Au bout de plusieurs heures assis sur la charrette, Aram ne sentait plus son derrière qui sautait à chaque crevasse de la route. Le début du voyage avait été merveilleux, s’éloigner de son village natal à la découverte du monde enchantait le jeune homme mais au bout de plusieurs heures à être ballotter au grès de la route, le jeune homme n’était plus si enjoué. Quand le soleil commença à décliner, Garius fit stoppé le cheval et Aram fut soulagé de descendre pour se dégourdir les jambes. Il fit quelques pas mal assuré et Garius éclata de rire.
– Tu t’habitueras à la charrette au bout d’un moment, dit-il après avoir repris son sérieux.
Aram grogna et s’éloigna pour aller chercher du bois. Il prit son arc au passage au cas où il croiserait quelques lapins. Pendant ce temps, Garius installa le campement. Une heure plus tard, les deux hommes faisait cuire le lapin qu’Aram avait chassé tout en discutant.
– A quoi ressemble Piléos ? Demanda Aram.
– C’est une ville gigantesque et magnifique mais certaine partie de la ville ne sont pas très fréquentables.
– Pourquoi ?
– La guilde des voleurs gouvernent ce que l’on appelle couramment les bas-fonds, le quartier pauvre de la ville. Un étranger qui entre dans leur territoire en ressort avec la bourse vide et quelques hématomes. Mais en contre partie, l’académie des mages est l’endroit le plus beau du monde, ils ont de magnifiques jardins ainsi qu’une gigantesque bibliothèque vieille de milliers d’années. Le palais du roi est très beau aussi mais il est plus utile qu’esthétique. En temps de guerre, c’est un fort imprenable.
– La magie est courante dans la ville ?
– Oui, il n’est pas rare de croiser un mage sur le marché.
– J’aimerais bien entrer à l’académie. La magie me fascine. Tous les ans, Un mage du nom de Jakar vient faire le tour des villages. Il nous fait quelques tours pour nous amuser mais je ne l’ai jamais vu jeter un vrai sort.
– Le lapin est fin près, s’exclama Garius, j’ai une faim de loup.
Aram se leva et retira la broche du feu. Avec son couteau, il coupa de bonnes tranches de viande qu’il disposa dans deux assiettes de bois. Les deux hommes mangèrent en silence et se couchèrent très tôt pour partir à l ‘aube.
Les jours suivants, ils avancèrent à une allure régulière. Comme l’avait dit Garius, Aram s’habitua rapidement au voyage en charrette. Pendant la journée, le sculpteur donnait des conseils au jeune homme pour la conception de son arc. Il lui détailla chaque bois, leurs avantages et leurs inconvénients, les temps de séchage, la façon de les entretenir. Aram avait soif d’apprendre et finit par sortir un petit livre pour écrire toutes les informations que Garius lui donnait. Le sculpteur agrémenta les textes du jeune homme avec des dessins. Au bout d’une semaine, ils s’entraînèrent à trouver de bonnes branches, à tailler des arc, des flèches et d’autres instruments en bois. Ils s’arrêtaient assez tôt le soir pour s’installer confortablement et se cacher du vent frais qui soufflait toute le nuit.
– Combien de temps nous reste-t-il avant d’arriver à Piléos ? Demanda Aram pendant qu’il mangeait adossé à la charrette.
Garius réfléchit quelques minutes à la question du jeune homme.
– Si je ne me trompe pas, la neige va commencer à tomber dans moins d’une semaine et la route sera difficilement praticable. Ça va nous ralentir. Je pense que nous y serons dans deux semaines si nous n’avons pas de gros soucis.
– J’ai hâte de découvrir la ville, je n’en ai jamais vu de ma vie. Ma tante m’en parle souvent car je l’interroge souvent mais ce ne sont pas ses souvenirs préférés.
– Je peux le comprendre mais tu découvriras tout cela par toi même. On ne peut se faire une idée que par soi-même. Demain, nous allons passer par le col de Kalos, c’est un endroit à embuscade très connu mais à cette époque de l’année, c’est le seul moyen de passer.
– Nous allons nous faire attaquer ? Demanda le jeune homme inquiet.
– Ne t’en fais pas, Pyrios, le chef des bandits du col est un ami. Je lui fournis de bons arcs en échange du passage sans encombre.
Aram se détendit un peu mais rencontrer des bandits ne l’enchantait guère. La nuit fut de courte durée et les deux hommes repartirent avant même que le soleil ne soit entièrement levé. Au bout de quelques heures, ils arrivèrent devant de hautes falaises. Le passage n’était pas large, deux charrettes n’auraient pas pu passer côté à côte. Voyant l’inquiétude du jeune homme, Garius essaya de le rassurer.
– Ne t’en fais pas, le passage s’écarte un peu dans moins d’un kilomètre et il nous faudra moins d’une heure pour traverser.
Aram bougonna une réponse inintelligible et regarda partout autour de lui. Comme l’avait annoncer Garius, le passage s’agrandit et Aram se calma un peu. Il n’aimait pas beaucoup les passages étroits, il s’y sentait mal et oppressé.
Soudain, un homme apparut de derrière un rocher. Il portait un arc qu’il pointait dans la direction des deux hommes. Le cœur d’Aram sauta un battement et le jeune homme commença à se sentir mal mais Garius n’était pas inquiet le moins du monde.
– Salut Sam, c’est moi Garius. Tu peux baisser ton arc.
