rgon et Erwin prirent du repos, comme rarement ils avaient le loisir d’en prendre. Une semaine en sécurité, sans avoir à guetter ici ou là, sans devoir se battre. Ils étaient habitués à leur vie d’aventure, mais appréciaient cette trêve dans leur réalité. C’était comme une saison, comme il y a l’été et les courses dans le vaste monde et l’hiver pour rester au coin du feu et panser ses blessures. Une saison courte toutefois, car sans cesse de nouvelles missions les relançaient sur les routes, et sans cesse leur sang bouillonnait. Ils aimaient l’aventure, et savaient la valeur de la pause.
Comme annoncé, on leur présenta ceux qu’ils accompagneraient. Trois moines formés non seulement aux sciences, avec chacun sa spécialité incompréhensible aux deux mercenaires, mais aussi une formation au combat. Comme tous les moines envoyés en mission dans le monde extérieur, ils possédaient un art pour se défendre. Argon avait levé un sourcil en apprenant cela, bien des années plus tôt. Ceux qui proscrivent toute violence dans l’enceinte de leur temple, sauraient donc se battre ? La réponse lui avait été apportée par Erwin. La violence est néfaste à l’étude, donc proscrite ici, mais le monde hors des murs impose ses règles à qui le parcourt. Encore une fois, Whus démontrait plus de rationalité que de mysticisme.
La première moniale, Pélane, était une femme de petite taille, dans la seconde moitié de sa vie. Le crane entièrement rasé ne masquait pas totalement la douceur qui émanait de son visage, et révélait les tatouages de la magie de la terre. Elle salua les deux hommes en s’inclinant avec grâce. Elle était versée dans l’étude des astres célestes. Le second, Longine, donc le corps de bonne carrure semblait s’être asséché au fil des années d’études sur le ciel et les tempêtes, fut présenté comme un exorciste. Argon hocha la tête à l’annonce de sa spécialité. La troisième, Etaile, au salut martial, avait le même domaine d’étude, et sa grande taille aux muscles bien formés justifiait de sa maîtrise du combat au corps à corps. Ils eurent le temps de lier connaissance pendant les quelques jours qui furent nécessaires à régler les détails du voyage. Pélane semblait fiable et tranquille, alors que Longine restait en retrait, comme effrayé par le proche départ, ou la compagnie du guerrier. Argon et Etaile s’entraînèrent ensemble, et si l’homme gagna chaque combat, ce ne fut jamais facilement. Les moines savaient se défendre, ne pas être des proies faciles pour les agresseurs, mais n’avaient pas cette science du champ de bataille qui sépare la vie de la mort violente. Argon et Erwin étaient là pour diriger la charge et subir l’impact, en utilisant au mieux les capacités offensives de chacun.
Le jour du départ arrivé, les cinq voyageurs enfourchèrent leur monture dans la cour extérieur du monastère. La foule des moines s’était amassé tout autour, silencieuse. L’abbé leur souhaita chance et réussite dans un discours rapide, insistant sur l’importance de la mission sans pour autant être plus précis que dans son bureau, une semaine plus tôt. Erwin se tenait droit sur son cheval, perdu dans ses pensées, n’écoutant sans doute qu’à moitié. Argon regardait la foule, heureux de retrouver le poids de ses armes, la sensation de l’armure qui serrait son torse, le piaffement nerveux du cheval prêt pour le départ. Il avait remarqué la courte cérémonie que chacun de leurs trois compagnons avait effectuée en tête à tête avec un congénère. Ils s’étaient tenu front contre front, paume contre paume, récitant il ne savait quel mantra. Il regrettait juste de ne pouvoir prendre la voie des airs, mais n’auraient jamais pu emmener tout le monde avec deux paires d’ailes. De plus, son amulette de vol devait rester son affaire, son origine ne serait certainement pas appréciée. Ils partirent dans l’air frais du matin.
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