Tu sens l’incendie, bien avant d’arriver sur les lieux. Et pourtant, tu ne pouvais te préparer à ce que tu vois, l’orphelinat est en ruine. Tu n’entends que les rires des enfants, lors des cours, lorsque tu as essayé de leur cuisiner quelque chose, lors des différents travaux de rénovations, tu sais déjà que des précautions ont été prise pour que les pompiers arrivent le plus tard possible. Voir le gâchis de tout ce que tu avais mis tant de temps à reconstruire. Ce temple à ton ego… tu t’agenouilles, la vie au G-12 n’a pas pu te préparer au déferlement émotionnel de ces derniers mois, ta conclusion avec la directrice a pris ce qu’il te restait… tu ne peux retenir tes larmes alors que le rire des enfants continue de te hanter. Tu te sens impuissant, tu croyais ne rien avoir, tu as tout perdu, tu croyais ne rien ressentir, être maitre de toi même… bonne blague. Ce n’est pas en fermant une porte que l’on devient maitre des lieux. Une fascination morbide te prend, tu fixes l’orphelinat cherchant des traces de cadavre… Il semble que plus tu souffres plus tu cherches une raison de souffrir… une voix tout au fond de toi te crie que c’est ta punition, pour tout ce que tu as fait… tu n’as que ce que tu mérites… ta pénitence. Tu imagines les cris qu’ils ont pu pousser, les horreurs qu’ils ont du subir avant que l’orphelinat soit détruit… tout ce mélange dans ton esprit, ce qu’ils ont du faire à Dalia, aux gosses, forçant la mère supérieur à regarder et tout ça…. tout ça à cause de toi… pendant que tu étais en plein mélo avec la directrice. Puis une ombre apparait au milieu des flammes, de plus en plus nette. Un homme en combinaison noire, tu reconnais l’un des uniformes d’Interpol, l’une des armures d’assaut, dernier model, un agent qui la porte devient ton égal. C’est lui qui a fait ça… la haine… tu connais bien maintenant, tu veux le tuer, lui particulièrement, tu ne connais pas son nom, ni d’où il vient, qu’il soit sous Morsure et n’ait probablement aucune idée de ce qu’il fait ici, tu t’en moques… tu veux juste qu’il meurt…
Tu te prépares à te lever, mais quelque chose dans son allure te retient, tu… as peur? Sans morsure, l’Immortine prend le dessus, tu sais qu’il est probablement aussi fort et rapide que toi, l’armure le rend aussi résistant, il est sous morsure… il peut te tuer. C’est cette chance qui affecte l’Immortine, tu veux le tuer mais le craint trop pour bouger. La frustration est beaucoup trop forte tu l’expulses en hurlant à plein poumon, un réflexe animal que même l’Immortine ne peut réprimer. Le cri attire l’attention de l’agent qui se dirige vers toi, ta frustration vire à la peur panique. Tu te recroquevilles contre un mur fur et à mesure que s’approche l’agent. Tu recules, ta crise de panique t’empêche de concevoir la fuite. L’agent n’a aucun ordre sur ton éventuelle survit, ou peut-être ne te reconnait-il pas, mais tu représentes une menace pour les opérations d’Interpol, il ne faut surtout pas qu’il soit vu mettre le feu aux orphelinats. Il va te tuer… c’est une certitude, et sans Morsure tu ne peux pas te battre. Il sort une arme, tu vois l’angle de l’arme tu sais précisément où elle va frapper, ton corps est paralysé mais pas ton cerveau, tu sais a quel moment il va appuyer sur la gâchette. Un oubli, un stupide oubli et tout va se terminer, tu ne peux que penser à ce gâchis qu’a été ta vie, à ton idiotie d’avoir cherché une autre vie, tu savais que ça se finirait par quelque chose comme ça. Le sentiment n’en retire rien à la terreur que tu éprouves… trop préoccupé par le sort de Dalia et des enfants tu n’as pas pensé à reprendre une dose de morsure, le temps qu’elle fasse effet maintenant, tu seras surement mort, de même pour le Forcis et le Celeris. Tu es nu face à l’une des plus efficaces des machines à tuer d’Interpol. Il tire, la balle, bouge presque au ralentis, tu pivotes sur tes mains et te met hors de la trajectoire de la balle… une sorte d’instinct animal. La peur te donne la nausée, pourtant le simple fait de bouger