Deux jours plus tard, a peine rentré de l’entrainement, Exéus qui ne se sentait pas très bien, alla se coucher. Demain il devrait partir et quitter cet endroit. C’était la nuit la plus longue qu’il eut connu, jamais il ne s’était posé autant de questions. Tous ces mystères le rendaient fou, la disparition de son père, de sa mère et la mort de son grand père. C’était comme si tout le monde l’abandonnait au moment où il avait le plus besoin d’une famille et de réconfort. Il transpirait et tournait dans son lit dans tous les sens. Rien à faire, le sommeil ne voulait pas venir cette nuit. Il se leva et prit un verre d’eau en espérant que cela l’aiderait. Il ne restait plus que cinq heures avant que le soleil ne se lève. Après un bon moment, il finit enfin par s’endormir.
– Hé, Exéus, oh oh, tu te réveilles. Il est l’heure, Eldor nous attend devant l’entrée du village.
Exéus se réveilla durement. Ses quelques heures de sommeil n’étaient pas suffisantes pour lui.
– C’est bon, j’arrive. Attends moi dehors dit-il à Varro.
Ce dernier sortit de la maison et attendit. Exéus put à peine se lever tellement il était fatigué. Il s’habilla le plus rapidement possible. Il prit son sac et y rangea le glaive de son grand père, quelques habits de rechange et une couverture. Il n’oublia pas le médaillon. Il sortit enfin de la maison. Il n’allait peut-être jamais la revoir un jour. Il eût de la peine de ne pouvoir dire au revoir à ses parents et était inquiet pour eux. Il rejoignit Varro et se mirent en route.
– Comment as tu fait pour que tes parents te laisse partir? questionna Exéus.
– C’était plus simple que je ne le pensais. Je leur ai dit que je partais camper avec toi et que tes parents étaient déjà sur place.
– Tu sais qu’on ne sait pas combien de temps on va devoir rester là bas. Cela durera peut-être plusieurs semaines.
– Oui je sais, mais je ne pouvais pas faire autrement.
Ils continuèrent leur chemin vers la sortie du village. Quitter ce village était très dur pour eux deux, ils y avaient grandi. Aux portes d’Humanum, Eldor et Dana les attendaient sagement. Ils avaient l’air décontractés. Sans doute parce qu’ils voyageaient entre père et fille. Quitter le village devait être moins dur pour eux.
– Êtes-vous prêts, jeunes amis ? Nous ne reviendrons pas avant un bon bout de temps, en tout cas pas avant qu’on ait éliminé le Mandore. Alors, si quelqu’un veut se désister, qu’il le fasse savoir.
Mais personne ne semblait renoncer au voyage. Ils regardèrent une dernière fois le village, et s’engagèrent vers les grandes portes. A la sortie de Pacem, deux hommes arrêtèrent Eldor et lui demandèrent une autorisation. Une fois dehors, le paysage n’était plus du tout le même, il n’y avait qu’une grande route de terre entourée d’herbe et d’arbres. Eldor passa le premier avec sa fille et Exéus et Varro fermèrent la marche. Sans vraiment en avoir conscience, ils se dirigeaient vers des contrés qui regorgeaient de dangers. Ils marchaient depuis plusieurs heures désormais et n’avaient pas encore quittés RealSand, qu’Eldor proposa de faire une pause. Le temps avait radicalement changé et il commençait à neiger. Cela n’avait rien d’étonnant, le temps sur Cryon jouait au yoyo et on pouvait passer de l’été à l’hiver en quelques heures de marche seulement. Ils trouvèrent un grand arbre et décidèrent de s’y abriter. Ils s’assirent autour, leur dos contre son tronc et se reposèrent. Ce froid accablant les avait vite fatigués.
– Où doit-on se rendre déjà ? demanda Varro.
– Rochevreux répondit le vieux mage.
– Ah oui, c’est vrai. C’est là bas qu’il y a des gollomes, non ?
– Oui c’est ça. Les gollomes des montagnes. N’ayez pas peur, ils sont certes très grands mais ils sont aussi très niais. Leur cerveau ne s’est jamais développé.
– J’espère bien, je ne tiens pas à mourir dès le premier jour, dit Exéus.
