La bataille était à nos portes. Cela faisaient plusieurs jours que nous savions ce qui était arrivés à nos troupes et tout le monde dans le village se préparaient aux pire. Les sourires complices et malicieux avaient cédés leurs places à la tristesse et à la mélancolie. Ma communauté se préparait à affronter un adversaire qui lui était plus d’un million de fois supérieur en nombre. Dans un combat qui déciderait de son destin, et de celui du monde connu. Des messagers nous avaient rapporté que l’armée d ‘Anthranax avait grossi exponentiellement aux cours des dernières semaines. Des contingents entiers traversaient la frontière pour aller rallier les forces en mouvements, comme s’ils avaient attendu la quasi victoire de leur maître pour se mettre en branle. A ce jour les services secrets estimés à deux millions le nombre de ces soldats. Une force colossale qui ne laissa que désolation et destruction sur son passage. Des villes et hameaux qui croisèrent son chemin ils ne restaient rien, le viol et le pillage étant sacro-saint et le feu une représentation de la juste colère du divin, des forets entières furent défrichées pour permettre la construction d’immenses engins de siège et toute vie animal en leurs saints servit à sustenter les soldats. Les cités épargnées furent transformées en garnison ou devinrent des taudis abjects ou se développaient toutes sortes de maladie plus pires les unes que les autres, et ou la mort elle-même ne voudrait point s’y installer. En moins d’un mois l’ensemble de nos infrastructure Azur y comprit avaient été conquise. Nous annexant ainsi à Méridiss, plongeant le continent entier dans la grisaille et l’affliction. Puis un beau jour, le conflit nous atteignit. Nos chasseurs partis en reconnaissance revinrent nous prévenir, que l’armée d’ Anthranax ne se trouvait plus qu’à une centaine de kilomètre de notre villégiature. Prêt de la ville portuaire de Bélagron ou plutôt devrais-je dire de ce qui avait été. Après le départ des soldats nos pisteurs pénétrèrent dans les ruines de la ville encore fumante, et ce qu’ils y découvrirent resta gravés dans leurs mémoires les changeant pour toujours. Nous ne sûmes jamais de quoi il en retournait ceux-ci se murant dans un profond mutisme dès qu’on abordait le sujet de prêt ou de loin .Tout juste nous apprîmes-t-il qu’a côté de ce qu’ils avaient aperçus les fosses d’ Anchorr nous paraîtraient chaleureuses.
Les derniers jours qui précédèrent l’affrontement furent les plus longs qu’Ambers eu jamais vécu. Ils semblaient s’étirer en longueur au point que l’on se demandait si la ligne du temps elle-même n’allait pas se rompre, le tout plombés par une ambiance morne à souhait. Chaque villageois homme, femme, et vieillard savait que leurs vies allait bientôt arrivé à leur terme, que l’affrontement qui les attendaient était perdus d’avance. Contre mauvaise fortune bon cœur, ils restèrent fiers jusqu’au bout ne flanchant qu’en de rare exceptions… le vieux Vernon fut l’une d’elle. On le retrouva pendu chez lui, plus personne ne l’avaient aperçues depuis plusieurs jours, cela n’avait rien d’étonnant étant donné qu’il était assez taciturne. Et sans Tamara la doyenne du village qui passait s’enquérir de ses nouvelles «on disait qu’elle avait un faible pour lui» personne ne l’aurait pas découvert avant longtemps, voir jamais. Ce sont ses cris qui nous alertèrent, plusieurs villageois déboulèrent alors dans son sillage et découvrirent le sinistre spectacle. Le vieil homme s’était ôtés la vie en se pendant à une des poutres de traverse de sa chambre. On disait qu’il n’avait plus aucune famille sa femme était morte il y a dix ans de cela et ses enfants partis vivre à l’extérieur semblaient avoir oublié jusqu’à son existence. Avec le temps il en était venu à considérer le village et tous ses habitants comme une seconde fratrie, et savoir ce qui les attendaient l’avait sans nulle doute bouleversé au plus haut point, le forçant à commettre l’irréparable. Cet incident déclencha un vent de panique dans la communauté, Tamara l’esprit embrumé par le chagrin et la peur se mit à propager un fléau pire que la mort. «La vérité»! Elle sortit en courant, et se mit à haranguer la foule de badauds qui s’étaient accumulées devant la petite battisse. Criant à qui voulait l’entendre que la mort de Vernon n’était qu’un début, qu’il allait tous y passer sans exceptions. Et que tous ceux qui croyait qu’ils allaient mourir d’une belle mort en défendant ce qu’ils pensaient être une cause juste, se tromper. La mort étant la même pour tous, aucune cause ne méritant que l’on sacrifie sa vie sur son autel. La garde intervint rapidement pour maîtriser la furie, lui ordonnant de se calmer ou il devrait l’embarquer pour trouble à l’ordre public et incitation à la rébellion. Mais la malheureuse n’était plus que l’ombre d’elle-même. Ravagée par le désespoir elle semblait ne plus avoir d’attache avec notre monde et continua inlassablement son oratoire. Le mal était fait, les Amberiens commencèrent à s’agiter et le point d’orgue fut atteint quand les soldats se saisirent de Tamara.
– Laissez-la ! Beugla quelqu’un, après tout elle n’a pas tort on est tous condamné, on se trouve tous sur le fil du rasoir.
-Et pourquoi enchaîna un autre villageois pour défendre un putain d’artefact que l’on a jamais vu, avec pour seule preuve la parole d’un homme arrivé du jour au lendemain et qui a tous modifié notre quotidien comme s’il avait toujours fait partis de notre communauté.
-C’est vrai ça, pourquoi devrions-nous sacrifier notre existence pour une cause qui n’est pas la notre
-Pas la nôtre ! dites plutôt la vôtre celle des larves dans votre genre qui préfèrent noyer leurs couardises dans l’alcool aux lieu de s’affirmer en tant qu’homme et d’assumer pleinement leurs responsabilités
-Oh mais qui voilà ! Le grand Milthias, l’homme qui va nous conduire à la victoire. Non en fait qui nous ordonne de mettre un pied dans la tombe pour son idéologie absurde. Écoutez-moi mes amis c’est pour ça que vous voulez sacrifier votre vie pour une cause dont l’on ignore tous des tenants et des aboutissants, et ben moi je dis non ! Je refuse de me sacrifier pour si peu. A moins que notre ami ici présent nous conduise à la Forge si elle a jamais existé, là je pourrais peut-être reconsidérer mon implication et ma participation à son entreprise insensée.
