Cort en était sûr, l’homme au complet gris le suivait depuis deux jours. Il l’avait vu ce matin, alors qu’il sortait de la banque. L’homme se trouvait alors sur le trottoir opposé. Cort avait eu l’impression qu’il l’attendait. Il l’avait aussi aperçu au Burger Queen, ce midi. L’homme était attablé alors que Cort faisait la queue. Ce qui avait alors étonné Cort pendant qu’il le regardait manger, c’était ses mains. Elles étaient d’une longueur incroyable. Ce qui l’avait encore plus frappé, c’était la longueur de ses ongles. De vraies griffes qui terminaient des doigts incroyablement fins.
Cort décida qu’il était temps d’aller le voir pour connaître ses intentions. Si la discussion se passait mal, il lui rentrerait dans la tronche pour lui apprendre à suivre les gens.
Cort fit brusquement volte-face et se dirigea d’un pas rapide et décidé vers l’homme. Celui-ci s’arrêta de marcher et l’attendit en souriant.
Draven reposa ses jumelles et parla dans sa radio :
– « La cible a été approchée, Monseigneur. Demande information quant à la suite à donner à l’événement. »
– « On observe de loin. Pas d’intervention pour le moment. Remballez votre matériel, Draven, et rentrez à votre motel. »
Draven soupira. Attendre, toujours attendre, observez, attendre, ne pas intervenir, attendre encore, …L’attente, la plaie de ce job.
Il s’alluma une clope et fit signe aux frères Tang, ses gardes du corps, de quitter les lieux. Ce qu’ils firent, sans qu’il s’en aperçoive. Il ne savait jamais ou ils se trouvaient. Ces deux ninjas avaient été désignés par l’Archevêque pour veiller sur lui. Ce qu’ils faisaient d’ailleurs avec efficacité. Mais, en bons guerriers de l’ombre, ils ne se rendaient pas visibles très fréquemment, ni très longtemps. A part quand Draven avait des emmerdes. Ils intervenaient toujours rapidement et furtivement. A tel point que ça en était presque surnaturel et effrayant. L’issue était immanquablement fatale pour ses ennemis.
Draven monta dans son tout-terrain et prit la direction de son motel. Pour attendre, il avait envie d’un bon whisky écossais et d’une amoureuse tarifée. Il pariait qu’il ne tarderait pas à entendre parler de ce jeune Cort.
Cort était allongé sur son lit, un joint allumé à la main. Il était déjà bien perché en ce début de soirée. Britney, sa fiancée, était en bas, dans la cuisine. Elle était sans doute en train de préparer un de ses repas dégueulasse, à base de conserves et de bio bon marché. Il ne lui avait pas encore parlé de sa rencontre avec l’homme au complet gris. Maintenant qu’il y réfléchissait, et vu au travers du prisme de l’hallucinogène, la conversation lui paraissait totalement irréelle.
Cort avait approché l’individu en gris avec la ferme intention de lui péter la gueule. L’homme avait désarmé la situation en lui souriant et en lui disant:
– « Bonjour, Cort. Je m’appelle Leland et je suis là pour t’aider. »
Cort s’arrêta net et regarda son interlocuteur.
Leland était très grand. Ses cheveux, comme sa fine moustache, étaient blonds. Son nez aquilin lui
donnait un air de rapace quand il était de profil. Il ressortait de lui quelque chose de désagréable, comme une odeur nauséabonde qui vous faisait froncer le nez. Sauf que ce n’était pas une odeur. Plutôt une impression. Une sale impression.
La curiosité de Cort était piquée au vif. Il se demandait bien comment ce grand échalas vieillissant pouvait l’aider. Et pourquoi.
Cort lui demanda:
– « Comment tu connais mon nom, Papy ? »
– « Je connais plus que ton nom, dit-il. A part que tu t’appelles Cort, je sais aussi que tu vas dans cette fac minable d’Amity Avenue, où tu es étudiant en droit, que ta petite amie se prénomme Britney, que vous fumez beaucoup d’herbes, que tu ne craches pas sur une petite ligne de coke de temps à autre et, enfin, que tu cours désespérément après le succès avec ton groupe de rock, les Smashing Jams. Et en parlant de succès, j’ai une proposition à te faire que tu ne peux pas refuser, dit-il en parlant comme Don Vito Corleone.
134