mérité. J’espère que tu ne prétends pas que je suis un voleur…
– Zadion ! interrompit Neil, l’unique but d’un Mage est d’aider son prochain comme nous l’a enseigné maître Saurtam. Tu n’as nul besoin de devenir un dieu pour t’acquitter de cette dette. Tu es donc venu avec une intention égoïste.
– Tu te trompes Neil, tu ne sais rien de moi !
– Alors dis le nous mon ami. Le temps est venu d’enlever le voile sur tes projets. Cette « Quête sombre » à quoi elle sert ?
Zadion était acculé. Il décida d’être sincère.
– Ma famille a payé un lourd tribut. Je viens d’un pays où deux clans n’ont cessé de guerroyer pour avoir le pouvoir. Une querelle ancienne qui divisait deux maisons qui ne faisaient qu’un. D’un côté les monothéistes, de l’autre les polythéistes.
Un jour, la monarchie vint gouverner le pays et le trône fut convoité. Mon clan, la maison Elca, prit le pouvoir grâce à nos soldats qui étaient les meilleures. La maison Fengel, rivale, conserva cependant des sièges au conseil. Ainsi, ma maison épargna l’extinction des familles de la maison ennemie et prôna le vivre-ensemble.
Une période de paix et de prospérité suivit. Mais les polythéistes de la maison Fengel agissaient dans l’ombre. Les haut conseillers de ma maison furent assassinés dans la nuit, on fit croire à une invasion mais les vils comploteurs avaient tout arrangé. Etant majoritaire à cet instant au haut conseil, ils proclamèrent Roi l’un d’eux pour récupérer aussitôt le trône.
Ma tribu vit ici une trahison abominable. Un coup d’état fut donc organisé dans l’ombre par les miens. Mais un espion dans notre clan informait secrètement le Roi. En croyant préserver la paix et éviter une guerre civile, l’espion était devenu un traître pour sa maison. Mais il fut trompé, car mon clan fut néanmoins frappé dans la nuit. Les maisons furent brûlées et les prisonniers, femmes et enfants exécutés. Le pouvoir exécutif fut ainsi dissout et ma maison anéanti. Une poignée de survivants prit la fuite. L’espion de la maison Elca, hanté par la culpabilité, se donna la mort. Mon peuple devint nomade. Sans terre, il fonda plus tard la région de Castel-en-brume. Mon royaume vit ainsi le jour en réunissant les rescapés d’une terrible rafle. On l’appelle Le Royaume de l’Orage, son emblème évoque notre passé tragique emplit de souffrances. Tout cela est arrivé avant ma naissance et je ne connus jamais mon père, victime de cette guerre. Depuis ce temps, chaque aïeul dans mon pays a une pensée pour le royaume né de la maison Fengel.
Les compagnons de Zadion furent fort attristés.
– Zadion, tout cela est tragique mais pourquoi vivre dans le passé puisqu’il est aussi funeste, pourquoi ne pas aller de l’avant ? Ne pourrions-nous pas créer une nouvelle ère de paix pour que l’histoire ne se répété plus ?
– Tu ne comprends vraiment rien. Le traître de la maison Elca était mon père Neil. Le fardeau qu’il portait lui a coûté la vie. Il a été manipulé. Après cette tragédie, ma maison renia ma famille qui voyait en nous des traîtres, cela a fait de nous des parias. Mais heureusement ma mère et ma sœur attendait un heureux événement qui allait changer notre destin. Un espoir de laver notre honneur. Quand je suis né, le bonheur prit un peu plus la place dans ma famille. On m’enseigna assez tôt notre histoire et j’ai choisi alors de devenir celui qui apporterait la tête des responsables qui n’ont jamais été jugés. Suis-je pour autant un Dominateur ?
Neil comprit que la réalité était bien plus complexe que ce qu’enseignait l’académie. Rien n’était blanc ou noir, mais plutôt gris.
– Tu es donc… un véritable assassin…
– Demain je quitterai l’école à l’aube. Vous n’entendrez plus parler de moi. Que Dieu vous garde !
Zadion disparut ainsi de l’école et ses amis eurent le cœur lourd. Emyse ignorait que le garçon qu’elle aimait était à ce point consumé par la haine et la vengeance.
Le lendemain matin très tôt, Zadion quittait l’école quand Emyse apparut sur son chemin pour lui barrer la route. Elle n’avait pas dormit de la nuit. Fort inquiète, elle tenta l’impossible pour le retenir.