-Attention Wocirex ! Ma patience à des limites et la tu es en train de marcher sur un terrain glissant.
-Sinon quoi ? Tu vas m’embarquer moi aussi, je t’en prie ne te gêne pas, de toute façon on est déjà en prison. Je troquerais simplement ma cellule pour une autre moins spacieuse ou j’aurais tout le temps de chier sur ta soi-disant mansuétude.
Le visage de Wocirex se contracta et deux de ses dents volèrent hors de sa bouche, tandis que ses yeux s’injectèrent de sang. Le coup avait était si brutal, si inattendu qu’il n’en fut que plus violent. Il se releva tant bien que mal des restes de l’étal ou le choc l’avait propulsé, massant sa mâchoire endolorie et crachant du sang.
-Ça tu vas me le payer injuria-t-il, je vais te faire la peau.
– Alors ramène-toi, si t’en est encore capable, ça me fera un bon entraînement.
Wocirex cracha et chargea tête en avant comme un taureau enragé. Milthias n’accusa coup et reçu l’impact de plein fouet bronchant à peine puis il encra un de ses pieds profondément dans le sol pour s’empêcher de reculer et saisit son adversaire au niveau de la taille pour lui faire exécuter un magnifique suplex qui le laissa sans voix. Alors que celui-ci essayait de recouvrir ses esprits, Milthias lui porta un violent coup de poing au visage qui mit un terme au combat, emportant au passage le nez de Wocirex qui se cassa dans un mauvais craquement.
Milthias s’épousseta et se tourna vers la foule qui attendait l’air hébété, choqué par ce qui venait de se produire devant leurs yeux.
-Écoutez mes amis ! Je sais que vous avez peur. Moi aussi je suis angoissé à l’idée de ce qui nous attend, et je peux vous dire que plus le délai de l’échéance se rapproche moins je suis optimiste. Mais je sais, que je fais ça pour une bonne cause, et même si mon sacrifice sera vint je le préfère a l’autre option. Celle de plier l’échine devant Anthranax, abandonnant ainsi toute fierté.
-C’est bien beau tout ça enchaîna un villageois, mais à quoi nous servira notre fierté une fois mort, pour ma part je préfère vivre couard que mourir fier et même si ça peut paraître égoïste de dire ça, je sais que je ne suis pas le seul a le penser.
-Je ne vous blâme pas pour cela, car au risque de vous surprendre je pense comme vous. Il n’y a rien de glorieux à sacrifier son existence, et sa demande une grande dose de courage, mais aux risque de me répéter je ne vous oblige à rien. Je ne suis pas votre geôlier, ni votre sauveur d’ailleurs. J’essaie juste de vous aiguiller sur la meilleure voie possible. Mais si certains veulent quitter le navire il est encore temps. Mais vous devez savoir qu’à l’heure actuelle, Anthranax a déjà conquis quatre-vingt pour cent du continent et que le reste du monde libre ne le restera pas longtemps. Donc où que vous irez, vous ne serez plus en sécurité nulle part. Mais si d’aventure, vous décidez de rester et de vous battre, je peux vous assurer que l’on se souviendra de nous encore dans mille ans. Et personne n’aura l’audace de dire, que les Amberiens auront pliée l’échine devant l’adversité, en fuyant la queue entre les jambes. Notre courage sera vanté et admiré et nos louanges chantées. Nous deviendrons les martyrs d’un monde meilleur et c’est de ça qu’à besoins un peuple, de héros valeureux prêt à se sacrifier pour le bien commun. Ainsi nous exalterons les autres à continuer le combat et peut-être qu’un jour, tout ceci n’aura pas était vain et que grâce à vous mes amis les enfants de demain pourront à nouveau rire et jouer en toute sérénité. Alors peut-être que j’extrapole, que je prends mes rêves pour des réalités, ce qui est plus que probable mais je préfère encore ça qu’attendre bêtement que la mort vienne nous faucher. Car tout ce qui nous reste, c’est l’espoir et l’espoir fait vivre.
Suite au discours vivifiant de Milthias, la population se scinda et retourna vaquer à ses occupations. Et si certaines âmes égarées, remettaient encore en question le bienfondé de l’acte que l’on se préparait à commettre, ils n’en montrèrent rien. Le taux de désertion fut minime, tout le monde ayant compris que fuir ne mènerait plus nulle part. Voilà à quoi ressemblait le quotidien des derniers jours d’ Ambers. Seul les marmots semblaient encore saint d’esprit leur insouciance les protégeant des âpres de la vie, bien que je soupçonnais les plus grand d’avoir conscience de la situation actuelle. Lors de la crise provoquée par Tamara, j’étais présent au côté de mon père et j’avais senti le désarroi qui émanait de cette pauvre femme. Sa tristesse et son désespoir avaient pénétré aux plus profond de mon être labourant mon cœur, et bien que je ne comprenais pas pourquoi, c’est à partir de ce moment que j’ai sus avec certitude, que quelque chose ne tournait pas rond, qu’un événement grave était sur le point de se produire. Qui fera voler en éclat mon innocence et fera du bambin que j’étais jadis, l’homme que je suis actuellement.
Puis aussi vite que le temps qui passe, la tempête fut sur nous grondante, soufflante, terrifiante.

La journée des âmes brisées

La nuit qui précéda l’affrontement ne fut pas de tout repos. Chaque heure apporta son lot de hurlements de souffrance, des cris à vous glacer les sangs. Milthias avait disposé tout autour du village sur une cinquantaine de kilomètres, des pièges, destinés à accueillir nos visiteurs, fosse à pieux, arbalètes à déclencheur automatique et autres joyeusetés. Et ceux-ci venait d’entrer en lice. Si bien qu’à l’aurore, quand l’alerte fut déclenchée tous les Amberiens avaient déjà baignés dans une atmosphère délicieusement outrageuse. Ajoutés à cela le manque de sommeil qui en résulta et la perspective que cette journée serait la dernières pour eux, et leurs proches et vous obtenez une force redoutable. Les villageois transformant leur fatigue en hargne et leurs peurs en instinct de survie, pour leur donner la force d’accomplir ce qui devait l’être.
En sortant du domicile familial, la première chose que j’ai remarquée était l’activité inhabituelle qui régnait dans le village. Tout Ambers était en effervescence, les hommes accouraient vers la palissade, les femmes enjouées leur enfants à rentrer et partout des messes basses s’échangeaient.
-Ça y est c’est la fin !