L’homme s’approcha du chariot sans baisser son arme. Il avait les cheveux courts et portait une fine moustache au dessus de la bouche. Ses yeux fixaient sa cible sans ciller. Il parla d’une voix calme et mielleuse.
– Tu dois payer le droit de passage si tu veux sortir d’ici en vie.
– J’ai déjà payé le droit à Pyrios.
– Pyrios n’est plus, je suis maintenant le chef et tu dois me payer.
Aram se tourna vers Garius.
– Qu’allons nous faire ? Demanda-t-il.
– Laisse moi faire, gamin. Je m’en occupe. Pendant ce temps, ouvre le coffre derrière la banquette et prépare toi au cas où.
Aram s’exécuta pendant que Garius descendait du chariot. Le sculpteur s’approcha du bandit qui baissa son arc et tout deux se mirent à discuter. Dans le coffre, Aram trouva un arc d’ébène avec un carquois plein. Qu’allait-il faire avec ça ? Tirer sur un animal était une chose mais sur un homme c’était totalement différent. Aram posa sa main sur l’arc et regarda les deux hommes. Ils continuait à parler mais le ton monta rapidement. Le jeune homme comprit que le bandit demandait toute la cargaison pour ses hommes et lui. Garius n’était pas d’accord et n’avait pas l’air d’avoir peur du bandit qui devenait rouge de colère. Brusquement, Sam sortit une lame de son dos et la planta dans la gorge du sculpteur. Aram fut stupéfait, il eut l’impression que le temps ralentissait. Il vit le sang giclait de la plaie quand le couteau se retira. Le corps de Garius se contracta une dernière fois avant de tomber mollement sur le sol où son sang se déversa lentement.
Aram ne sut pas d’où lui vint la force qu’il trouva. Son corps prit le dessus sur son esprit. Il attrapa l’arc et encocha une flèche. Avant même que l’agresseur puisse réagir, il envoya la flèche dans l’œil de son ennemi qui s’écroula. Aussitôt, une dizaine de hors-la-loi sortirent de derrière les rochers avec des arcs bandaient. Aram sauta du chariot et se cacha derrière pour esquiver la volée de flèches. Il sentit une douleur perçante dans la cuisse mais n’y fit pas attention. Il remit une flèche en place, visa et tira. Un homme tomba. Les autres s’armèrent d’épée et foncèrent vers le jeune homme mais ce dernier n’eut même pas un geste de recule. Il arma son arc et tira ses flèches à une vitesse qui surpassait celle d’un homme. Il ne rata pas un seul bandit. Pour lui, le temps s’était arrêté et tirer sur les hommes ne lui prit que quelques secondes. Quand il se retrouva seul, il voulut marcher pour rejoindre Garius mais ses jambes cédèrent et il tomba évanouit sur le sol.
Quand il reprit conscience, la nuit était tombé. Il vomit ses tripes et essaya de se relever mais la douleur dans sa cuisse le fit hurler. Il baissa ses yeux sur sa jambe et vit une flèche plantée dans sa cuisse. Il cassa le bois et rampa jusqu’à l’avant du chariot où il attrapa son sac. Il sortit des herbes et des bandages que sa tante lui avait donné. Il mâcha une feuille verte utilisé pour atténuer la douleur ce qui lui permit de préparer une pâte avec différentes herbes et un peu d’eau. Quand sa pâte fut prête, il ne sentait plus sa jambe et des picotements envahissaient ses mains. Il se dépêcha et arracha la flèche, la plaie se remit aussitôt à saigner. Il étala sa mixture sur la blessure et la recouvrit d’un bandage qu’il serra et noua autour de sa jambe. Quand l’opération fut terminé, il replongea dans un profond sommeil troublé par des rêves où il voyait des bandits le cribler de flèches, le transpercer d’une épée. Il revit la scène de la mort de Garius des dizaines de fois mais rien ne le sortit de son sommeil.
Lorsque les effets des drogues disparurent, il finit par se réveiller en sueur. Il frissonna et sentit l’odeur du sang qui l’entourait. Il se remit debout avec difficulté et attrapa une outre d’eau qu’il vida en quelques secondes. Sa jambe le lançait mais c’était supportable. Il grimpa sur le chariot mais aperçut le cheval mort de plusieurs flèches dans le corps. Aram faillit vomir une seconde fois mais son estomac n’avait plus rien à rendre. Il détourna le regard du bain de sang et fouilla dans le chariot. Il attrapa un grand sac à dos et le remplis de toute sorte d’objets utiles pour survivre dans le froid et la neige. Il roula une couverture qu’il attacha sous son sac et prit un long bâton pour l’aider à marcher. Il ne devait pas rester ici et rejoindre son village avant que les neiges ne l’empêchent de voyager à pied. Il s’éloigna aussi vite qu’il le put du champs de cadavres pour pouvoir avaler un peu de nourriture et changer son pansement. La plaie était profonde mais pas très large. Il sortit du fil et une aiguille et entreprit de recoudre sa blessure. Grâce à la mixture préparé à la hâte, la plaie était propre et insensible. Une fois son travail terminé, il remit le bandage en place avec une pâte cicatrisante. Dans quelques jours, il pourrait retirer le pansement et remarcher tranquillement. Il remercia sa tante pour ses onguents magiques et se remit en marche vers l’endroit qu’il n’aurait jamais dû quitter.
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