Un matin de printemps au bord d’un ruisseau, Metis sourit. L’endroit est assez charmant, il ne faut pas le dire mais souvent les hommes sont plus fleur bleus que les demoiselles qu’ils raillent. Le jeune homme du bar est avec sa fiancée, c’est l’endroit où ils se sont rencontrés, il raconte combien elle a pu lui manquer, elle se contente de le regarder, un sourire beat aux lèvres. Il y a quelque chose d’embarrassant à regarder deux amants et leurs jeux idiots, même si ceux-ci sont finalement assez universels. Metis tenait à être ici, pas qu’il aime jouer les voyeurs, mais la douleur due à la séparation qu’il avait ressentis chez le jeune homme l’avait touchée. Il avait le pouvoir de l’alléger un peu, pourquoi s’en passer ? Aucun des deux ne s’en doute, mais les deux amants, partagent le même rêve, Metis n’est là que pour les protéger, s’assurer que rien ne vienne les perturber. Ils sont si profondément dans leurs rêves que leur sens du toucher fonctionne, il connait les dangers inhérents à ce type de rêve. Il les laisse s’abandonner l’un à l’autre, sans en courir les risques, en même temps, il leur apprend doucement comment se protéger eux-mêmes. D’aucun pourrait dire que le Chevalier d’Onis joue aux apprentis sorciers, ce genre de rêve ne peut se faire que quand les liens sont puissants, ils peuvent changer les destinées. Cependant Metis n’en a cure, il ne s’agit pour lui que de partager qu’un peu de bonheur, de plus la force des liens est très surfait, les populations capables de ce genre de rêves se sont éteintes il y a très longtemps, ils ne se produisent bien souvent que par hasard, ou pour certaines personnes… le genre qui deviendront Chevalier d’Onis.
Metis ne pense pas que le destin puisse être influencé de cette manière, et pourquoi le contraire ne serait-il pas vrai ? Au lieu de changer leur destin, Metis n’aurait-il pas justement permis à leur destinée de se réaliser ? Les connections qui sont établis ici dureront une vie, la leur. Elle ne garantit pas le bonheur, il y a tant d’autres facteurs qui rentre en jeu pour cela, mais au moins ne feront ils jamais face aux difficultés seuls, quel que soit ce qu’ils perdent, ils auront toujours l’un et l’autre. Metis n’a rien créé, rien modifié, il a juste permis a quelque chose qui existait de s’épanouir pleinement. Pourquoi y a-t-il toujours quelque chose à redire quand on essaie de rendre les gens heureux ?
Il marque les arbres, le bruit du ruisseau, la forme des nuages. Les amants se voit l’un et l’autre et chaque fois qu’il regarde le paysage alentours, au détour d’un baiser, d’un de leur jeu ou de leur amour, ils apprennent les rituels nécessaire à leur protection, à renouer ces liens et se rejoindre. Ils se protègent contre la plupart des intrusions, les malheurs, les anxiétés, que ce soit dans l’univers onirique ou ce que le reste de l’humanité appelle à tort, réalité. Ce monde est le leur et le restera, ici ils sont rejoindront quand ils le voudront quel que soit la distance qui les séparent. La seule rupture viendra de la mort de l’un d’entre eux, ensuite se sera à eux de voir ce qu’ils en feront. Seuls les cadavres cessent de rêver, leurs esprits…
Vogari le lui reprocherait assurément, mais pas pour les mêmes raisons, il utilise sa propre énergie pour créer les liens, pour leur apprendre à se protéger sans interférer, il s’épuise. Il y a des créatures oniriques, cauchemars meurtriers de leurs créateurs, rêves de domination dont les limites ont dépassées celles de leurs rêveurs, des êtres chers que l’on a pu laisser partir et qui ne peuvent subsister qu’au prix d’une sorte de vampirisme. Creatures pour qui un Chevalier d’Onis peu préparés ou affaiblis est une cible privilégiée, beaucoup ont été corrompu à cause de cette compassion. A quoi sert d’avoir un pouvoir si ce n’est pour l’utiliser ? Celui inhérents aux Chevalier d’Onis, leur nature même les pousse à partager, comment ne pas le faire ? Peut-on empêcher un être humain de rêver ?
Les Marcheurs d’Onis le savent, bien souvent eux aussi ont été Chevalier d’Onis. Et même si ce n’est leur tâche, ils prennent à cœur de protéger leur frères et sœurs du monde « réel ». Les remontrances de Vogari ont la même origine, pourtant, c’est satisfait et épuisé que Metis sort du rêve des deux jeunes pour en tomber dans un autre.