-On va tous mourir !
-Peut-être, mais on emportera le plus possible de ses salauds avec nous.
Échappant à la surveillance de ma mère, je me joignis à la foule croissante qui se dirigeait vers l’enceinte. Ce faisant, je pus une nouvelle fois me rendre compte de la gravité de la situation. Partout où se posa mon regard, la tristesse et le désespoir peignaient une funeste toile. Une femme en pleur suppliant son compagnon d’abandonner cette folie, un jeune homme se déplaçant d’une manière incongrue, le regard perdu dans le vague.
Avisant mon père sur la palissade, j’entrepris de le rejoindre. Sur cette dernière, l’ambiance n’était pas des plus réjouissantes. Les villageois tendus, mains crispées sur la balustrade fixait un point sur l’horizon que je ne pouvais apercevoir. Tandis que flottait dans l’air une méchante odeur de transpiration, résultant de l’état de stress général. Quand ce dernier m’aperçut, il m’ordonna implicitement de descendre, haranguant que ce n’était pas un lieu pour un enfant, que ça allait devenir dangereux.
Mais qu’est ce qu’il croyait ! Que je ne me rendais compte de rien.
-De toute façon on va tous mourir, alors je veux me battre moi aussi, m’entendit
je lui dire.
Il m’observa longuement surprit par ma réaction. Puis un rictus illumina son faciès, il me souleva et me plaça sur ses larges épaules, pour que je puisse voir par-dessus le garde fous et il me désigna quelque chose sur les Monts de Rocs pierre.
-Tu vois ça !
-Quoi donc ?
-La coulée noire qui descend le versant sud.
-Qu’est-ce que c’est ? Une coulée de boue.
Mon père se tut pendant quelque seconde. Puis il me dit une phrase qui reste encore gravé dans ma mémoire à ce jour.
-Non fils ! Ça c’est la mort.
La mort lente mais inévitable voici une phrase qui résume parfaitement ce que j’apercevais. Un défilé apparemment sans fin de soldats, ressemblant à une gigantesque marée noire venue pour nous engloutir. Des millions d’homme mut par une cause commune, débarrasser Midas de notre présence.
-Père…
-Quand seront’ il la ? A l’allure à laquelle il se déplace je dirais à la mi-journée au plus tôt, mais je pense que tout va se jouer en début de soirée à la nuit tombée. Ce qui du coup va grandement nous handicapés bien qu’il se peut que ça puisse aussi jouer en notre faveur, l’effet de surprise n’en sera que plus grand.
Je le dévisagé interloqué ne pipant mot à ce qu’il venait de dire.
Voyant ma confusion et se rendant compte qu’il venait de penser à voix haute, il se ressaisit et ajouta d’une voix tendre mais autoritaire «Tu comprendras bientôt»
Toute l’après-midi mère avait pleuré comme pour souligner la déchéance de l’instant présent. Agron ne vint nullement la réconforter conscient que sa présence lui ferait plus de mal que de biens. Je restais donc avec Lanara à regarder notre mère se décomposer ne sachant nullement quoi faire.
Puis vint l’instant fatidique, Agron entra en trombe dans la maison lança un regard en coin à mère et me tandis la main.
-Tu voulais te battre et bien ça ne va plus tarder.
J’en restais sans voix. Qu’est ce qui avait poussait mon père à changé d’avis si abruptement, pour l’instant j’en savais rien mais cela ne tarderait pas à m’apparaître comme une évidence. Je le suivis jusqu’à la palissade ou ce dernier me cala de nouveau sur ses larges épaules d’où je pus observer de nouveaux le ballet incessant des forces Méridienne. Mais le flot s’engouffrait maintenant dans les profondeurs du bois de Hagen.
-Ça fait deux heures qu’ils ont pénétré l’orée de la foret, on ne devrait plus tarder a les apercevoir.
Comme en réponse a son interrogation une nuée d’oiseaux s’envola des profondeurs du bois et passa en rase motte en dessus de nos tête, dans un effroyable concert de croassement. Baissant les yeux, pour échappé à ce nuage de mort, j’aperçus le charnier qui s’étalait à mes pieds. La clairière qui cernée le village était recouverte de cadavre d’animaux de toute sortes. Agron sentant mon désarroi me posa une main compatissante sur l’épaule et me murmura à l’oreille.
-Ne sois pas triste et si ça peu te consoler sache que leurs mort ne sera pas vaine.
Les premiers Méridiens apparurent vers vingt heures, comme mon père l’avait supposé. D’abord sous la forme d’une minuscule ligne qui se matérialisa à l’orée de la forêt, avant de gagner en consistance au fur et à mesure que les minutes s’égrenèrent. Si bien qu’une heure plus tard nous nous retrouvions face à une force colossale digne de figurer dans nos plus illustres légendes. Les hommes retenaient leurs souffles face aux spectacles extraordinaires mais aussi effrayants qui s’offraient à leurs yeux ébahis. On aurait dit que le village tout entier, venait d’être touchait par une affliction de silence tant le calme qui y régnait paraissait irréel. Devant nous s’étendait un nombre incalculable de fantassins, ils étaient si nombreux que l’on apercevait plus le moindre centimètre carré d’herbe et que les arbres à la lisière du bois donnaient l’impression d’être à l’étroit. Puis le flot se scindât en deux pour laisser passait une imposante et magnifique chaise à porteur d’un bleus ténébreux clairsemé ici et là de runes pourpres. Quatre hommes tirées cette étrange véhicule tandis qu’une dizaine d’autres les arrosés de coup de fouets. Devant la souffrance de ces pauvres hères je ne pus m’empêcher d’éprouver un haut-le-cœur.
-Ça fils, c’est les affres de l’existence. Je sais que c’est difficile mais tu ne dois pas détourner le regard car il n’y a que comme ça que tu pourras t’endurcir et que tu seras fin prêts pour affronter la dureté de la vie.
Le carrousel s’immobilisa à bonne distance et une silhouette sombre s’en extirpa. De ma position et avec la lumière déclinante je ne pus distinguer clairement ses traits. Mais j’entendis Milthias murmurer.
-Anthranax.
Ainsi le tyran était venu personnellement ce qui corroborait les dire de Milthias quant à l’importance stratégique de notre village. Celui-ci s’adressa à un colosse en armure noire, par la suite j’apprendrais qu’il s’agissait de Mérinax, le général en chef de l’armée Méridienne. Le vainqueur de nos troupes et bourreau du général Marisk, qui lui répondit d’un imperceptible signe de tête avant de se diriger d’un pas lourd mais déterminé vers les portes du village.
