- Ne t’éloigne pas du jardin Oranne.
- Oui, oui Papa ! Répondit distraitement la fillette en enfilant son manteau rouge, son bonnet et ses gants blancs.
Sa mère entra dans le vestibule avant que l’enfant n’ouvre la porte.
- Tu n’oublies rien Oranne ?
L’enfant regarda autour d’elle et secoua la tête.
- Ton écharpe ma chérie dit-elle en l’enroulant autour du cou de sa fille. Et ne va pas jouer en dehors du jardin.
- Je sais !
Oranne sortit et referma immédiatement la porte derrière elle. Aussitôt le froid lui fouetta le visage, rougissant son nez et ses joues. Pendant quelques minutes, elle resta immobile sur le paillasson pour admirer l’étendue opalescente et immaculée qui s’étendait devant elle. Durant la nuit, la neige avait saupoudré le sol et donnait au petit jardin un auspice d’immensité qui impressionna la fillette. En voyant la nature qu’elle affectionnait tant, elle songea au gâteau au chocolat que sa mère recouvrait généreusement de sucre glace. La terre, brunâtre et craquelée était nappée d’une épaisse couche de neige. Une vaste pâtisserie s’offrait à elle. Timidement, elle s’avança et fut surprise du craquement de ses pas. Curieuse, elle retira ses gants et prit une poignée de cette matière inconnue et lâcha aussitôt prise. Après avoir remit ses gants, elle réitéra l’expérience. Pendant plus de deux heures, elle joua, se roula, courut dans les flocons amassés et entreprit de faire un tas concurrençant les montagnes qui s’élevaient au bout de l’horizon, inatteignables. Puis, épuisée, elle se laissa choir dans la poudreuse et contempla le ciel vide, dépourvu de nuages et de couleurs. Même le soleil, vitreux, refusait d’offrir son éclat au monde. Elle se retourna et aperçut la forêt, quelques mètres plus loin. Le lieu interdit. La neige tassait la végétation qui jonchait le sol et donnait aux bois une apparence moins effrayante qu’à l’accoutumée, presque accueillante, levant quelque peu le voile obscur qui l’embaumait. Oranne se releva brusquement et regarda les hauts arbres centenaires que la neige avaient ornés et condamnés au silence. Les branches, prisonnières de leur apparat de fortune n’abritaient plus les oiseaux. Le froid cristallisait la nature et ses habitants, cachés dans les confins sombres et terreux de la forêt, là où nul homme ne pourrait jamais les trouver. Ils doivent avoir faim se dit Oranne. Elle courut dans la remise où son père entreposait ses outils de jardinage et de bricolage et prit le sac en plastique contenant le pain dur posé sur l’établi. Soudainement, elle se sentait affublée de la considérable mission de nourrir les rescapés hivernaux. Si elle ne le faisait pas, qui le ferait ? Qui les sauverait ? Elle avait juste à déposer du pain à l’orée de la forêt sans enfreindre l’interdiction de ses parents. Après un regard vers sa maison afin de s’assurer qu’ils ne la surveillaient pas, elle se dirigea vers les bois. Des traces se dessinaient devant elle et s’enfonçaient dans les profondeurs des fourrés. Elle parvint à distinguer celle des biches et des lapins. L’envie de les suivre était forte, percer le mystère de ses animaux et de leur destination. Si elle avançait de quelques pas, ce n’était pas grave après tout. Elle s’en accorda dix, comme son âge et se tourna de nouveau vers la maison. Personne aux fenêtres. Mais ses dix pas supplémentaires ne lui apportèrent rien, ne lui permettaient pas d’en savoir d’avantage sur les habitants des bois. Encore dix et je bouge plus tenta t-elle de se convaincre. Juste dix. Pas un de plus. Elle fit donc dix grands