– Vous êtes vraiment des froussards, ils ne vont rien vous faire. Et même, dans le cas contraire, vous savez vous défendre cria Dana.
– Quand même ce n’est pas tous les jours qu’on voit des monstres de six mètres de hauteur. répondit Varro quelque peu vexé.
– Calmez-vous, si vous vous chamailler dès le premier jour, qu’est ce que ça va être dans une semaine? dit Eldor.
Ils baissèrent tous la tête et se replongèrent dans leurs pensées.
– De toute manière, il est temps d’y aller. Il se fait tard et je voudrais au moins dormir loin de RealSand. La route est longue jusqu’à Rochevreux alors ne perdons pas de temps déclara Eldor.
Varro se leva gauchement et se prit une branche en plein visage qui l’écorcha. Quelques gouttes de sang tombèrent et répandirent sur le sol neigeux. Sans s’en rendre compte il perdit également sa chaine et son pendentif: une petite pierre bleue. Il ne remarqua son absence que bien plus tard et il était trop loin pour faire demi-tour. En chemin, Varro et Dana s’évertuaient à se contredire. Ils se battaient pour savoir quel était le climat à Rochevreux. Varro disait qu’il faisait chaud et Dana le contraire. Ces discussions stériles et sans intérêt pouvaient durer des heures. Eldor n’arrêtait pas de les séparer mais en vain, dés que l’occasion se présentait, c’était reparti. A la longue, on s’y habituait, cela créait un peu d’ambiance. Exéus marchait en retrait en se demandait où ses parents avaient pu aller. Il pensa à toutes les possibilités, mais rien d’après lui, n’aurait pu les faire partir aussi rapidement sans même lui en parler. Il finit par se dire que s’ils étaient partis, c’est que quelqu’un les y avait contraints. La journée passa vite. A présent, la lune était brillante et leurs estomacs criaient famine. Voyant que tout le monde avait faim, Eldor proposa de s’arrêter pour se restaurer un peu. Ils trouvèrent une grotte et s’y installèrent pour la nuit. Il fallait trouver du gibier et donc par conséquent aller chasser. Les deux amis se dévouèrent et partirent dans la forêt arbrossale non loin de la crevasse où ils s’étaient établis. Varro sortit son arc et Exéus son épée. Ils s’avancèrent doucement dans la vaste étendue d’arbres et guettèrent tout bruit susceptible d’être celui d’un animal comestible.
– Tu ne t’entends pas très bien avec Dana? dit Exéus.
– Elle m’exaspère à me contredire toute la journée, elle est persuadée qu’elle a toujours raison. On dirait Drac quelques fois.
– Il ne faut exagérer non plus. Elle est peut-être un peu fatigante mais elle n’est pas comme Drac. Lui, il est dangereux, pas elle.
– Tu n’en sais rien, après tout, cela fait longtemps que tu ne l’avais pas vu.
Soudain derrière un arbre ils virent un sanglier. Il était en train de brouter tranquillement.
– Vas y, tire lui dessus.
Varro encocha sa flèche, visa mais lorsqu’il voulut décocher, l’animal poussa un cri et une mare de sang se répandit sur le sol. Varro et Exéus ne comprirent pas ce qui venait de se passer. la seconde suivante, ils virent Dana, un couteau à la main. C’était elle, qui avait tué le sanglier.
– Tu vois, je t’avais dit qu’elle était dangereuse s’exclama Varro.
– Mais enfin que fais-tu ici, je croyais que tu étais restée avec ton père! C’était nous qui étions censés chasser, pas toi dit Exéus énervé.
– Oui, mais vous avez mis un peu trop de temps à mon goût. Je m’en suis donc occupée moi même.
Ils n’en revenaient pas. C’était une fille qui avait ramené le gibier à leur place. Dana était plus imprévisible qu’ils ne le pensaient. De retour dans la grotte, Eldor ne fut pas surpris d’apprendre que sa fille avait tué un sanglier. Entre-temps, il avait fait un feu qui éclairait l’abri. Il fit apparaître une broche et y planta l’animal au dessus du feu pour le faire cuire. Tout le monde le regardait avec une tête ahurie.
– Wahh! C’est génial votre truc. cria Varro. Vous pouvez faire apparaître ce que vous voulez?
