III

Ozir ne se souvenait plus pourquoi, mais il sait qu’il était impliqué dans des événements qui ont bouleversé la planète. Soudain la mémoire devint aussi nébuleuse qu’un épais brouillard. Il savait juste qu’il s’appelait Ozir, il ouvrit donc les yeux sur ce qui semblait se présenter comme un ancien caveau. Il sentait dans sa main droite la poignée d’une épée qui ronronnait. Puis vint un choc, il n’était plus aussi sûr de son identité ou plutôt c’est comme s’il ne se reconnaissait plus. Il se souvient d’une partie de sa vie en tant qu’Ozir et il savait aussi qu’il vivait la vie d’Arsan le marchand. Arsan mit du temps à reprendre ses esprits. Comme si deux essences s’étaient mélangées durant un moment qui s’était vu recouvrir par le manteau de l’intemporalité. Il se souvint assez rapidement de la poursuite et des gens du « rat » qui l’attendaient à la sortie des ruines.
En remontant à la surface, Arsan ne put s’empêcher d’émettre un étonnement en voyant que la nuit avait laissé place au lever du soleil. Il était resté inconscient beaucoup plus longtemps que ce qu’il avait cru. Le bruit soudain de plusieurs sabots alarma Arsan qui se précipita derrière un monticule de pierres cassé.
Il en avait dans le pantalon finalement pensa Arsan. Il leur a fallu la nuit pour se décider ou alors ils ont engagé des personnes qui n’avait pas de scrupules à briser le sommeil des morts conjectura Arsan.

Les cavaliers se montrèrent à cet instant devant Arsan toujours caché du mieux qu’il pouvait. Il les observa attentivement, des turbans rouges, des poignets de captures thuliennes, des sabres recourbés. Physiquement, ils arboraient une face étroite, la peau foncée par le soleil et de petits yeux de rapaces.
C’était des mercenaires swed, un peuple du nord de Kebulan. Des rumeurs circulent à leurs sujets, dans leur cité de Riad ils s’adonneraient a toute sorte de perversion au nom de leur dieu de métal. Il y a quelques années c’était un peuple fruste et barbare. Ils ont connu une ascension fulgurante et non de cesse de conquérir des terrains au nom de leur dieu. Arsan pensait qu’un jour il viendrait chercher des noises aux amatéens.
Le marchand analysa la situation, trois chiens swed armés et avec monture. Il avait beau être chétif. Il n’était pas forcément couard, mais trois contre un semblait sonner comme une mise à mort rapide pour Arsan. Il préféra se faire discret et prit la direction opposée. Avec de la chance, il trouverait un moyen de s’enfuir et l’épée était assez précieuse pour effacer sa dette auprès de Medri

Il s’accroupit pour avancer le plus discrètement, le bruit des sabots s’éloigna lui aussi. Il arriva enfin à un croisement au milieu duquel se trouvait une ancienne fontaine brisée depuis des millénaires. Trois choix se proposaient à Arsan, tout droit à droit et à gauche. Il n’avait pas vraiment l’orientation pour savoir précisément où il allait arriver, il décida donc d’aller tout droit. Son petit corps se déplaça le plus discrètement possible en jetant des regards inquiets dans toutes les directions. Il s’arrêta subitement, son regard croisa celui d’un swed. Il était manifestement à pied. Il ressemblait à n’importe quels autres sweds avec sa culotte à rayures blanc et rouge, son torse recouvert d’une cuirasse en cuir. Sa peau foncée cicatrisée par une vie de mercenaire et son turban rouge décoré de riche insigne doré indiquait ses origines, son clan de mercenaire. Un bijou serti de rubis indiqua qu\’il était le capitaine de la troupe. Le mercenaire avait jugé bon de faire patrouiller ses hommes en montures dans l’espoir de ne pas attirer l’attention et de pouvoir tomber sur la proie qu’il convoitait.
_ C’est 50 pièces d’argent pour ta capture le marchand, il ne fallait pas jouer avec le rat… commença le capitaine des mercenaires. Il mit la main sur la corne de gompho*, au même instant Arsan décida de se jeter sur lui. Le mercenaire utilisa la corne pour assener un coup destiné à étourdir Arsan. Une fois au corps à corps l’arme s’abattit sur le dos du marchand qui esquissa un rictus de douleur. Le capitaine n’avait aucun mal à mettre à terre le corps fragile d’Arsan. Le sang et la poussière se mélangèrent dans la bouche du marchand. Son dos le lançait terriblement et le swed prenait un malin plaisir à lui donner des coups de botte dans l’estomac.
_ne bouge plus ou ça fera encore plus mal vermisseau, je n’arrive pas à croire que c’est un petit marchand comme toi qui a osé essayer de doubler le rat.
_C’est plus compliqué que ça, s’apitoya Arsan en serrant les dents

_On ne me paye pas pour t’écouter, il défit des bandes qu’il portait sur ses poignets. Il découvrit un dispositif thulien qu’il pointa sur son captif.
_Tu va faire un petit somme le temps que je t’amène au rat pour t’expliquer.
Un éclair bleu fusa du bracelet thulien pour venir frapper la nuque d’Arsan qui se raidit instantanément comme électrocutée par un millier d’éclairs. La minuscule bille refit le trajet pour venir se lover dans le bracelet thulien.
Les autres Sweds en montures émergèrent en trottinant vers leur capitaine.
_Capitaine, dépêchons-nous de l’amener aux rats, c’est vrai qu’il traine une drôle d’atmosphère ici… déclara le cavalier qui jetait des regards de coté comme le ferait un animal qui sentirait le danger naturel qu’il y aurait à trainer dans la tanière d’un prédateur.
_ Attachez-le sur un des hipparions et on va y aller avant que tu commences à te pisser dessus comme un amatéen. Les mercenaires esquissèrent des sourires et déjà plus détendu, ils attachèrent le corps d’Arsan puis le lièrent à une monture pour le trainer. Ils se dépêchèrent néanmoins et ne souhaitaient pas rester jusqu’au coucher du soleil.

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