-Écouté moi ! Fier villageois D’Ambers je vous apporte un message de notre empereur à tous j’ai susnommé le grand et magnifique Anthranax. Rendez-vous sans résister et il ne vous sera fait aucun mal.
Milthias banda son arc et décrocha une flèche qui se ficha à un mètre des pieds du colosse.
-Voilà ce qu’on en fait de votre mansuétude. On sait très bien ce qu’il est advenue des cités qui se sont soumises à votre soi-disant bonne parole, et leur sort n’est pas des plus enviables. Donc mon gros, tu peux allais dire à ton boss qu’il se foute son pardon ou je pense, et bien profond si possible. On ne se soumettra jamais, il en va de notre honneur et de notre fierté.
-Fort bien ! Si tel est votre choix, je m’en vais de ce pas l’exaucer. Mais quand nous foulerons vos corps meurtris et brisés vous ne viendrez pas vous plaindre que l’on ne vous aura pas laissé le choix.
-Ça mon ami, tu ne le verras jamais, car c’est nous qui piétinerons bientôt vos misérables carcasses, Donc petit chien tu peux aller dire à ton maître que nous ne lèverons jamais la patte devant lui.
Les deux hommes se dévisagèrent longuement puis Wocirex se détourna et partit rejoindre ses hommes. Ce faisant, il lança un coup œil en biais en direction de son empereur avant de lever le bras, puis de l’abaisser dans notre direction.Une incroyable et effroyable clameur monta jusqu’à nos oreilles tandis que le sol semblait se mouvoir sous nos pieds.
La bataille D’Ambers venait de débuter, notre destin était désormais en marche.

Les pleurs d’une fillette, le courage d’un garçonnet

Les événements qui suivirent furent un tel déchaînement de violence et de barbarie, que ma mémoire se fragmenta en de multiples parties. Comme si elle avait voulu préserver mon jeune esprit des ravages que la guerre aurait pu lui infliger. Je me souviens de la pluie de flèches qui s’abattit en sifflant sur mes compagnons, de la voix puissante de Milthias qui par-delà le vacarme ambiant exulta les villageois à lever leurs bouclier. L’instant d’après, je me retrouvais à genoux, les bras repliés autour du corps en position fœtale alors qu’un liquide poisseux imprégné mes frustres. Soudain un choc lourd retentit sur le chemin de ronde me sortant de ma léthargie, relevant le menton avec courage, je tombais horrifié sur la tête d’un Méridiens qui me fixait de ses orbites vides. Au-dessus de cette macabre découverte mon père me dévisageait d’un regard de chiens battus, le corps couvert de fluide viscéral tandis qu’autour de nous résonnait les fracas de la bataille. Achevant de me redresser, je m’appuyais sur la balustrade et un mouvement de recul si brusque que Agron en sursauta, à travers les lattes j’eus un aperçu du véritable visage de la guerre. La guerre n’est pas noble comme certains tendent à nous le faire croire, les centaines de corps entassés dans les fosses et le fossé bordant le village rappelant a tout ‘un chacun la triste vérité. Mais la n’est pas le pire, la bassesse de la condition humaine pouvant accomplir des horreurs si la situation l’exige. Dans le cas présent l’ignominie de la situation étant les envahisseurs Méridiens qui muent par leurs entrains, n’hésitèrent pas à piétiner les corps de leurs défunts camarades pour mieux accéder à nos retranchements. Nouvelle absence, cette fois ci je me retrouvais dans la masure familiale en compagnie de père, de mère et de Lanara. Mère avait les yeux gonflés de chagrin et Agron, bien qu’il s’efforça de rester stoïque, n’en menait pas larges non plus.
-Mère, que se passe-t-il ? Est-ce la fin, allons-nous tous rejoindre le royaume de Nyx.
-Non, ma petite chérie, vous vous allez vivre, mais pour votre père et moi c’est la fin.
Ce fut la phrase de trop, ma sœur fondit en larme, en se jetant dans les bras de mère.
-Non ! Vous n’avez pas le droit de mourir qu’allons-nous devenir Thartos et moi ? Y avez-vous pensez.
-Écoute, je sais que c’est triste, mais c’est comme ça, tous les jours des personnes meurent et d’autres sont destinées à vivre. Parce que ce n’étaient tous simplement pas leur heure, ou pour toutes autres raisons qui nous est tout aussi mystérieuse. Mais tu sais qu’au fond de mon être, je chérirai de rester avec vous, pour vous voir grandir, voir quel bel homme et quelle belle femme vous deviendrez. Mais malheureusement je ne pourrais profiter de ces instants et cela me ravage le cœur. C’est pour cela que vous devez vivre, pour pouvoir profiter pleinement de la vie que l’on n’aura pas pu vous offrir.
Père reprit le flambeau.
-Mais surtout, n’oubliez jamais vos origines. Il s’agenouilla et nous transperça de son regard caramel. Vous serez les derniers survivants d’Ambers emportant avec vous, nos espoirs et nos souvenirs. Vous serez les dépositaires de notre histoire. C’est pour cela que s’ils venaient à vous arriver quoi que ce soit, personne ne saurait jamais ce qui s’est déroulé ici, en ces heures sombres. Et le plus important, il marqua une courte pause.
-Je vous aime.
Et mère d’ajouter.
-Non ! On vous aime
-Attendez, il y a une chose qui m’échappe. Je croyais qu’on était tous condamnés, dans ce cas pourquoi parler vous de nous au futur, puisqu’on n’en aura pas. Si c’est une manière détournée pour nous faire accepter notre mort prochaine ce n’est pas drôle, mais alors pas drôle du tout. Ça fait un moment que j’ai compris ce qui nous attend et je pense que Lanara aussi, même si elle est trop sensible pour l’admettre. Alors nous parler d’évasion, de liberté c’est nous manquer de respects. Car c’est bien de cela qu’il s’agit n’est-ce pas, de libération de l’âme et de plénitudes de l’esprit dans le royaume de Nyx.
Agron me saisit par les épaules, et me dévisagea longuement.
-Tu es très intelligent Thartos. Je l’avais déjà remarqué, mais la tu m’impressionne. Malheureusement, tu as tort il n’y a aucun sens caché dans ce que nous venons de vous apprendre aucune rhétorique, tout est vrais.
-Comment ça ?
-Vous allez le savoir tout de suite, attendez une seconde.