pas et s’arrêta subitement, comme si le moindre centimètre de plus allait causer sa perte, puis releva les yeux. La beauté des lieux émut sa sensibilité enfantine et inspira son imagination débordante. Pourquoi n’avait-elle pas le droit d’y aller alors que c’était si beau? Les arbres, implantés de part et d’autres du sentier que Oranne empruntait, entrelaçaient leurs branches appesanties par le poids de la neige au dessus d’elle. Le jour peinait à se frayer un chemin à travers elles et venait créer des ombres qui l’auraient effrayées quelques années plus tôt. Pourtant, elle se sentait princesse dans un palais de cristal. Les animaux seraient son armée, sa garde personnelle prête à la défendre en cas de danger. Ce tunnel enneigé la mènerait dans un royaume encore plus somptueux que ce qu’elle voyait déjà. Non, décidément, elle n’avait rien à craindre et l’interdiction de ses parents était injustifiée. Rien ne pouvait lui arriver. Les arbres formaient des remparts infranchissables. Rien ni personne ne pourrait pénétrer dans cet univers désormais sien. Alors elle pouvait bien s’éloigner et en profiter pendant une heure puis elle reviendrait avec son secret. Ses parents ne s’en apercevraient même pas. Déculpabilisée, elle continua à avancer. Les traces des lapins se dispersaient et finissaient par s’enfoncer dans les taillis où elle ne pouvait pas accéder. Celles des biches sortaient du sentier, elle enfreignit sa propre limite et les suivit avec insouciance. Au bout de quelques mètres, les empreintes disparurent brutalement. Comment cela était-il possible ? Elle déposa du pain qu’elle émietta en les frottant contre l’écorce d’un arbre et déposa les bouts restants à son pied. Déçue, elle retourna sur le sentier et déposa des bouts de pain ici et là en évidence, dans l’espoir que les animaux les trouvent facilement. Un sentiment de solitude et de tristesse l’envahit. Son imaginaire s’effondra. Plus d’armée. Elle qui pensait percer le secret des animaux et de leur survie, les nourrir, s’était bercée d’illusions. Alors qu’elle avançait, perdue dans ses pensées, elle entendit la neige craqueler derrière les sapins puis plus rien. Elle s’arrêta et écouta. Quelque chose ou quelqu’un haletait tout près, d’un souffle saccadé et bruyant. Elle retient le sien et regarda à travers les arbres mais n’aperçut rien. Elle n’était pourtant pas folle, elle entendait bien ce souffle alangui. Intriguée, elle s’avança en tentant d’être discrète et d’un geste de la main, écarta les branches en veillant à ne pas faire tomber la neige qui trahirait sa présence. A seulement quelques mètres, un aigle au plumage lin et maduro avec quelques nuances bleutées était étendu sur toute son envergure, les ailes clouées et déployées sur le sol gelé. Sa maigreur la frappa, ses côtes saillantes se soulevaient au rythme de sa respiration et son bec entrouvert laissait échapper un filet écumeux. Oranne sortit de sa cachette et se dirigea vers lui. L’animal ne réagit pas aux bruissements des branchages et aux craquèlements de ses pas.
- Qu’est ce qu’il t’es arrivé? Demanda Oranne, choquée de l’état pitoyable de l’animal.
Après quelques secondes d’inertie, elle s’approcha de lui avec précaution et tenta de le rassurer. Ses parents pourraient peut-être le sauver. Peut-être n’était-il pas trop tard. Il doit avoir froid pensa t-elle. Malgré le froid, elle retira son manteau, recouvrit l’animal puis mit son bonnet sous sa tête.
– Attends-moi ici, j’en ai pas pour longtemps. On va te guérir. Dit-elle avant de partir en courant.
