Il’lis
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Une nuit sans lune, sans étoiles. Le ciel ne se distinguait plus des flots. L’obscurité régnait en maître tandis que l’écume se déchaînait et que les vagues s’entre-déchiraient. La mer s’ouvrit en deux et rugit alors qu’un tourbillon se créait dans cette noirceur aqueuse.
Une forme en émergea.
Sombre, fine, pas tout à fait humanoïde. Ses mains faites de liquide s’accrochèrent aux vagues comme si elles étaient solides, et elle emergea son corps difforme et monstrueux de la brèche qui se referma dans un gloutonnement inquiétant. Des ombres immenses se mirent à onduler sous la surface de l’eau, presque indétectable. L’une d’elle sorti légèrement, exposant une peau épaisse et écailleuse à l’air frais de la nuit.
La silhouette y posa le morceau de son être qui lui servait de pied, puis le second.
Elle se tint débout. Elle écarta deux bâtons aqueux de son abdomen qui s’affinèrent pour former une épaule, un coude. Puis leur extrémité s’effilèrent en cinq excroissance qui prirent la forme d’une main.
Le tronc de la créature grossi sous le cou effilé, sans tête, pour prendre l’apparence d’une poitrine imposante avec des seins ronds, parfaitement dessinés. La taille de la créature, déjà trop fine, s’épaissit, puis s’évasa pour donner des hanches larges et un postérieur rebondit. Plus lentement ensuite s’esquissèrent les contours plus précis des jambes et des pieds.
La créature nébuleuse se vit peu à peu constellée d’une myriade de point lumineux, enfermant la constellation dans son grand corps élancé.
Les étoiles frémirent, puis se mirent à tournoyer, remontant la clavicule, le cou. Elles sortirent des filaments noirs sans tête pour venir former cette dernière en tourbillonnant au-dessus du corps. Bientôt, la créature brilla de milles feux, et sa noirceur devint lumière. Puis la lumière pris une couleur crème, lisse, sans imperfection, et recouvrit chaque parcelle de l’être. Plus bas, une toison blonde vint parfaire le détail de l’entre-jambe de la créature devenue femelle.
Les étoiles avaient toutes disparues. Laissant place à un visage d’une indescriptible beauté. D’immenses yeux dorés flamboyant, sans pupille, brûlaient d’une clarté telle que seul le soleil pouvait égaler. Ses iris miroitaient, brûlant, impossible à affronter.
Un sourire étira les lèvres sensuelles et pulpeuse de l’apparition née de l’Océan. Sa chevelure blonde, faite de satin, ondulait dans la brise, frôlant l’écume et balayant ses jambes nues.
La créature venue des rêves des Hommes se déplaça à longues foulées sensuelles en direction de la plage, à l’horizon. Le sable paraissait si sombre qu’il se confondait avec les eaux. Les arbres de la terre ferme n’étaient qu’à peine visible. Mais alors que cette Déesse parcourait le chemin qui la séparait encore des plantes et des hommes, une trouée apparut dans le ciel. Puis une seconde, une troisième…
Des morceaux entiers de nuages orageux se déchiraient pour laisser filtrer une douce luminosité, légèrement orangée. La mer se vit alors agrémenté d’une myriades de couleurs scintillantes. Les bêtes sous-marines poussèrent des mugissements terrifiants en s’engouffrant dans les profondeurs protectrices de l’océan. Seule la première, apparût aux côtés de la Déesse née des eaux tumultueuses, resta en sa compagnie.
La femme flamboyante ne faisait pas plus attention à la lumière naissante que là où elle mettait ses pieds nus délicats. L’écume froide venait lécher ses orteils alors qu’un vent glacial se levait pour entourer son corps glabre. Mais aucun frisson ne parcourait sa peau chaude comme le sable un jour de soleil. L’apparition n’avait d’yeux que pour la terre et ses mystères.
Et surtout, la jeune fille qui, quelque part, allait l’aider à détruire l’espèce humaine.

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