Puis il s’éloigna, traversant une tenture de toile rouge avant de disparaître. Draperie qui au passage je n’avais jamais remarqué. Regardant plus attentivement autours de moi, je me rendis compte que je me trouvais dans une pièce inconnue à ma connaissance. Et non dans la demeure familiale comme je l’avais tout d’abord crus. Sans nul doute l’expérience vécu précédemment y étant pour quelque chose, le choc subit m’ayant sans doute plus affectés que je le pensais.
-Mère ou sommes-nous ?
-Dans l’atelier de ton père.
-Celui attenant à la maison ou il n’a jamais voulu que nous nous rendions.
-Parfaitement, derrière le rideau qu’il vient de traverser se trouve son atelier. La pièce où nous nous trouvons faisait actuellement office de réserve. Mais vous n’êtes pas sans savoir, que dernièrement votre père a travaillé d’arrache-pied, pour pouvoir fournir a tout le monde des armes de qualités, c’est pour cela qu’elle est nue.
Lanara ressortit de son mutisme et entre deux sanglots étouffés parvint à dire.
-C’est vrais alors, on va vraiment s’en sortir.
-Bien sur mon chou, vous êtes ce qu’on a de plus précieux au monde alors croyaient bien que l’on va faire tout notre possible, pour que votre sort soit plus enviable aux notre.
-Mais dans ce cas pourquoi ne partez-vous pas avec nous ?
-Crois-moi qu’on rêverait de le faire, mais on ne peut pas on a des responsabilités.
-Qu’est ce qui peut être plus important à vos yeux que Thartos et moi, vos enfants !
-C’est plus compliqué que ça Lanara, infiniment plus compliqué. Mais dit toi que nos parents et que leurs parents avant eux, ainsi que ceux de la plupart de nos amis ont toujours vécu ici. Ambers c’est chez nous, notre petit coin de Nyx personnel donc tu comprends que nous somme réticent à le quitter, à l’abandonner aux mains des hérétiques.
-Mais nous aussi nous faisons partit de cette grande famille, alors pourquoi devrions-nous la quitter. Pourquoi n’avons-nous pas le droit de rester, et de nous battre comme les autres.
-Je te l’ai dit c’est compliqué et d’ailleurs je n’en sais pas plus que ça. Demande à ton père si tu veux en savoir plus, mais je doute qu’il te mette dans la confidence.
L’intéressé écarta le rabats de la tenture et arrivés à notre hauteur, nous remit à ma sœur et moi même un mystérieux pendentif qu’il s’empressa de nous passer autour du cou.
-Voilà dit’ il.
-Qu’est-ce que c’est ? Demandais-je, tout en observant l’étrange colifichet dont venait de m’affubler mon père.
-A vrais dire je n’en sais rien, mais ça a toujours était dans la famille, comme une espèce d’héritage. Je le tiens de mon père qui lui-même le tenait du sien. J’ignore de quand ça remonte, mais il est possible que ça date du début de notre lignage. Mais il y a une chose dont je suis certain c’est que j’ai jamais vue mon père n’en portait ne serais ce que l’un des deux et du peu que je me souvienne de mon grand-père idem. Peut-être qu’ils les portaient dissimulés mais je ne voie pas pourquoi ils auraient fait une telle chose. Non je pense que c’est plutôt lié à l’avertissement.
-Quel avertissement ?
-Je n’en suis pas sûr mais quand grand père Melchiot m’a fait don de ces…soi-disant amulettes il m’a dit que je saurais quoi en faire, que le moment venu je comprendrais. Bien que quand j’y repense maintenant, je me dis qu’il en savait sans doute pas plus que moi, qu’il répéter sans doute ce que son père lui avait dit. Quoi qu’il en soit, ne me demander pas pourquoi, mais quand la guerre a était inévitable, et qui plus est quand Milthias nous a annonçait que nous étions la cible prioritaire de Anthranax, quelque chose s’est produit en moi. Je ne saurais l’expliquer clairement mais j’ai su avec certitude que ledit moment était arrivé. Que je devrais bientôt vous faire grès de ces objets.
A ce moment, plusieurs chocs sourds consécutifs se firent entendent faisant trembler le sol sous nos pieds.
-Soldats ils sont sur le point d’enfoncer la porte, vous savez ce qu’il vous reste a faire.
-Oui chef ! Répondirent plusieurs voix à l’unisson.
-Messieurs c’est maintenant que tout va se jouer, après ça nous pourrons partir avec les honneurs alors ne me faites pas défaut et promettez moi d’emporter avec vous le plus possible de ces chiens galeux.
-A vos ordres !
-Alors en formation ! et que ça saute.
Toc toc toc (trois coups consécutif sur la porte nous firent sursauter)
-Agron ! C’est Milthias tu es la ?
-Ouais je serais la d’un instant a l’autre.
-OK, ne tarde pas alors c’est le baroud d’honneur.
Mon père reporta à nouveaux son attentions sur nous.
– Alors nous y voilà, le moment tant redoutée le temps des adieux, suivez moi
Il nous guida au centre de la pièce, ou se trouvait le seul mobilier de l’entrepôt, une vieille table en hêtre qui aux vu de son état avait connu des jours meilleurs. Le bois était terni par le passage du temps et craquelé de part et d’autre, à l’intérieur un conglomérat d’insecte de toutes sortes y avaient élus domicile des termites, des petites vrillettes et cetera. Des reliquats d’épées de masses d’armes et d’autres objets de morts parsemaient encore sa surface, souvenirs d’une période qui serait bientôt révolue.
Il la dégagea sans ménagement d’un coup de pied qui l’envoya se fracturer dans un mur, révèlent ainsi le tapis sur laquelle elle reposait.
Celui-ci aussi avait souffert des affres du temps, le tissu avait moisi lui confèrent une teinte verdâtre peu ragoutante et lorsque mon père s’en empara pour le déplacer des débris lui restèrent dans les mains tandis qu’un nuage de poussière et de spores s’envolait dans les airs.
Le tapis dissimulait une trappe elle aussi pas de la première jeunesse.
Agron s’empara de la chaînette qui ceignait l’ouverture et tirât. Elle s’ouvrit dans un grincement lugubre, présentant sa gueule béante aux yeux de tous.Un air frais et humides remontait de ces profondeurs nous faisant frissonner.
-Ce passage vous permettra de sortir de Ambers sans être inquiétaient .Si mes souvenirs sont bon vous émergerez dans le bois de Hagen. Mais avant que vous nous quittais j’ai quelque chose d’important a dire. Suis moi Thartos ça n’engage que toi.