– Tu n’es pas sommé de partir, si tu restes je ferai tout pour te rendre heureux.
– N’essaie pas de m’en empêcher amie, ma décision est prise depuis fort longtemps. Je dois aller sur les traces de l’homme noir. Je m’en inspirerai pour détruire le cœur du royaume de Fengel.
Emyse se mit à pleurer.
– Le destin a choisi, nous n’y pouvons rien. Maintenant ôte toi de mon chemin.
– Tu ne peux utiliser l’enseignement de l’académie pour te venger. Rappelle-toi, tu as fait le serment. Je sais que du bon existe en toi…
– Là où tu vois le mal, j’y vois la justice pour mon peuple qui n’a pu obtenir réparation. Aucun royaume ne s’est jamais soucié de nous.
– Tu n’es pas le seul à avoir souffert, mon village a été décimé par la maladie, j’en suis moi aussi l’unique survivante.
– Alors prouve-moi que tu n’es pas venu ici pour combattre ce mal. Ne voudrais-tu pas retrouver le responsable, si tant est qu’il en existe un. Regarde-moi dans les yeux et dis-moi que ce n’est pas vrai et je reste.
Emyse se tût et baissa la tête. Elle tenta la dernière chose à faire, lui avouer son amour.
– Je dois t’avouer quelque chose Zadion…
La Chloromancienne ne put finir sa phrase. Zadion utilisa la transe et apparut en un éclair devant elle. Ils étaient si près l’un de l’autre.
– Merci pour ton amitié Emyse, maintenant Adieu !
Emyse crut d’abord son désir devenir réalité quand ses lèvres se rapprochèrent des siennes. Le magicien posa sa main sur l’épaule de la jeune fille et un éclair traversa son cœur. Elle s’évanouit sur le champ. Zadion la coucha sur le sol, impassible.
L’apprenti sortit de sa poche la carte ensorcelée collectée à l’académie. Il la lut. « Vous avez passé toutes les épreuves. Pour retrouver le Roi Noir récitez cette incantation ». Enfin, il disparut de l’académie pour toujours.
*
Heureusement Bratal était là pour lui remonter le moral ce jour-là mais la nuit suivante Neil ne put fermer l’œil. Zadion avait disparu et Emyse avait été retrouvée inconsciente à l’extérieur du château. Malgré qu’elle soit hors de danger, le cœur du fidèle ami avait mal.
Lui qui sondait le cœur des autres n’avait pu voir la noirceur recouvrir celui de son camarade et les sentiments d’Emyse à son égard. Quelle irone du sort, il n’avait même pas su écouter son propre cœur épris de la jeune Enchanteresse. Tout cela l’empêchait de dormir. C’était la seule fille avec qui il s’était lié après avoir brisé sa carapace, alors il regrettait de ne pas avoir déclaré sa flamme.
Zadion avait de la chance avec les filles, grâce à ses nombreuses qualités et à sa belle allure. Il n’était donc pas étonnant qu’Emyse se soit éprise du génie et non du garçon malhabile. À contrecœur, il abandonna l’idée de séduire Emyse un jour. Neil prit à la place, la décision de ramener son ami en fuite auprès de celle qu’il aimait. La sagesse avait parlé cette nuit dans sa chambre.
– Une fois que j’aurai rejoint une des guildes de l’académie, j’irai à sa recherche, je le ramènerai auprès d’Emyse. Il doit retrouver le droit chemin, celui de Dieu. J’en fais le serment Midan.
– Tu es l’apprenti le plus sage que je connaisse Neil, je suis content d’être tombé sur ton esprit. Crois-moi, je suis à l’intérieure de toi et je vois les sentiments qui t’habitent cette jeune Enchanteresse. J’ai moi aussi perdu une femme il y a longtemps, je comprends ta souffrance. Ton dessein est des plus nobles.
Midan et Bratal avaient compatis de voir le jeune apprenti aussi tourmenté.
*
Chaque apprenti avait fait son choix. Un parchemin était rempli par chacun et les sélections se feraient en fonction des compétences et des vœux formulés. Les motivations des apprenants étaient prises en compte autant que les capacités. Chez les Mages, la volonté comptait pour beaucoup.
Au tour du jeune fermier, Neil fut convoqué dans le bureau du directeur Saurtam.
Il prit le couloir le menant à son bureau. Il frappa à la porte avant d’entrer dans la pièce du château que très peu d’élèves avaient eu l’occasion de visiter. Le vieux Mage lisait un grimoire tout en fumant sa pipe. Lorsqu’il vit entrer Neil, il ferma aussitôt son livre.
