La tension dura jusqu’au soir, et ils ne chassèrent pas ce jour là. Durant la nuit, les tours de guet se firent à deux personnes qui ne devaient pas se perdre de vue. Erza et Longine était de garde mais ce fut Argon qui donna l’alerte, tiré de son sommeil par une colère contenue. Il réveilla les autres dormeurs, puis saisit son immense épée. Erwin s’envola après avoir serré les mains d’Erza un court instant. Le silence habituel de la nuit, vide d’animaux ou presque à cette altitude, permit bientôt à chacun d’entendre un bourdonnement, un bruit léger mais grave, profond. Le bruit d’une armée en marche. Ils se tenaient autour du feu éteint, grelottant dans le froid et l’attente. Le bruit enfla sensiblement, et s’arrêta. Longine frappa alors le sol de son bâton au milieu du pentacle qu’il venait de finir. Le premier démon qui passa le bord et se rétablit sur la plate-forme se nimba immédiatement d’un halo rougeâtre. Ses semblables le rejoignirent, visiblement dépités d’être attendu et rendu visible par le sortilège. Mais dès qu’ils se pensèrent en nombre suffisant, ils chargèrent, encerclant le groupe. Tout bascula. La montagne trembla, des rocs jaillirent sur les attaquants, les écrasant, les poussant dans le vide. Pélane avait maintenant repéré les démons en train d’escalader la falaise, et elle s’appliquait à les en décrocher. Elle écoutait les souffles de la terre, les mains posées au sol. Les cris des démons projetés dans le vide par la paroi à laquelle ils s’accrochaient se mêlèrent à ceux écrasés par les rochers. Malgré les pertes, il en restait toujours pour charger. Etaile et Argon se portèrent à leur rencontre, brisant net la première vague et protégeant leurs compagnons. La large lame traçait des sillons dans les rangs des agresseurs, implacable, à peine ralentie par les os qu’elle traversait. Les poings de la jeune femme frappaient pour disparaître un instant et frapper l’adversaire suivant, brisant l’échine, le crane. Les mouvements des deux guerriers étaient visibles aux silhouettes rouges qui s’écroulaient et s’éteignaient dans un nuage de poussière. Pélane continuait à viser le gros des troupes avec les rochers. Longine tremblait de tout son être, mais les vagues d’énergie qu’il lançait pulvérisaient des lignes d’ennemis. Les traits de feu fusaient des mains d’Erza, frappant parfois à côté, ravageant les corps, laissant des entailles fumantes partout.

Le vent se leva brusquement, secouant chacun par sa violence, dispersant les cendres. Des bourrasques dévalèrent les pentes, faisant lâcher prises aux derniers grimpeurs encore en route. Etaile semblait accélérer, poussée par le souffle, achevant ceux que les sorts à large rayon d’action avaient épargnés. Erwin était en pleine invocation quand des assaillants volants le prirent par surprise. Le premier le frappa de ses griffes, traçant un sillon sanglant sur son flanc gauche, manquant par chance l’aile diaphane. L’instant d’après une bourrasque dispersait les démons ailés, libérant le semi-aérien. Ils revinrent a la charge, accueillit par les coups de dague d’Erwin, bien trop rapide pour eux. Erza avait vu l’attaque, et malgré sa crainte de le perdre avait vite reporté son attention sur l’affrontement terrestre. Elle était trop inexpérimentée pour lui porter secours à cette hauteur. Au sol, les derniers démons tombaient sous les coups d’Etaile et d’Argon. Les deux guerriers étaient couverts de blessures plus ou moins profondes et du sang épais de leurs adversaires. Le silence retomba sur le champs de bataille. Même les mourants n’émettaient pas une plainte. Le groupe se reforma, à l’exception d’Erwin toujours en vol, et Longine annonça

— La piétaille a failli, la prochaine attaque sera d’une toute autre ampleur.

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