calme un peu la crise de panique. Les salves suivantes sont aussi évitées, il faut que tu partes d’ici… mais Dalia… les gosses… Tu veux partir, mais quelque chose te retient… sorte de fil tenu, tu ne sais plus pour quoi tu te refuses de partir, ou est-ce encore la panique, tu penses beaucoup plus vite qu’à l’accoutumée mais ton esprit est embrumé par toutes ces questions inutiles. L’agent jette son arme, il sait qu’elle est inutile, il se précipite sur toi avec une vitesse au moins égale si ce n’est supérieure à la tienne, genou en avant. Un homme en l’air ne peut changer sa trajectoire, tu anticipes le mouvement et te jette sur le côté, évitant le coup in extremis. Tu te relèves et la paralysie te reprend quelques secondes, suffisamment pour ton adversaire te délivre un revers du gauche en pleine mâchoire, l’impact te fait tomber à la renverse, au-delà de la douleur, c’est la proximité de ta propre mortalité qui te fait mouiller ton pantalon. Au sol tu roules sur toi, juste assez pour éviter un autre coup de poing, celui-ci enfonce le ciment du sol. En sentant la trace humide le long de ton pantalon tu te prends à avoir honte de toi, de ta lâcheté, sans morsure tu ne peux pas te battre, comment pourras tu prendre soin de Dalia… des gosses… Quel champion tu fais… pour être honnête tu ne t’es jamais vraiment vu comme tel, tes actions t’ont juste poussés à être vu comme un. Et tu y as cru, alors que tu le faisais surtout par égoïsme. Champion camé, héro de pacotille, tu vas mourir parce que tu es trop lâche pour te battre, ce n’est même pas ta propre lâcheté, elle est induite par une drogue. Tu n’as pas vécu ta vie, tu ne vivras pas non plus ta mort. Au moins auras tu fais un choix, au moins auras tu réussis à résister … as-tu vraiment résisté au Fidelis? Tu ne le sauras jamais… tu vas mourir ici, dans ton urine. La mort la moins honorable… pas que ta vie ait méritée mieux. Finalement une mort digne de ta vie, passée à te mentir à avoir peur d’Interpol, tout autant qu’ils te retrouvent, que du fait qu’ils puissent t’oublier. Tu te relèves en titubant, face à ton adversaire tu te retrouves de nouveau paralysé, l’Immortine te forçant à paniquer à une telle proximité avec le danger. Complètement à découvert face à ton adversaire. Une série de base, tu l’as vu venir, ton esprit continue à être entièrement capable de prévoir les mouvements de ton adversaire, tu prévois les contre mouvements en même temps qu’ils sont utilisés contre toi, pourtant tu es incapable de bouger, chaque coup suffirait à défoncer une voiture. Gauche-droit-coup de pied gauche, coup de pied retourné droit, tu te retrouves projeté en arrière, défonce un mur derrière toi. Ta lèvre inferieur s’est coincée contre tes dents en chemin, elle s’est ouverte et laisse filer quelques gouttes de sang. L’agent se précipite de nouveau contre toi, cette fois ci tu es trop lent pour l’éviter, son coude percute ton plexus solaire, te coupe momentanément la respiration, tu sens à peine l’uppercut qui suit, tu es déjà parti. Les coups pleuvent, tes idées s’embrouillent, pensées contradictoires, ton esprit tactique se borne à relever toutes les erreurs dans la stratégie de ton adversaire, ton corps te hurle qu’il ne survivra pas à ce traitement très longtemps, mais ta peur t’empêche de bouger. Tu vas mourir parce que tu refuses de te battre.
Une sorte de déclic alors que tu finis ton mouvement. Tu as mal de partout, tu saignes de plusieurs endroit, tu penses avoir quelques os qui ont souffert, rien de cassé, mais à peine moins. Pourtant tu viens de mettre un crochet du gauche à ton adversaire. Si tu ne te bats pas tu vas mourir, l’Immortine qui t’empêchait de te défendre jusque-là te pousse maintenant. Tu ne vivras que si tu abats ton adversaire. Tu enregistres la douleur mais n’y réagit pas, la peur n’est pas partie, elle est toujours là. Elle te fait hurler, quelque chose que quelqu’un d’autre pourrait assimiler à de la colère, juste le cri d’un animal qui refuse de se laisser mourir, un désespéré.