Je suivis mon père dans la pièce attenante, derrière le voile rouge. Je n’eus malheureusement pas le temps de l’observer car Agron me saisit par les épaules et enfonça sa tête dans ma poitrine. Je n’en croyais pas mes yeux mon père d’habitude si brave et courageux en toute circonstance sanglotait. Ce fut bref mais poignant. Après ça, il se redressa, et riva sur moi son regard redevenu de pierre, malgré quelque résidu de larme témoignant de ce qui venait de se produire.
– Écoute-moi bien fils ! Je veux que tu me fasses une promesse.
-Tout ce que vous voudrez père, je ne vous décevrais pas.
-J’y compte bien, et je sais que je peux te faire confiance.
-Alors… Père !
-Hein, oh pardons ! Je m’étais perdue dans les méandres du passé. Une époque qui va me manquer, et encore plus à ta sœur et à toi, je pense. Mais là n’est pas la question, je ne veux pas blazer le peu de détermination qu’il vous reste. Je veux que tu veille sur ta sœur, elle n’est pas aussi résistante que toi. Elle ne pourrait pas survivre toute seul aux dangers qui vous menacerons, la dehors. Croit moi c’est un combat de tous les instants contre la fatalité qui vous attend, qui demandera que vous soyez toujours vigilent et prêt à tout pour échapper à son emprise. Car à partir d’aujourd’hui le monde ne sera plus jamais comme vous l’avaient connu.
Il me dit ces mots avec une telle froideur et une tel intensité que j’en frissonnais.
-C’est pour cela que je veux que tu protège Lanara, car à deux vous serez plus fort, plus méfiants vous aurez une vision d’ensemble plus détaillaient. Qui plus est, tandis que Ramos t’a fait don de l’intelligence et de la force, il lui a accordait le don de la gentillesse et de la sensibilité. Vous êtes comme les deux faces d’une pièce. Alors je vous en conjure restaient uni. Du moins tant que perdurera ce cataclysme, ensuite si Ramos a eu pitié de vos âme vous serez libre de vous séparer et de vivre la vie dont vous rêver.
-Moi vivant, je fais le serment qu’il n’arrivera jamais rien de mal à Lanara.
-Alors, allons-y, nous avons déjà dépassé le temps qui nous étaient allouaient.
Nous retrouvâmes les femmes enlacées l’une contre l’autre, pleurant toute les larmes de leurs corps. Père s’en approcha respectueusement et à son approche, elles redressèrent la tête révélant leurs yeux bouffis par les larmes.
La guerre à quelque chose de mystérieux, elle unie les gens pour mieux les séparer ensuite. Des peuples autrefois ennemis, de différente ethnies, religions, se retrouvent main dans la main pour contrer une menace commune. Mais cette équilibre est précaire, leurs unités est vouée à s’effriter car bon nombre d’entre eux ne verront pas une nouvelle aube se lever. Et au bout du compte rien n’aura changeait. Comme si l’existence même des conflits était un paradoxe
-Il est temps
Lanara se dégagea de mère et se campa fièrement devant nous, les bras le long du corps, et le regard ferme.
-Je refuse de partir comme ça, je veux rester et me battre à vos côtés.
-Lanara ! Ne recommence pas avec ton caprice de petite fille, on vient d’en discuter et c’est non, de plus la place d’une femme n’est pas sur le front. Tu pars avec ton frère un point c’est tout.
-Et si je refuse ! Tu ne peux pas m’y forcer.
-Que tu crois, que je vais m’en laisser compter par une petite chialeuse, c’est mal me connaître ma fille.
Il s’approcha, et décrocha une puissante gifle à ma sœur, qui s’effondra sur le sol. Puis il la saisit par les cheveux et l’envoyer bouler à mes pieds.
Celle-ci bien qu’encore sous le choc trouva la force de se relever, et de cracher son venin à la face de tous.
-Je vous hais ! Je vous déteste
-C’est mieux comme ça, maintenant accompagne ton frère.
Sentant son désarroi et son effarement je m’approchais de Lanara et tendis une main pour essuyer les larmes qui maculaient son beau visage.
Elle se dégagea sans ménagement et se tourna vers moi.
-Toi ne me touche pas, avec ta belle frimousse tu as l’air d’un Mariachi mais il n’en est rien, tu es comme eux.
-Quoi ! Comment ça ?
-Tu sais très bien ce que je veux dire, toujours à accepter les ordres que l’on te dicte sans broncher, à mes yeux tu ne vaux pas mieux qu’un esclave.
-Suffit ma fille ! Thartos est un bon fils, c’est ça qui le différencie de toi. Maintenant dépêchez-vous de descendre dans ce trou et que ça saute, avant que je vous y pousse moi-même.
-Ah j’allais oublier, prenez ceci dit mère en nous tendant à chacun un petit sac de toile! Vous en aurez besoin, ce n’est pas grand-chose mais ça vous permettre de vous sustenter pendent un jour ou deux.
Sentant que le temps des confessions était terminé, je poussais sans retenue ma sœur vers l’ouverture qui saillait du sol.
Pivotant sur elle-même, elle me lança un regard qui aurait pu transpercer le roc le plus dur. Puis elle descendit quatre à quatre l’échelle qui s’enfonçait dans les profondeurs. Je lançais un dernier coup d’œil en direction de mes parents, ces êtres merveilleux qui nous avaient élevés avec tendresse et amour jusqu’à aujourd’hui, et qui maintenant, pour assurer notre avenir devaient nous abandonner. Quelles ironies du sort. Ensuite les ténèbres m’envahir a leurs tours.
Lorsque mes pieds foulèrent enfin le sol du souterrain, j’entendis mes parents converser à voix basses. Mère reprochait à Agron son tempérament quelque peu tempétueux.
-Tu étais obligé d’y aller si fort ! Après tout ce n’est encore qu’une gamine, effrayait qui plus est.
-Une gosse, qui a intérêt de grandir si elle veut avoir une chance de survivre à ce qui l’attend. J’ai fait ça pour son bien, crois-moi dans le monde de demain elle va en prendre des claques et elles seront pas aussi tendres que la mienne.
Je n’eus malheureusement pas le temps d’entendre la fin de leur conversation. Un énorme fracas de bois brisé parvint jusqu’à nos jeunes oreilles, suivit d’un hurlement à vous faire tressauter le cœur. Un cri semblant sortir tout droit d’une bête fauve.