– Neil Riscod ! Entre donc mon garçon, je t’en prie, met toi à l’aise.
Neil s’assit en marquant le respect.
– Ne t’inquiètes donc pas, cela ne concerne en rien ton orientation et crois-moi Neil, tout le plaisir est pour nous de t’avoir dans cette académie. Nous suivons ta progression avec la plus grande attention.
– Je suis flatté. Merci.
– Mais bien sûr. Nous avons besoin de plus en plus de Mages dans nos rangs. Et il est très important pour l’académie lorsque vous décidez d’agir au nom de celle-ci. Et il n’es pas coutume de voir des élèves qui réussissent à pactiser avec un fantôme d’Enchanteur.
– Je ne pensais pas que ça me vaudrait autant d’éloges, fut surpris Neil.
– Ne te dévalorises pas jeune homme. Pourtant, j’ai vu bien des choses. Tu n’es pas passé inaperçu, loin de là. Tes progrès et le passage du Rite t’ont rendu célèbre à vrai dire. Tu sembles aujourd’hui descendre d’une noble lignée d’Enchanteurs…
Cette année vous nous avez gâté toi et le jeune Zadion.
Neil baissa la tête et Saurtam put lire la tristesse sur son visage. Le directeur posa sa pipe et fixa Neil.
– En vérité, c’est pour cela que je t’ai convoqué. Nous sommes au courant pour Zadion et pour ce qu’il envisage de faire. C’est finalement le magicien le plus prometteur qui bascule, mais ça ne me choque pas.
– Il a abandonné la voie de Dieu. Et vous l’avez rendu encore plus fort et dangereux Maître Saurtam.
– Tu as raison… tu sais lorsque j’ai créé cette école, j’ai voulu rendre ce monde meilleur. Je me souviens m’être demandé : pourquoi ne pas fonder une académie qui montrerait la voie de Dieu à toutes ces magiciens égarés ? Je dois t’avouer qu’un des critères de cette école est de choisir des âmes fragiles et corruptibles. Ce n’est donc pas une surprise de voir des jeunes se perdre dans la nuit, comme Jecer ou Zadion. Certains d’entre eux l’ont toujours été.
Il n’est pas si simple de changer leur destin. Zadion n’est pas le premier. D’autres disciples de mon école ont fait de même. Mais je ne renonce pas à croire que nous leur avons enseigné nos valeurs. Nous avons semé une graine en eux qui germera un jour, du moins je l’espère.
– La sagesse est infini en vous Maître Saurtam. Je n’avais jamais sous cet angle.
– Merci mon garçon, cela me touche. Par ailleurs, j’ai personnellement choisi tes prochaines missions au sein de la guilde des Protecteurs. Tu as un bon niveau et j’ai de grands projets, à condition bien sûr que tu restes.
– Je crois aux valeurs de notre académie Maître, je suis à votre disposition.
– Dans ce cas… Tu es bien sûr de vouloir rejoindre cette guilde ?
– C’est mon vœu.
– Qu’il en soit ainsi. La demande dans cette guilde est forte et tu y seras le bienvenu. Ta première tâche sera une mission d’escorte et de protection pour un voyageur qui a sollicité notre aide.
– Déjà ? Je veux dire… très bien, je m’en charge. Ce serait un honneur, je fais le serment de faire tout mon possible.
– Il n’y a pas de temps à perdre et tu es le mieux placé pour un autre dossier qui reste ouvert à ce jour : le cas de ton ami. Ton amitié pourrait le faire revenir à la lumière. Je vais te raconter une histoire si tu veux bien m’accorder un peu de temps.
Ce qui t’arrive me rappelle une autre histoire passée dans cette académie. Il y a plusieurs lunes de cela, vivait un groupe de jeunes Enchanteurs dans notre école. Ils étaient très doués. Les meilleurs élémentalistes qu’il m’a jamais été donné de rencontrer. Deux d’entre eux possédaient un pouvoir hors du commun. Ils étaient probablement nés avec. Le premier des deux est l’unique survivant du clan des Tempestaires : il se nomme Silvel Lotedan. Il est aujourd’hui le seul à pouvoir canaliser aussi bien la fureur des vents et des eaux pour glacer ses ennemis jusqu’aux os. Le deuxième est un voyageur appelé Ataen, c’est une rôdeur. Ce dernier utilise un élément dont il est le seul à avoir percé le secret : le bois. Il a une excellente connaissance de sa magie créé à partir de la combinaison de deux éléments primaires : la terre et l’eau. D’habitude, les disciples élémentalistes font le test du parchemin pour révéler leur élément ascendant et l’aiguiser jusqu’à la fin de leur vie, pour devenir des érudits.
