L’arène était déserte depuis quelques jours, et déjà il sentait la nostalgie l’envahir. Pendant ces quinze jours de folie les gradins avaient été remplis à craquer par une foule en délire venue des quatre coins du Monde Magique pour soutenir leur équipe fétiche, et maintenant, c’était fini. Il errait au milieu de l’étendue sableuse comme une âme en peine, en proie à un triste désœuvrement.

— Mayeu !

L’elfe releva la tête et lissa sa longue moustache d’un air intrigué. Il était rare que son collègue se mette dans des états d’excitation aussi avancée et il haussa un sourcil en le regardant approcher. Peut-être qu’il lui apporterait de quoi égayer un peu son quotidien devenu morne du jour au lendemain…

— Mayeu ! On a des nouvelles de l’Organisation Magique des Jeux Aquatiques ! Ils autorisent l’organisation d’un Tournoi ici, dans notre arène !

L’elfe ouvrit des yeux ronds comme des billes avant de pousser un hurlement de joie. Les deux collègues entamèrent une ronde tous les deux, sautillant gaiement, donnant quelques coups de pieds dans le sable.

— Ça va nous ramener une foule incroyable des royaumes les plus lointains !

— Et surtout, les gradins vont être de nouveau plein à craquer !

Cela ne faisait en effet aucun doute : jamais personne n’avait obtenu l’autorisation d’organiser un tel événement dans la cité de Bellwade, et si l’arène de Mayeu et de son collègue était petite en comparaison des autres existantes dans la ville, ils avaient l’avantage d’être placé en bordure, à proximité d’un immense réseau de lacs : ils avaient ainsi pu en acheter certains pour aménager des terrains pour les jeux aquatiques. Personne jusque là n’avait eu une telle audace.

— Je vais prévenir la presse. Tu peux t’occuper d’obtenir les autorisations ?

— Compte sur moi !

Mayeu regarda son collègue s’éloigner et il entama seul une petite gigue qu’il acheva sur une profonde révérence en direction de la loge prestigieuse toute drapée d’écru. L’inactivité prenait déjà fin !

***

L’administration de Bellwade avait été depuis quelques années confiées à tout une équipe de gobelins, réputés pour leur minutie et leur rigueur dans les tâches administratives. Mayeu dut tomber sur l’exception qui venait confirmer la règle : à dix jours seulement du lancement du tournoi, il n’avait toujours pas obtenu l’autorisation d’accueillir sur la zone les dix milles supporters qui y étaient attendus.

— Ecoutez, les places ont déjà été vendues… On ne peut tout de même pas annuler !

— Oui, j’ai entendu que tout avait été vendu en l’espace d’une semaine !

Mayeu ne put retenir un sourire satisfait alors qu’il hochait la tête et le gobelin lui répondit par une grimace gênée.

— Malheureusement, j’étais en congé… Si seulement j’avais pu obtenir des places pour toute ma famille…

L’elfe haussa les sourcils de stupeur. Il mit un moment à réagir, pendant lequel un silence gênant s’installa, et le gobelin finit par se racler la gorge.

Quand il sortit du bureau, les choses étaient arrangées, mais Mayeu était ébranlé. La rigueur gobeline n’était plus ce qu’elle était.

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