Elle savait qu’elle se ferait réprimander car elle avait désobéit mais pour sauver la vie du rapace, elle était prête à subir quelques remontrances et éventuellement une punition. Elle pourrait dire qu’elle avait entendu du bruit alors qu’elle jouait et qu’elle avait juste été voir. Au bout de quelques minutes de course, elle aperçut le toit de sa maison avec soulagement. Elle ne s’était pas perdue. En s’approchant d’avantage, elle vit deux fourgons dans l’entrée du jardin qui écrasaient le tas de neige qu’elle avait mit tant de temps à édifier. Ses parents attendaient-ils des invités ? Des personnes de l’extérieur ? Cela n’était pourtant jamais arrivé. Ils l’auraient sûrement prévenue. Un frisson inexplicable lui zébra le dos. Elle avait un mauvais pressentiment mais pensa à l’aigle qui attendait d’être sauvé dans les tréfonds des bois. Plus que quelques pas la séparait de son jardin, elle s’apprêta à y entrer lorsque la porte d’entrée de sa maison s’ouvrit brutalement. Son père sortit précédé d’un homme en uniforme noir portant un écusson argenté sur sa poitrine. La milice. Plusieurs fois, elle les avait vu à la télévision et entendu les commentaires de ses parents à leur sujet. Ce n’était donc pas des invités. Oranne recula et se cacha derrière des buissons. Que faisaient-ils ici ? Que voulaient-ils ? Pourquoi s’étaient-ils déplacés d’Orbis pour venir ici ? Le milicien poussa violemment son père qui tomba à genou dans la neige. Celui-ci, leva les yeux et regarda les alentours. Sûrement devait-il la chercher. Elle aurait voulu crier qu’elle était là, qu’elle ne s’était pas perdue, qu’il ne fallait pas qu’il s’inquiète mais le milicien sortit son arme et pointa le canon sur le front de son père, ce qui la dissuada. Un coup de feu perça le silence majestueux. Son père tomba dans la neige et aussitôt, le sang macula la neige. Oranne étouffa un cri. Pendant plusieurs minutes, les yeux écarquillés, elle fixa le corps de son père gisant à terre. Trois autres miliciens sortirent de la maison, remontant leur pantalon ou leur braguette et rebouclant leur ceinture avant de remonter dans le fourgon et partir dans un crissement de pneus. Où était sa mère ? Que lui avaient-ils fait ? Mille et une questions bourdonnaient dans la tête d’Oranne qui restait stoïque, incapable de lâcher un cri ou verser une larme. Pourtant sa mère devait être à l’intérieur de la maison, peut être vivante. Les miliciens étaient partis, pourtant une atmosphère de danger planait encore. Quelque chose venait de se briser en elle. L’horreur et la brutalité de ce qu’elle venait de voir avaient souillés son innocence. Tel un automate, elle se dirigea vers le lieu du drame en passant à côté du corps inerte de son père. Elle tomba à genoux devant lui et le secoua.
- Papa ! Papa ! Me laisse pas ! Réveille toi !
Aucune réaction, aucune réponse. C’était finit et elle le savait mais ne voulait pas y croire, ne pouvait pas y croire. Le sang tâcha son collant et ses gants. Effarée, elle se releva et se dirigea vers la porte entrouverte. En entrant dans le vestibule, elle appela :
- Maman ? Tu es là ?
La seule réponse qu’elle eut fut le silence. Lourd et insupportable. Les miliciens avaient sali les tomettes carmin avec leurs grosses bottes terreuses et enneigées, ce qui énerva Oranne. Anxieusement, elle tourna à gauche et entra dans la cuisine. Le frigo était encore ouvert et le bac à légumes, retiré, vomissait des poireaux et de la salade. Sur le plan de travail trônant au centre de la pièce et servant également de table, une carotte solitaire était à demie découpée en rondelles et un bout de viande sanglant gisait sur la planche à découper. Des feuilles de journaux tapissait le sol et manquèrent de faire tomber la fillette. Plus elle avançait à pas lents, plus l’angoisse de ce qu’elle allait trouver grandissait. Elle pénétra ensuite dans le salon où tout semblait intact.