En revanche, la maîtrise d’un élément combiné demande d’une part la connaissance parfaite des deux éléments primaires, mais aussi du secondaire. Ataen et Silvel sortent de l’ordinaire en ayant accompli naturellement cet exploit très jeune. Quelle joie de les avoir compté parmi nos rangs ! Les trois autres étaient tout aussi surprenants : Gledric avait le pouvoir de se sortir des situations les plus embarrassantes, en utilisant imprévisiblement des invocations aquatiques. Triladon maîtrisait le vent et son corps était un obus vivant. Je me rappelle qu’il se délestait de tout ce qui pouvait altérer sa vélocité, d’ailleurs parfois un peut trop. Une fois, je l’ai surpris entrain de flotter dans les airs nu comme un ver. Tout comme toi on s’est bien moqué de lui. Et enfin vient Eronnon, un Pyromancien, un garçon déjà très savant à son âge. Si ce dernier n’était pas le plus puissant, il restait le plus sage et le plus diplomate de son groupe. Je me rappelle de ses très bonnes notes en classe d’histoire des civilisations. Ces cinq étaient les meilleurs amis du monde.
– On fait leur éloge dans les livres d’histoires. On les décrit comme les meilleurs Enchanteurs de leur génération, ils menèrent la guerre contre le Roi sorcier à l’issue duquel il fut capturé. Mais pourquoi la dissolution de leur guilde ? Il semblerait que cette partie de l’histoire soit gardée secrète.
– Il y a une bonne raison à cela. Une seule décision les sépara tous. Lorsqu’ils capturèrent le Sorcier, plusieurs choix s’offrirent à eux : le livrer vivant ou l’exécuter sur le champ. Un violent débat fit rage entre les cinq. Silvel dont le clan avait été décimé par le Sorcier était un garçon arrogant et impulsif. Il choisit l’exécution. Il fut rejoint par le compatissant Gledric. Ataen et Eronnon s’y opposèrent afin de ramener le Sorcier vivant. Ces derniers pensaient qu’il fallait faire passer en priorité les principes académiques qui n’autorisaient pas meurtre. Seul Dieu était juge et seul un tribunal religieux pouvait décider du châtiment de l’homme noir.
Mais Silvel insista sur la folie du monarque en expliquant que s’ils ne tuaient pas le Prince Ténébreux, il s’échapperait. Triladon restait en retrait, indécis, il se demandait si le magicien noir n’avait pas semé la discorde avec un sortilège. Une violente dispute éclata et les magiciens fous se querellaient en usant leur magie. Imagine la suite. S’agrippant les uns aux autres, une marionnette de Mage finissait propulsée par un vent en colère. Un autre devenait toupie dans une tornade. La lucidité combattait la folie et quand un Enchanteur se mettait en colère, deux autres arrivaient pour le maîtriser. Mais la joute verbal s’envenimait de plus en plus et ils essayaient tous d’avoir le dernier mot. Tout cela, au détriment des règles académiques. Dérèglements climatiques, pluie de grêlons, grondement de tonnerre…
– Arrêtez ! Vous êtes envoûtés ! lança Triladon dans la mêlée, accusant le démon qui s’en réjouissait.
Silvel ne voulut en entendre plus. Furieux, il empoigna une lame de glace enchantée et trancha la gorge du Sorcier. Ainsi tomba la tête du Sorcier et la malédiction sur ce groupe. Silvel Lotedan, appelé dorénavant Silvel le maudit, quitta la guilde et les cinq se séparèrent.
Une malédiction depuis ce temps semble diviser les hommes. Voilà pour la petite histoire.
En prêchant la bonne parole, tu fais de toi un Enchanteur très avisé. On m’a rapporté tes exploits pendant le Rite sacré. Tu as fait preuve de maturité en rassemblant les enfants perdus; pendant ton cursus académique tu as utilisé la magie à bon escient.
Tu es fait pour réunir les âmes égarées mon garçon. Va, parcours le monde et apprend à pêcher des hommes. Maintenant j’espère que dans tes filets je trouverai ceux que j’ai perdus.
– Je ramènerai Zadion. Je prêcherai la bonne parole de Dieu jusqu’au contrées les plus lointaines…
– Que la sagesse de l’académie vous accompagne Maître Riscod.
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