– Non, dit Eldor modestement, seulement ce que je possède ou ce que possède mon entourage.
Ils étaient tous assis autour du feu et prirent chacun leur tour, un bout de sanglier. Pendant qu’ils mangeaient, Exéus prit la parole.
– Eldor, je voudrais te poser une question.
– Et bien pose, mon garçon.
– Comment as-tu su que Drac nous espionnait à l’auberge?
– Ton grand père ne t’a pas expliqué comment fonctionne ton médaillon ?
– Non, il ne m’a rien dit à ce sujet, mais j’ai supposé de moi-même dit-il intrigué. Explique-moi s’il te plait, je voudrais en savoir plus.
– Pour commencer, ton médaillon est doté de pouvoirs magiques. C’est moi qui l’ai crée autrefois. ll change de couleurs en fonction de la menace. Lorsqu’il est jaune c’est qu’on t’épie ou qu’un individu indésirable est à proximité. Quand il devient orange c’est qu’un danger est imminent. Quand enfin il devient rouge c’est que toi où tes proches êtes en danger de mort. Pour chacune de ces couleurs, le médaillon te brûlera, légèrement ou intensément en fonction du danger. Je l’avais donné à ton grand père pour qu’il évite de s’attirer des ennuis. Il a d’ailleurs très bien fonctionné. Mais le problème c’est que sa magie est liée à mon état de santé, autrement dit quand je suis malade sa magie n’opère plus.
A ce moment là, Eldor essuya une larme et continua son récit.
– Lorsque ton grand père à été tué, j’étais très fatigué. Je venais d’attraper une grippe et j’étais cloué au lit. Ma magie n’a donc pas fonctionné et le médaillon non plus. Il n’a pas pu, par conséquent, être averti du danger qu’il encourait.
Eldor était en larmes. Personne ne l’avait encore jamais vu pleurer.
– Je m’en veux tellement si tu savais, je…
Mais ce fut trop dur pour lui de finir sa phrase.
– Ce n’est pas ta faute Eldor, il n’y a que le Mandore qui est responsable j’en suis sûr.
– Oui, sûrement dit-il en sanglotant.
Soudain, Exéus se souvint du moment où ses parents avaient disparus, le médaillon était devenu rouge et l’avait brûlé. Ses parents étaient donc en danger de mort. Il transpira et avait chaud, il ne sentait pas bien.
– Le médaillon était rouge quand mes parents ont disparus, dit-il en s’adressant à Eldor. Tu crois que…
– Je ne sais pas mon garçon, mais je souhaite de tout mon coeur que ce ne soit pas le cas.
Tout le monde était choqué après cette discussion qui fut des plus surprenantes. Ils se posaient tous des questions sur ce qui venait de se passer.
Il se faisait tard désormais, ils étaient tous d’accord pour mettre fin à la discussion et aller se coucher.
Exéus n’arrivait pas à dormir. Ce qu’Eldor lui avait révélé était dur à accepter. Ses parents pouvaient donc mourir dans un futur proche. Il était bouleversé. Il se leva et alla se balader dehors. Il voulait prendre l’air et se changer les idées. Il se dirigea vers la forêt et observa la nature. Cette forêt était magnifique maintenant qu’il y faisait attention. Il y avait de très grands arbres, leurs troncs faisaient la taille de quatre troncs ordinaires et leurs grandes feuilles bougeaient au vent frais de la nuit. Ce soir, le ciel était étoilé, la lune brillait et pas un seul nuage à l’horizon. Il marchait depuis une heure, lorsqu’il constata qu’il s’était beaucoup éloigné du campement. Il n’y avait qu’une grande étendue d’arbres à perte de vue. Il rebroussa donc chemin. A un moment, il vit un arbre plus gros que les autres avec un tronc gigantesque. Il s’en approcha intrigué et l’observa longuement. Soudain, un événement inattendu se produisit. L’arbre à sa plus grande surprise se mit à parler.
– Eh bien, es-tu insomniaque!
Exéus prit peur, recula et trébucha sur une de ses racines. Il se retrouva par terre et regarda l’arbre de nouveau, ne sachant pas s’il avait imaginé tout cela. Un arbre qui parle se dit-il, ce n’est pas possible.
