Erwin serra Erza un instant contre lui, puis s’installa en tailleur face à la déesse, sortant ses ailes pour reproduire l’ancien rituel de vénération. Elles commencèrent à battre, inondant la statue de vent. Il ferma les yeux, s’immergeant dans l’ambiance de la pièce, de la ville toute entière. Dans la dimension du rêve, il sentait autour de lui d’autres fidèles offrir leur vent. L’air tournoyait, se mêlait en un flux commun bien plus important. Erwin ouvrit les yeux sur une lumière intense, blanche comme celle du soleil. Dans un tourbillon de vent presque liquide se tenait la déesse, dans son incarnation de chair. Elle flottait au milieu de la salle vide, bien qu’Erwin sentît encore les flux multiples sur sa peau.

— Enfant de mon peuple, bienvenue.
— Déesse Lipen, je suis indigne de me présenter devant toi.
— Je me présente de ma propre volonté. Tu en es donc digne. A moitié homme, tu portes mon peuple comme étant le tien. Cela fait bien longtemps que personne ne m’a appelée en ce lieu, par la prière ou l’entremise du rêve. Tu es un être intrigant, sang mêlé qui cherche ses ancêtres Aériens, maître de magie comme il en existe peu.
— Je cherche en effet ton peuple, pour mon propre chemin, et pour apprendre pourquoi la ville a été vidée de ses habitants et de votre protection. Un chaos sans précédent nous menace, les grands vents ont été détournés de leur route. Les démons préparent un nouvelle guerre.

La déesse resta un long moment silencieuse.

— Cela n’a rien de récent. Effectivement les grands vents sont troublés, et leurs effets changent le climat de cette terre. L’attaque de Lipende avait pour but de m’ôter leur contrôle. Une fois quitté la ville et ses fidèles, j’étais sans pouvoir. Le peuple des Aériens a bien été massacré et emmené au cœur du désert. J’ai perdu tout pouvoir. Par les routes, je m’occupais des voyageurs qui se recommandaient à moi. Je sais maintenant ma faute, mon manque de prévoyance. Là où je n’ai vu que guerre entre mortels avançait un plan terrible, jusqu’à ce qu’ils me remplacent et détournent les vents.
— Quels sont vos ordres, Déesse ? Je veux redonner à votre culte toute son importance, et à Lipende sa population. Il me faut sauver mon peuple de la Cité, s’il reste des Aériens dans ce monde.
— Je ne peux m’en assurer si loin dans les terres de Chak sans provoquer l’affrontement. Mais il peut rester des survivants, la race des Aériens est solide, et les démons ont l’usage d’esclaves puissants. Toutefois, il faudra passer les défenses de la Cité, et affronter ses armées. Personne n’a jamais essayé.
— Il faut pour chaque acte un premier. Avec votre soutien, les mortels peuvent réaliser des exploits.
— Pour mon culte il faut un peuple, mon peuple élu. Cela prendra du temps.
— Je peux vous bâtir des temples dans le royaume des humains. Attirer des fidèles. Vous rétablir dans votre dignité, et votre nom véritable.
— Belles paroles. Prouve-moi ta foi, et tu seras récompensé.
— L’attaque des démons ne peut attendre ma promesse, malheureusement. Il me faut requérir votre aide avant de la payer en retour.
— Contre eux, tu auras toute mon aide.

Dans les yeux de la déesse tournoyaient des ouragans.

— Tes compagnons de Whus ont compris ce qu’il se passait. Invoque simplement mon nom dans la bataille, et le Vent Vrai se fera bourrasques meurtrières. J’ai autre chose à t’offrir. L’humaine qui t’accompagne t’est-elle chère ?
— Je suis à elle autant qu’elle est à moi.
— Je lui offre alors une chance de se défendre et de te protéger, pour célébrer vos vœux.

132