L’agent se relève, et attaque de nouveau, la peur décuple ta vitesse, l’Immortine de pousse à bloquer ce danger et à contre attaquer. Ton coude frappe la mâchoire de ton adversaire, tu réalises à peine que deux autres le suivent, un crochet et un coup de pied qui le projette contre la cage d’escalier. Le mur est suffisant pour briser son élan, mais pas pour l’empêcher de passer au travers. Tu hurles de nouveau, la peur t’empêche de parler, mais l’Immortine t’empêche de t’arrêter tant que ton adversaire représente un danger. Il se relève, il a visiblement tiré enseignement de ses erreurs, après le prochain échange il arrive à te porter un coup au plexus solaire, profite de la pause qui suit pour t’attraper et jeter au sol. Tu retombes sur tes mains et utilise ton élan pour le frapper d’un coup de pied au visage, la capoeira ne fait pas partie des arts martiaux pratiqué par Interpol, mais tu trouvais ça fun… Il recule suffisamment pour te laisser te remettre droit, tu vois les cracks dans son casque, son armure arrive à ses limites, toi aussi. Ton prochain coup est bloqué, il tente une contrattaque que tu bloques aussi, s’enfuit un échange de coups tantôt bloques tantôt esquivés, des deux côtés. Il se bat avec élégance, la souplesse d’un chat, la logique d’un ordinateur, pour Interpol le combat dans son ensemble est une science. Poussé par ta peur, tu es plus bestial, plus pressé, plus instinctif, moins beau, plus bruyant, pourtant tu rends coup pour coup, grandissant plus désespéré au fur et à mesure que ta fatigue s’accroit. La partie de ton cerveau qui pense à peu près clairement, sait qu’au fur et à mesure que le temps passe, ton adversaire chasse les drogues de son organisme, petit a petit, mais qu’il doit aussi gérer sa propre fatigue. Alors que le danger pour ta vie s’atténue, tu gagnes en sérénité, tu agis, provoque, planifie avant de réagir. Le combat qui s’est encastré dans une sorte d’égalité relative, change progressivement de visage, ralentit a cause de votre épuisements, il apparait de plus en plus que ton adversaire tente d’éviter et de parer plus qu’il n’essai de frapper. Jusqu’à ce que finalement, il n’y arrive plus. Tu portes une série de coups successifs puis arrive à le projeter à terre, maintenant c’est un autre instinct qui te guide, tout aussi peu glorieux que la peur, tu domines ton adversaire, t’assoit sur lui et frappe, tu veux t’arrêter mais en vie il reste un danger. Tu es épuisé, terrifié, tu ne peux plus rien contenir tu redoubles tes efforts, vociférant, grognant comme un animal, tes coups déchiquètent l’armure de ton adversaire, jusqu’à ce que l’un des coups t’aveugle momentanément, tu ne t’arrêtes pas pour si peu. Puis tu réalises, que ce qui t’a aveuglé, n’est autre que son sang. Tu as arraché son casque le coup d’après a fait exploser son crâne. Toute cette énergie en toi doit sortir, tu pousses un autre hurlement, tu exultes. Puis tu te relèves en titubant, tu te sens si vide tout d’un coup, et faible… tu vomis tes tripes sur le sol. Tu te traines jusque devant l’orphelinat, les flammes se sont éteintes d’elles-mêmes. Ton esprit est rempli d’émotion contradictoire, tu regardes la scène hagard alors que tu sais que tu devrais te souvenir de quelque chose. Tu ne peux que t’assoir sur le trottoir, la tête dans les mains, pleurant à la fois de soulagement, de haine contre toi-même pour ta lâcheté, de honte aussi, pour l’orphelinat, et de ce sentiment que tu as d’avoir oublié quelque chose d’important.
Quelqu’un met sa main sur ton épaule, ta toute nouvelle interprétation de l’instinct de survie se met en branle, ce n’est qu’à ton épuisements que tu reconnais Dalia trop surprise pour être terrifiée de ton accès de violence. Une fois les esprits calmés, elle te dit que ton plan a été un succès, les gosses ont été évacués bien avant que l’agent n’arrive. Ils ont été transférés là ou vous vous étiez mis d’accord. Elle te rappelle que tu avais pris une dose pour oublier les détails du plan, tu avais peur que la directrice ait trouvée une solution à la morsure et tu ne voulais pas compromettre leur sécurité si tu succombais. Dalia devait te trouver devant l’orphelinat une fois que tu aurais disposé de l’agent envoyé sur place.
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