Sébastien a cinq ans. Il court dans les rues de la cité. Il y a quelques jours, les citoyens se sont rebellés contre les taxes qu’on leur imposait pour payer l’armée et le confort du roi. Alors il a envoyé ses harpies pour tuer tous les insurgés.
Partout où le petit garçon pose son regard effrayé, ce n’est que sang et cadavres : un spectacle des plus horrifiant pour un si jeune enfant !
Alors il court en appelant ses parents. Soudain, deux bras puissants l’attrapent et une grande main se plaque sur sa bouche pour faire taire son cri.
Un groupe de harpies passe, puis l’homme repose l’enfant et le fait le regarder. Agé d’environ quarante ans, brun aux yeux noirs, face à lui le petit se sent enfin en sécurité.

—Salut gamin ! Comment tu t’appelles ?

La voix est douce et chaude. Alors il décide de lui faire confiance.

—Sébastien.
—Enchanté Seb. Moi c’est Simon.
—Est-ce que tu sais où sont mes parents ?
—Ca dépend… Ils faisaient partie des rebelles ?
—Oui !

L’enfant est fier. Au loin, une explosion. Simon lève la tête puis regarde à nouveau Sébastien.

—J’ai bien peur qu’ils ne soient plus de ce monde…

Le petit se décompose puis, soudain, sans avertissement, se met à pleurer toutes les larmes de son petit corps.
Alors l’homme le prend dans ses bras et lui chuchote :

—Chuuuut… Tu vas venir chez moi, tu seras mon apprenti et mon fils, d’accord ?

Larmoyant et reniflant, l’enfant hoche la tête et se blottit dans les bras de son nouveau papa.

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Sébastien court dans les rues, poursuivis par trois harpies. Ça fait onze ans que son père adoptif l’a… adopté. Et maintenant il l’aide, ainsi que le peuple, à se rebeller contre leur roi qui lève encore et toujours plus d’impôts. Quelque part au fond de lui, il sourit, se rappelant du jour ou Simon l’a recueilli. C’était presque la même situation… Mais bon, là il n’a pas vraiment le temps de laisser la nostalgie l’envahir.

Depuis peu, le nombre de citoyens n’avait cessé de réduire du fait du froid, de la faim et des harpies venues étouffer dans l’œuf les quelques embryons de révolution. Puis son père avait armé et entraîné, en secret, la population. Et ce fut au tour de l’armée des harpies de réduire. En fait, les trois dernières, la chef et deux subordonnées, volaient à la poursuite du jeune homme.

Arrivant au bout d’une impasse, il s’arrêta, se retourna et se mit en garde, son épée prête à frapper. La chef se posa au bout de l’allée, ses grandes ailes noires de chauve-souris déployées, bloquant le passage. Les deux autres se jetèrent sur Sébastien en poussant un cri strident.

Il esquiva la première et, dans un même mouvement, décapita la seconde, avant de faire face à celle qu’il avait évité. Concentré sur elle, il ne vit pas que leur commandante s’était rapprochée…

D’un saut souple, il se jeta sur l’avant-dernière harpie, mais avant de pouvoir ne serait-ce que la frôler, deux bras puissants le ceinturèrent. Réagissant au quart de tour, il saisit ses deux poignards et en lança un sur le monstre en face de lui. L’arme la toucha en plein cœur.
Alors qu’il s’apprêtait à planter sa deuxième arme dans le ventre de la harpie qui le retenait, elle le lâcha brusquement et recula.

Devant les yeux médusés d’un Sébastien épuisé, la harpie rapetissa jusqu’à devenir une jeune femme d’à peu près son âge. Nue.

Rougissant, il enleva sa chemise et l’en recouvrit. Elle l’enfila et le remercia d’un sourire qui parut le plus beau du monde au jeune homme. Finalement, leurs regards s’accrochèrent, ses yeux verts à elle dans ses yeux lagon à lui. Et ce fut le coup de foudre. En quelques minutes, une féroce harpie s’était transformée en jeune fille à l’apparence douce et il en était amoureux. Je crois, et lui aussi, qu’on ne l’avait jamais autant insulté que quand il se traita mentalement de tous les noms d’oiseaux qu’il put trouver pour se dire à quel point il était stupide… Puis elle parla et toutes ces grossièretés s’envolèrent de son esprit pour qu’il se concentre sur la mélodieuse voix de son aimée.

—Pouvez-vous me mener à Lord Simon je vous prie ?
—Euh… (il se racla la gorge, peu sûr de ses cordes vocales)Mon père s’appelle Simon… Mais je ne sais pas si c’est l’homme que vous cherchez…
—Nous verrons. Menez-moi à lui s’il vous plaît.

Traversant rues et avenues prudemment, il l’a mena chez lui. Arrivé là-bas, il commença par demander à Betty, la femme de chambre, de trouver des vêtements à sa belle inconnue.
Puis il frappa à la porte du bureau de son père.

—P’pa ! Il y a une jeune femme qui veut te voir !
—Entre Seb ! Je n’attendais pourtant personne…

Sa voix mourut lorsqu’il aperçut la jeune femme rousse qui se trouvait face à lui, flottant dans la chemise de son fils.

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