– N’ai pas peur, voyons, tu n’as jamais vu d’arbre qui parle. Tu sais, je suis enraciné ici depuis des centaines d’années, alors je ne risque pas de te blesser.
– Qui êtes vous? dit Exéus qui retrouvait subitement la parole.
– Je suis Tempios, et eux ce sont mes amis.
Tout d’un coup tous les autres arbres se mirent à ouvrir les yeux et saluèrent l’adolescent.
Exéus n’en revenait pas, il se disait qu’il était en train de rêver. Après tout, si un arbre pouvait parler, alors pourquoi pas toute une forêt.
– Je suis Exéus dit-il à Tempios, sans toutefois croire qu’il lui parlait.
– Je le sais jeune homme, j’ai d’ailleurs un message à te délivrer, alors écoute bien: « Quand un mystère se manifestera, seule l’épée t’aidera »
Exéus voulut lui demander ce que cela voulait dire mais la seconde plus tard, Tempios était redevenu un arbre tout ce qu’il y a de plus normal ainsi que le reste de la forêt.
Exéus, encore sous le choc, se remémora le message « Quand un mystère se manifestera, seule l’épée t’aidera» qu’est ce que cela pouvait bien signifier. Il était pour l’heure trop fatigué pour y penser, il était tard et préféra rentrer se coucher un peu avant que tout le monde ne se réveille. Il retourna vers la grotte et quelques instants plus tard, le sommeil l’emporta.
Le lendemain, ce fut Eldor qui les sortit de leur profond sommeil. Il avait l’air pressé.
– Plus vite, dépêchez-vous il est déjà très tard, nous ne sommes pas en avance, je veux arriver à Rochevreux avant la nuit.
Tous se dépêchèrent. Ils ne déjeunèrent pas et sortirent rapidement pour reprendre la route. Varro avait faim et le manque de petit déjeuner le rendait de mauvaise humeur. Une légère querelle avec Eldor éclata. Pendant plus d’un quart d’heure Varro ne cessait de répéter qu’un repas le matin était indispensable pour le reste de la journée. Dana profita de la dispute entre son père et Varro pour parler avec Exéus.
– Tu sembles inquiet? tu penses à tes parents?
– Je ne fais qu’y penser avoua t-il.
– C’est normal. Ma mère est morte alors que je n’avais que trois ans . Elle a été tué par un gollome alors qu’elle était en voyage. Quand mon père me l’a raconté j’étais hors de moi et je me suis toujours dit que si je devais un jour les rencontrer, je me vengerai.
– Mes parents ne sont pas morts, je le sais au fond de moi essaya de se convaincre Exéus.
– Je l’espère pour toi mais le rouge du médaillon n’est pas bon signe.
– Pourquoi n’aimes-tu pas Varro ? dit Exéus en changeant de conversation.
Il ne voulait plus parler pour l’instant de ses parents.
– Tu sais si tu sais t’y prendre il est vraiment sympa continua t-il.
– Sûrement, écoute je t’ai vu hier soir avoua t-elle.
– Tu m’espionnais ?
– Non, mais je n’arrivais pas à dormir non plus, alors quand je t’ai vu sortir, je t’ai suivi discrètement. J’ai aussi entendu le message que t’a donné l’arbre.
Exéus n’appréciât pas d’avoir été suivi. Il avait l’impression que son intimité avait été violée mais il n’en laissa rien paraître.
– As-tu compris ce que ce message signifie? finit-il par dire enfin.
– Absolument pas, mais ça viendra.
A ce moment là, Varro apparut et s’approcha d’eux. Il n’avait pas l’air très content, sa dispute avec Eldor l’avait quelque peu démoralisé. En le voyant, Dana partit et rejoignit son père. Varro attendit qu’elle soit loin pour parler.
– Alors, tu as pu dormir hier soir ?
– Non, dit Exéus et il lui raconta toute l’histoire de la veille.
Après son histoire, Varro avait l’air d’avoir entendu une histoire pour enfants avec des arbres qui parlent. Il fallut lui expliquer l’histoire plusieurs fois avant qu’il ne la prenne au sérieux.
– Bizarre comme message quand même finit-il par dire.
– Tu as raison, vraiment étrange.

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