Au-dessus de nous le sol se mit à trembler, provoquant au passage de minuscules crevasses, par lesquels se déversèrent un flot continu de poussière et de terre. La trappe se referma promptement occultant le peu de lumière dont on disposait. Puis le grincement caractéristique d’une porte que l’on entrebâille se fit entendre. Père et mère allaient à l’encontre de leurs destins. On devait faire de même. Saisissant au passage une torche j’invitais Lanara à me prendre la main. Nébuleuse au début elle finit par accepter, comprenant sans doute qu’elle ne s’en sortirait pas toute seule. Nous déambulâmes longuement mais rapidement dans les noires profondeurs D’Ambers, sous le martèlement incessant de milliers de chausses qui pouvaient menacer à tout instant de faire effondrer la voûte. La lueur de notre torche peinait à traverser l’obscurité ambiante, tant celle-ci était épaisse. Pour un peu, on se serait cru dans un des canaux qui mènent au royaume de Anchorr. Les ténèbres permanentes, les cris de souffrance des âmes tourmentées, tout cela renforçait notre impression de ne plus appartenir à ce monde. Sauf que les gémissements et les râles d’agonie que l’on entendait appartenaient à des êtres vivants, des personnes que nous fréquentions, il y a encore quelque heure. C’était un véritable cauchemar, sauf que l’on était éveillé. Les parois du souterrain agissant comme un catalyseur tout nous parvenaient affreusement nets et précis, de la fureur de la bataille qui faisait rage au-dessus de nos têtes, aux pleurs des femmes qui se laissaient mourir de chagrin, aux hurlements de rage et de souffrance des autres qui se faisaient violentés. Me retournant vers Lanara, je lui demandais explicitement de faire abstraction de tout cela qu’elle n’avait pas à l’entendre, que rien ne l’y obligeait. Avant de me raviser, après tout qui étais-je pour lui dire quoi faire. Son frère, oui bien sûr mais est-ce que cela me donnait le droit de lui imposait ma volonté… je ne crois pas. Agron m’avait clairement fait comprendre que je devais veiller personnellement à sa sécurité. Mais la laissait vivre dans le déni irait à l’encontre même de la promesse que j’avais faite. Car tôt ou tard la vérité reviendrait frapper à sa porte et là, elle ne saurait nullement préparer à ce qui l’attendrait.
-Finalement fais comme tu veux, je n’ai pas à m’imposer.
Elle baissa le regard ne sachant quoi répondre.
-Merci. Finit-elle par dire.
-Pourquoi ?
-De me laisser le choix. Ça n’a l’air rien comme ça, mais pour moi c’est important. J’ai enfin l’impression d’être quelqu’un.
-Comment ça sœurette, tu as toujours eu une place de choix dans mon cœur, et dans celui de nos parents aussi.
– Arrêtes ! Je t’en prie, tu sais très bien de quoi je veux parler. Mais on en débattra plus tard, si tant est que l’on sorte vivant de ce boyau, avant qu’il ne s’effondre.
-Tu as raison, l’heure n’est pas à la parlotte. Mais saches que je ne me soumettrais pas à tous tes caprices. Si je t’accorde une certaine liberté c’est pour éviter que tu me fasses chier.
-Sympas, c’est très galant de ta part
Elle me sourit tendrement et cela me réchauffa le cœur. Puis elle se jeta sur moi, et m’étreignit de ses bras soyeux, sa frimousse enfoncée dans mon épaule gauche.
-Je suis désolée, me dit ‘elle des sanglots dans la voix. Je ne pensais pas toute les horreurs que je t’ai dit tout à l’heure. Tu es mon frère et je t’aime, et rien ni personne ne pourra jamais changer ça. Même si parfois tu es un gros con.
Cette fois, ce fut à mon tour d’esquisser un sourire. Parfois dans une situation dramatique, rien ne vaut une bonne blague pour détendre l’atmosphère.
Comme quoi la tendresse et l’amour avaient encore leur place dans notre monde, ou étais-ce simplement l’innocence de la jeunesse. Je lui relevais le menton, et lui donnais un baiser respectueux sur le front. Puis nous reprîmes nos pérégrinations dans les entrailles de la terre.
Quant à moi, je refusais de me laisser aller. J’écoutais attentivement chaque son qui nous parvenait, m’en imprégnant, les mémorisant. Je savais que cela pouvait atteindre à mon intégrité mentale, mais j’en avais cure. A cet instant, je jurais sur les habitants D’Ambers que leurs sacrifices ne seraient pas vain, que je ferais payer payer au centuples son atrocité à Anthranax. Et si jamais la motivation venait à me manquer il me suffirait de penser à ce funeste jour pour raviver les flammes de la colère dans mon esprit.
Le fracas de la bataille commença à aller decrescendo, elle touchait donc à sa fin. Ce qui voulait dire sans doute que nos parents n’étaient plus. Ramos fasse qu’ils n’aient pas souffert et qu’une place leurs ai été accordée en Nyx.
On venait d’arriver à une intersection, une portion du souterrain bifurqué sur la gauche tandis qu’un autre sentier se présentait à midi. Grâce aux informations que Agron m’avait divulgué dans son atelier je sus qu’on devait prendre tout droit. Grand bien m’en fut nous débouchâmes devant une échelle de corde absolument identique à celle que l’on avait emprunté précédemment. A la différence près, que cette fois ci un enchevêtrement de planches soutenus par des étais nous séparaient de l’ouverture. En y regardant de plus près je remarquais que l’interstice entre les deux était comblé par une multitude de rochers. Sans doute pour renforcer la porte ou pour donner l’illusion que le souterrain s’était effondré. Avisant une alcôve sur la droite, je m’y engouffrais et remarquai la présence d’une corde qui semblait jaillir de la voûte comme une liane. J’invitais Lanara à me rejoindre et tirais de toutes mes forces sur celle-ci. Un craquement sec se fit entendre, puis un grondement sourd résonna dans tout le souterrain. Tandis que des centaines de kilos de rocs se déversaient, remplissant l’atmosphère d’un nuage de poussière. Des débris de rochers de rochers furent projetés dans tous les sens, certains nous écorchant les jambes, les bras. Me servant de mon corps comme d’un bouclier pour protéger ma sœur, j’exposai ainsi mon dos à la pluie de shrapnel. Des cailloux acérés comme des lames y tracèrent de longs sillons ensanglantés. L’un deux m’emporta même la tempe.
Au bout de deux interminables minutes tout était terminé et le silence retomba dans le souterrain.