- Maman ? Réitéra t-elle timidement. La voix tremblante.
Aucune réponse. Sa maison, à ses yeux jusqu’alors accueillante et douillette, lui parut froide et hostile. Au fond d’elle, elle savait que sa mère était là, sûrement morte. Mais comment avoir la lucidité suffisante pour l’admettre à seulement dix ans ? Jusqu’alors, elle pensait son père invincible, immortel. Pour elle, c’était le plus fort. Le mythe venait de s’effondrer alors qu’en était-il de sa mère ? En débouchant dans le couloir menant aux chambres, elle eu sa réponse. Sa mère était étendue dans le couloir, pliée à la verticale entre le mur et le sol, totalement désarticulée, comme une poupée dont on a voulu se débarrasser. Son chemisier émeraude était déchiré et son pantalon baissé. Pourquoi lui avaient-ils fait cela ? Des filets de sang coulaient le long du mur, derrière son crâne fracassé.
- Maman…, murmura Oranne plusieurs fois.
Elle s’écroula à terre, sous le choc. Une douleur insupportable la déchirait de l’intérieur. Seule. Elle était seule. Qui lui lirait son histoire désormais ? Qui lui donnerait des surnoms affectueux et lui ferait des câlins ? Pourquoi ? Pourquoi avaient-ils fait cela ? Que devait-elle faire ? Qu’allait-elle devenir maintenant ? Où allait-elle aller ? Elle n’avait plus personne désormais. Ses parents étaient les seules personnes qu’elle avait, qu’elle connaissait. Cela faisait dix ans que ses parents l’avaient maintenue dans un huis clos. Du monde extérieur, elle n’avait que des noms, des images vagues, des échos sinistres et effrayants. Par delà son jardin et désormais la forêt, elle ne connaissait rien. Elle ne pouvait pas rester là ni laisser ses parents ici. Si les miliciens revenaient et la trouvaient là, lui feraient-ils la même chose ? Elle devait partir, vite. Si désormais la milice connaissait l’endroit où ses parents et elle habitaient, bien qu’elle ne connaisse probablement pas son existence, elle était en danger. Elle devait agir. Sans réellement savoir ce qu’elle allait faire, elle se releva et sortit prendre une pelle dans le cabanon. A quelques mètres du corps de son père, elle décida de creuser un trou. Par chance, la terre, humide, se détacha facilement. Pendant plus de deux heures, elle creusa sans relâche, reniflant de temps en temps et essuyant ses larmes qui perlaient et faisaient fondre quelques flocons de neige. Quand elle estima sa tâche terminée, elle prit une dernière fois son père dans ses bras, se força pour ne pas s’attarder et le poussa avec peine dans le trou. Ensuite, elle retourna dans la maison, attrapa sa mère par les bras et la tira de toutes ses forces jusqu’à l’extérieur. Ce qui lui prit une heure supplémentaire. A bout de souffle et de force, elle remit ses vêtements correctement, la serra dans ses bras, versant le flot de larmes qui lui restait et la poussa à côté de son mari. L’adrénaline retomba brutalement. Avec effroi, elle regarda ce qu’elle venait de faire. Ses parents étaient là, devant elle, pâles, mutilés, morts. Plus jamais elle ne les verrait sourire, plus jamais elle n’entendrait leurs voix. Elle s’écroula devant la tombe le regard vide, peinant à réaliser ce que ce drame allait réellement engendrer. Où qu’ils aillent après la mort, elle voulait les rejoindre, rester avec eux. La vue de leur corps lui était insoutenable. Elle courut chercher un drap dans l’armoire du salon et les recouvrit avec. Puis, puisant ce qui lui restait d’énergie et de courage, elle recouvrit le drap de terre, secouée par ses spasmes de sanglots. Elle se laissa tomber sur la terre fraîche, dénudée de neige, épuisée, transie de froid et se recroquevilla. Elle allait mourir aussi pensa t-elle. Non pas d’une balle mais de chagrin.