Il est toujours dans le camp, cependant ce dernier est différent… désert pour commencer, silencieux aussi. Il a froid mais cela doit être un rappel de l’air conditionné dans sa chambre. Il n’a pas choisi de faire ce rêve, c’est plutôt le rêve qui est venu à lui. La porte de sa chambre n’existe plus, il se sent enfermé… non, pris au piège, il n’y a aucune issue. Dans la salle de bain l’eau coule, il va machinalement fermer le robinet, aucune eau n’en sort… il en entend le bruit pourtant, de même que la douche… il lève la bâche et si le bruit est bien là, ce n’est pas de l’eau mais du sable qui sort du pommeau. Il sent une forte sensation d’oppression, il doit sortir, mais il n’y aucune issue, une sorte de lueur rouge apparait à travers les rideaux fermées, il tente de les ouvrir mais ne peut les atteindre, de la fumée apparait de la fenêtre, se transformant en sable des qu’elle touche le plafond, l’odeur du brulé emplit la pièce. Il a des difficultés à bouger, il fait soudain si chaud, il regarde ses pieds, la partie inferieur de son corps est ensablée. Le sable vient de la salle de bain, des rideaux, la chambre disparait autour de lui, il se retrouve en plein jour, dans le désert, le sable continue de l’ensevelir, les corbeaux passent très haut au-dessus de lui mais se rapprochent. Les sensations… son sens du toucher fonctionne… les rêves ne font cela qu’en de rares occasions… si le sens du toucher fonctionne il peut mourir. Les corbeaux, gros comme des vautours se rapprochent, Métis se retrouve couché, son ventre est exposé, un des corbeaux se pose non loin et vient tâter de la chair offerte, le reste de son corps est couvert d’un sable qui pèse des tonnes, il ne peut bouger aucun muscle.
Métis ouvre les yeux, son réveil indique qu’il a encore quelques minutes avant de se lever, le temps passe différemment dans les rêves. Il a transpiré abondement, son lit est trempé, il a la gorge sèche, il est encore plus fatigué qu’avant d’aller se coucher, les premiers signes de déshydratation. Il se lève avec difficulté, atteint d’une forte migraine, et dévalise littéralement les réserves d’eau. Il évite les bouteilles dans le frigo lui-même, l’organisme doit digérer l’eau fraiche, alors que celle à température ambiante est absorbée bien plus facilement. Sans plus se poser de question, il va prendre une douche, il déteste la sensation de la transpiration séchée.
Les idées un peu plus claires, il allume la lumière et vérifie la température sur la télécommande de l’unité d’air conditionné… 21 degrés. La chaleur qu’il avait ressentie était bien due au rêve et non à une faute de l’unité. L’air est toujours frais, légèrement moite, Métis avait laissé un linge humide proche de l’unité réfrigérante, cela permettait d’éviter les problèmes de déshydratation justement et permettait souvent un meilleur sommeil. La transpiration devait donc aussi être induite par le rêve.
Il n’a pas peur à proprement parlé, il était important qu’il vive le rêve comme n’importe qui d’autre afin de le comprendre, il aurait préféré le faire en pleine possession de ses moyens afin de limiter les risques. Il comprend pourquoi Vogari lui avait demandé d’enquêter. Il ne s’agit pas là, d’un cas typique de rêve unique, les rêves qui perturbent le système nerveux à ce point sont rares. De plus, malgré les images vivides Métis n’a rien vu ou ressentis qui laisse penser à une quelconque volonté néfaste, la peur et le désespoir qu’il a ressenti appartenaient au scenario du rêve, il ne s’agit pas de ses sentiments à lui. Un télépathe latent? Quelqu’un qui ne pourrait supporter le climat et dont l’angoisse s’exprimerait durant le sommeil?
Ce n’était pas un scenario inconnu, c’était même la quelque chose de presque commun, bien que peu d’êtres humains en ai conscience, et dans ce cas effectivement les marcheurs d’Onis ne pouvaient pas grand-chose, sauf Vogari. Vogari pouvait passer du rêve à la réalité, il était l’un des rares marcheurs à pouvoir le faire, le seul à la connaissance de Métis.
S’il est dans le vrai, la liste des suspects se raccourcissait, elle demeure cependant encore trop longue, mais, étant un rêve Vogari serait plus à même de résister à un télépathe… Il est encore trop tôt pour conclure.
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