Dans le bar, la première chose qu’il vit, ce fut ce mur recouvert d’une tapisserie. Sur celle-ci était représentée ce qui semblait être le paradis dont ressortait une éclatante et infinie blancheur recouvrant le haut de l’illustration, il aurait pu se noyer dans cette angoissante perfection. Cette blancheur était accompagnée par des anges vêtus d’or, flottant sur une immense étendue d’eau. Cette eau se colorait d’un bleu pur, éclatant, presque aveuglant, et ô combien éblouissant. Le jeune journaliste ne put s’empêcher d’esquisser un sourire d’une joie sincère à la vue de si belles choses.
Il n’avait pas ressenti ce genre d’émotions depuis bien trop longtemps.
Ce sourire fut aussitôt étouffé à la vue de ce qui était illustré derrière ce paysage utopique. C’était une créature horrible, son visage était fendu en deux par un sourire carnassier laissant paraître d’énormes crocs capables de déchiqueter un éléphant s’il l’avait voulu. Deux gigantesques cornes noires ornaient le crâne de la bête. Le monstre représentait à lui seul la presque totalité de l’illustration.
Dawson s’approchait peu à peu du mur tout en fixant les yeux de la créature. Ceux-ci se composaient de deux fentes noires entourées par des iris d’une intense profondeur, mélange d’argent et d’un bleu azur. Notre journaliste resta quelques instants, figé devant la tapisserie, soutenant le regard du monstre. Subitement, la posture de Dawson changea du tout au tout, ses membres se crispèrent et son regard se figea sur celui du monstre. Il ne put retenir un cri de terreur, fit un bond fulgurant en arrière, trébucha puis s’étala de tout son long sur le sol. Il détourna brusquement son regard du monstre, terrifié à l’idée de voir à nouveau ce qu’il avait vu.
Il voulait sortir de cet endroit mais autre chose l’intrigua. Au milieu de la salle se trouvait un imposant comptoir en marbre de couleur noir. Derrière celui-ci, il n’y avait qu’une seule personne: le barman. Le comptoir aurait dû sembler vide aux yeux du client, à cause de l’immense longueur du comptoir et la mince corpulence du barman, mais il n’en était rien. Le vide était parfaitement compensé par la prestance de l’homme. Il était assez grand et d’une élégance rare.
Après tout, Dawson était perdu et cet homme pouvait peut-être lui indiquer la direction qu’il devait prendre. Il décida, d’un pas hésitant, interrompre l’homme derrière le bar dans son travail. Mais celui-ci l’interrompit avant même que Dawson n’ait pu dire un seul mot:
« Poursuivez-vous tout le monde avec un tel acharnement? » Lança l’homme derrière le comptoir d’un ton ironique, presque sarcastique.
Dawson comprit à qui il s’adressait, et oublia dès cet instant la raison de sa présence.
« Non… » Répondit le journaliste d’une voix tremblante, encore choqué par ce qu’il avait vu.
Dawson ne sut d’abord que répondre puis il s’avança vers le barman comme si ce qu’il avait à dire ne devait être entendu de personne, mis à part lui.
« La tapisserie… sur votre mur…
– Oui? Questionna l’homme, gêné par l’étrange attitude que venait d’adopter Dawson.
– Le monstre… derrière les anges, en regardant dans ses yeux…
– De quel monstre parlez-vous?
– Celui dessiné sur l’illustration… »
Dawson se retourna donc vers le mur pour pointer du doigt la chose dont il parlait. Mais, sur le mur, étaient représentés uniquement le paradis et les anges flottant avec légèreté sur la mer. Aucune trace du monstre qu’il était pourtant sûr d’avoir aperçu quelques minutes auparavant. Dawson, en voyant cela, laissa couler des larmes d’une terrible tristesse sur ses joues qu’il ne put contenir, ne sachant comment expliquer ce qu’il avait vu dans les yeux de la créature.
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