-Ça va ? me demanda Lanara qui observait anxieusement mon visage ensanglanté.
Mes yeux et ma gorge me brûlaient, à cause de la toute la poussière que nous avions ingérées. Les multiples coupures de mon corps me faisaient souffrir le martyr, et ma tempe blessée m’emportait. Mais mon état m’importait peu. Ce qui comptait à mes yeux était que l’on sorte vivant de cette enfer, et on était sûr le point d’y parvenir. J’aurais tout le temps de m’occuper de mes ecchymoses plus tard.
-Oui, répondis-je laconiquement. Même si je savais qu’elle n’était pas dupe, mon aspect physique parlait pour moi.
-Et toi ?
-Je n’ai rien tu m’as protégé. Mais tu n’aurais pas dut t’exposer autant, pour moi.
-Ne dit pas n’importe quoi ! Tu es ma sœur, et il est de mon devoir de veiller sur toi.
-Et s’il venait à t’arriver quelque chose alors que tu t’acquittais avec trop de ferveur de ta tache, qui veillerait sur qui ensuite.
Touché ! Elle n’avait pas tort, ce qui me mettait face à un nouveau dilemme. Comment protéger les personnes à qui l’on tient, sans risquer sa propre sécurité.
J’éludais la question d’un signe de la main et entrepris l’ascension de l’échelle. J’ouvris silencieusement la trappe pour jeter un coup d’œil furtif à l’extérieur et faillis me faire dessus quand une énorme paire de botte se posa à un mètre de moi. Fort heureusement leur propriétaire ne remarqua pas ma présence et continua son chemin ? Ce n’est que lorsqu’il fut hors de vue que je m’autorisais à souffler.
-Thartos ça ne vas pas, tu es tout pale.
-Silence dit- je dans un murmure, le souffle coupé.
C’est alors que je m’aperçus que la peur m’avait coupé le souffle j’ haletais et de grosses gouttes de sueur perlaient le long de ma moelle épinière, ravivant la douleur des coupures. Prenant mon courage à deux mains, je pris appui sur les côté et m’extirpais du boyau. Après avoir observé si aucune menace potentielle ne se trouvait dans les environs, j’aidais Lanara à s’extraire du souterrain refermait avec précautions l’entrée, et nous nous remirent en mouvement

Épilogue

L’air du crépuscule était frais. Plus en tout cas que celui du souterrain, et nous cinglait le corps. Il faut dire que nous n’étions pas couvert chaudement, tout s’était passé si vite, que nous n’avions pas eu le temps de prendre des frustes supplémentaires. Qu’en n’aurions nous fait ? De toute façon quand je repense à cette soirée, je me dis que ça nous aurait plus embarrassés qu’autre chose, qu’une couche supplémentaire de vêtements nous auraient ralenti. Alors que nous devions mettre rapidement le plus de distance possible entre le village et nous.
On dit que la peur donne des ailes, dans notre cas s’était plutôt des ailettes.
On devait se bouger mais pas trop rapidement, des fois que d’autres rôdeurs patrouilleraient dans la forêt.
Plusieurs fois d’ailleurs, on dut se planquer derrière des fourrés ou des haies d’épineux, qui ajoutèrent à notre souffrance, pour éviter des patrouilles. Mais notre petite taille et le couvert de la nuit aidant nous pûmes passer inaperçus.
D’après ma connaissance, de la configuration du bois de Hagen, et les derniers échos de la tragédie qui était en train de se produire, qui parvenaient jusqu’à nos oreilles. J’en déduisis que nous avions émergés du côté ouest alors que les Méridiens étaient arrivés plein sud. Ce que nous croisâmes étaient donc volontairement restaient en retrait pour cueillir sans doute d’éventuel fuyards. Alors que nous étions dissimulés, je pus d’ailleurs capter une conversation entre deux guerriers qui allait dans ce sens.
-J’espère qu’ils vont nous laisser du butin, dit un petit trapu au visage porcin.
-Si butin, il y a répondit son compagnon, un grand gaillard fluet au crâne rasée comme les blés. Tu as vus ce bled ça m’étonnerait qu’on en tire grand-chose. D’ailleurs qu’est-ce-que le boss vient faire par ici, ça me dépasse. Bon on aura toujours les femmes pour se consoler.
-Bien dit, surtout que les paysannes ont du caractère, et moi j’aime ça quand une femme me résiste, ça donne du piquant.
-Tu es incorrigible, il faut toujours que tu trempes ta queue n’ importe où. Un de ces jours je te jure qu’elle va pourrir. Malheureusement, je crains que cette fois ci tu ne puisses assouvir tes besoins primaires. Quand l’avant garde en aura fini avec elles, il ne restera plus grand chose à se mettre sous la dent. De plus ça ne sera plus des trous qu’elles auront mais des gouffres.
Je vis le petit obsédé devenir rouge écarlate, ce qui ajouta encore plus à l’illusion d’avoir un porc en face de moi.
Puis, il partit au quart de tour en direction du village.
-Qu’est-ce que tu fabriques ?
-Je vais me dégourdir le poireau, je ne veux pas que les autres salopes le travail. Tu devrais venir aussi.
-Et nos ordres ?
-Tu crois sérieusement qu’ils vont s’apercevoir de notre absence dans un moment pareil. D’ailleurs, je me demande pourquoi on patrouille dans cette partie de la foret, Anthranax aurait ‘-il peur qu’un petite vieille parvienne à s’enfuir, et vienne lui faire la peau dans son sommeil.
-Tais-toi ! Tu sais qu’ils ne badinent pas avec ça, je ne veux pas avoir d’ennuis avec le commandement
-Ok, ok
-Je t’accompagne, tu m’as convaincu, si je reste ici je crois que je vais prendre racine.
J’enrageais, j’avais envie de sauter sur ces deux animaux pour leur faire avaler leurs parties. Mais au milieu de la tempête de rage qui déferlait en moi, une bise d’air frais me ramena à la sérénité.
-Laisse tomber Thartos tout ce que l’on gagnerait c’est ce faire tuer, on n’est pas prêt, pas encore. Mais un jour, je te l’accorde ils devront rendre des comptes.
Combien d’heure avons-nous ainsi déambulé, je ne saurais le dire, plusieurs en tout cas.
Mais alors que nous nous arrêtâmes pour récupérer, la fatigue nous rattrapa. Mes paupières lourde de sommeil commencèrent à papillonner puis se fermèrent brusquement, m’emportant dans le néant.

55