—Et c’est ainsi que fut décidé le règne total d’Anis, qu’on appela la Reine Eternelle.
Lisa commençait à s’endormir, mais elle trouva quand même la force de dire :
—Et elle est de notre famille ?
—Oui mon ange. C’est elle dont le tableau est accroché dans le grand couloir, au-dessus du secrétaire.
—Elle est très belle.
—Oui. Et tu lui ressemble.
La petite sourit. Sa mère continue.
—On raconte qu’elle vécut des milliers d’années et que sous son règne, tout le monde était heureux, personne ne manquait de rien. Mais un jour, elle fut lasse de cette régence interminable, elle ne voulait plus de ces responsabilités. Son frère, qui avait pris son poste à la tête des armées, était mort depuis de nombreuses années en lui laissant beaucoup de neveux et nièces. Elle-même avait beaucoup d’enfants et de petits enfants. Son mari était également parti. Alors elle convoqua ses deux arrières petits-enfants les plus méritant et sa petite-nièce du même âge. Elle divisa le pouvoir en trois : son petit-fils Louis, celui qui était le plus neutre pour les affaires, à la justice, sa petite-fille Noëlle, qui était la plus empathique, à la régence du pays et aux plaintes (qu’elle cogèrerait avec Louis), et enfin sa petite-nièce Léna, qui avait un sens tactique très développé, tout comme son arrière-grand-père, à la tête des armées.
Ensuite elle demanda à Merlin XXXIIIème du nom de venir jeter un sort sur sa couronne. La couronne passerait à toutes les générations de sa famille pour toujours. Si une personne était digne de régner, alors c’est elle qui aurait tous les pouvoirs et ceux qui y seraient à ce moment devraient se soumettre. Puis, pour être sure que ce choix serait le bon, elle fit emprisonner son âme même dans l’artefact.
Son corps fut enterré. Ainsi régnèrent d’années en années les descendants d’Anis et Charles et, de temps en temps, seulement une personne.
—Un jour, je devrais essayer aussi la couronne ?
—Peut-être petit ange, peut-être. En attendant, dors, loin de tous les problèmes.
La petite fille n’eut pas besoin de plus pour sombrer dans un doux et profond sommeil. Alors sa mère sortit de la chambre et, après un dernier regard, se dirigea vers le grand couloir. Chaque fois qu’elle racontait cette histoire, c’est-à-dire souvent, elle s’y rendait.
Elle s’arrêta devant un grand portrait souriant et éclatant de jeunesse d’une femme qu’elle savait pourtant avoir plus de mille ans quand ce tableau fut peint. Elle le regarda quelques instants avant d’ouvrir le tiroir fermé à clé du secrétaire antique qui se trouvait dessous. A l’intérieur, sur un velours rouge, repose une couronne en argent délicatement ouvragée. Doucement, elle caressa du bout des doigts l’objet qui luisait dans les ténèbres ambiant à cette heure de la nuit. Un jour, elle le sait, sa fille remplirait les conditions. Elle aimait tellement cette histoire.
Son cœur se serra, comme chaque fois. Alors, sur un dernier regard, elle referma le tiroir et s’en alla dans sa chambre, rejoindre son mari.
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