Ils adorent t’appeler “Junior”, cela semble beaucoup les amuser. Ce n’est pas après toi qu’ils rient, c’est quelque chose que tu ne comprends pas bien. Mais tu sais que c’est un rire qui vient comme un apaisement, tu es la première génération qui n’a jamais eu à penser qu’elle pouvait mourir un jour. Tu es l’un des seuls ici à avoir grandis dans un monde déjà conquis par le Pluralis, eux ont vu sa création, d’autres ont eu recourt au “Rejuvinatis”, le programme de rajeunissement, peu de gens de 90 ans ont envie de garder ce corps pour l’éternité, ce fut la deuxième grande avancée de ce monde. Ils sont assez protecteurs aussi, tu ne comprends pas bien, tes parents ont placé tout ce qu’ils avaient dans des technologies génétiques de pointes, une voie aujourd’hui éteinte, même sans drogues tu aurais une chance plus que raisonnable contre eux tous réunit. Pourtant ils essaient tous de te plaire, d’être gentils, même les plus taciturnes, demandent à t’intégrer dans leurs unités. Tu ne te sens pas accueillis, tu n’es pas intégré, et tu n’as même pas l’impression d’être apprécié, tu es une sorte de bête, le miel pour les abeilles. Une bizarrerie que l’on est trop pressé d’exhiber, un prix… mais pas une personne. On te demande ton avis sur à peu près tout et de façon systématique, juste pour savoir ce que tu vas dire, souvent on rit de ta naïveté, à d’autres moments, ceux-ci sont les pires, tu as droit à de grandes tapes sur le dos avec des remerciements à profusion sur un point de vue que personne d’autre n’avait envisagé. On te doit la résolution de plusieurs affaires pourtant tu n’es pas l’un des leurs, il y a toujours une raison pour que tu n’aies pas droit au même traitement, tu n’es d’aucune des missions dangereuses, aucune des missions d’assauts, ton seul devoir sur le terrain est a peu près le même qu’au bureau, réduit à ton “don” pour l’interrogation et les raisonnements logiques. Il parait que tu fais faire des économies au service, la garde des suspects que tu interroges tombe suffisamment vite pour te permettre de les faire parler sans l’utilisation de drogues. Tu as même été interviewé plusieurs fois par divers groupes pharmaceutiques (tous appartenant aux mêmes personnes, mais les gouvernements ont compris qu’il fallait garder l’illusion de choix, quitte à créer des compétitions fictives.) pour voir si “tes capacités” pouvaient être dupliquées et réutilisées pour un nouveau “projet”, ces interviews sont considérées comme un honneur ultime. Mais toi tu te moques de tout ça, tu t’es engagé à Interpol pour lutter contre ceux qui font souffrir les plus faibles. Tout le monde se fout de l’autre monde, tu veux faire la différence, tu as subit l’entrainement, tu étais motivé, tu voulais changer le monde, tu te voyais croisé des temps modernes, égale aux super héros des 20-22 eme siècles, tu changerais le monde, sauverais ceux dans le besoin, les délivrerait de la peur et de la tyrannie des barons de la drogue. A la place tu a l’impression d’avoir atterrit dans un mauvais remake des teletubbies.
Tu ne comprends pas pourquoi. Tu as le taux de succès en enquêtes le plus élevés de la force, voire de son histoire, tu as les meilleurs résultats dans les entrainements, mais tu sembles toujours être écarté des affaires sérieuses, ou des conclusions de certaines d’entre elles. On te donne une tape sur le dos un grand merci et tu es transféré dans la prochaine équipe. Tout le monde se préoccupe de ta vie sentimentale, de la santé, de ta famille, c’en est humiliant, tu voudrais être juste un autre membre du bureau. Le seul solace est de savoir que tu n’es pas le seul dans ce cas-là, les autres membres de ta génération, bien que plus vieux et à moindre échelle, souffrent de la même frustration. A leur différence tu n’es pas devenu amer, ou hautain, tu les as vu faire et tu as compris que ça ne servait pas à grand-chose, tu as plutôt essayé de “faire avec”, de te montrer utile où tu le pouvais et espérer pour le mieux. Après tout, tu as du succès, à la fin de la journée ce qui compte est que les coupables soient arrêtés et que les innocents n’aient plus à souffrir. Tu as donc décidé de jouer le jeu, gagnant un peu de sérénité dans le fait que tu étais utile a quelque chose et rongeant ton frein prêt à sauter sur la première occasion de prouver que tu pouvais être l’un d’entre eux à part entière, que tu méritais ta place. C’est toujours avec cet état d’esprit que tu commences une enquête, tu espères toujours que celle-là sera différente, qu’elle te permettra de briser ces liens, de te faire accepter pour tes compétences et non ton âge.
Tu viens de recevoir un e-mail, il semblerait que le directeur d’Interpol désire te voire, peut-être est-ce en rapport avec ta nouvelle affaire…

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