Lorsque ses yeux furent enfin secs, la nuit commençait à dévorer le ciel et la neige formait un manteau informe sur son corps. Elle se releva, les membres engourdis et songea brusquement à l’aigle au fond des bois, seul, blessé et perdu. Comme elle. Elle devait le sauver. Bien décidée à braver l’obscurité naissante, elle alla chercher une lampe torche dans la maison qu’elle trouvait à présent étrangère et s’enfonça dans la forêt. Rapidement, elle retrouva son manteau rouge. Elle le souleva délicatement, l’animal s’y trouvait encore, comme s’il l’avait attendu. Attendu qu’elle le sauve. Elle l’enveloppa dans son manteau, le ramassa et le serra contre elle. Désormais accompagnée, elle rentra vers la maison qui, embaumée de la mort et l’obscurité, bien que chargée de souvenirs, lui parut monstrueuse. Ses parents y étaient morts, les miliciens y avaient souillés le sol et son enfance. Elle se rendit dans sa chambre et découvrit avec horreur que celle-ci avait été apparemment fouillée. Les draps étaient arrachés, le matelas envoyé contre la fenêtre, son bureau retourné, les tiroirs ouverts, les livres éparpillés sur la moquette vermeille. Décidément, ils avaient tout souillés, tout détruit. Écœurée, elle se rua dans la chambre de ses parents qui avait subie le même sort et prit le sac à dos de son père dans la penderie et un chapeau à sa mère. Folle de rage, elle se rua ensuite dans sa chambre, fourra quelques vêtements et ses deux livres préférés dans son sac puis alla dans la cuisine prendre trois couteaux, du pain, des gâteaux, une pomme et des allumettes. Elle s’accorda quelques minutes pour se remplir l’estomac, sachant que ce repas serait sûrement son dernier festin. Elle aperçut le portrait de ses parents qui trônait sur la cheminée parmi les livres et les bibelots. Après avoir retiré la photo du cadre, elle la mit dans la poche intérieure de son manteau et ouvrit tous les tiroirs du buffet et ajouta des piles pour la lampe torche, des ciseaux, une boussole et la montre de sa mère. Cette maison n’était plus la sienne désormais. Elle avait été salie par l’extérieur. Par les miliciens d’Orbis et la mort. Un dernier tour dans le cabanon s’imposait. Oranne avait une idée en tête. Plusieurs fois, elle avait vu comment son père procédait pour faire brûler facilement les branchages et mauvaises herbes qui encombraient le jardin. Le jerrycan d’un jaune flave était posé en haut d’une étagère afin qu’elle ne puisse pas l’atteindre. Elle monta sur l’établit et le sortit difficilement, manquant de perdre l’équilibre à plusieurs reprises. Une fois descendue de son perchoir, elle aspergea le cabanon d’essence, attendit d’être sur le seuil et craqua une allumette qu’elle jeta sans aucune hésitation. Elle devait faire de même avec la maison. C’était le seul moyen de faire disparaître toute trace de son existence et de celles de ses parents. Elle avait pleinement conscience de ce qu’elle faisait. Que tout ce que ses parents avaient mis une vie à bâtir partirait en fumée. Qu’il en resterait qu’un tas de cendres fumant. Elle entra, en inclinant le jerrycan afin de tracer un filet d’essence d’une pièce à l’autre de la maison et veilla plus particulièrement à asperger sa chambre et celle de ses parents. Avec une certaine nostalgie et déchirement, elle sortit et craqua une première allumette qui se consuma et lui brûla les doigts avant de s’éteindre. La deuxième fit de même. Oranne ne parvenait pas à faire ce geste irrévocable. Après une longue inspiration, elle en craqua une troisième, ferma les yeux et la jeta devant elle. Aussitôt, de hautes flammes se mirent à effectuer une danse macabre, dévorant le papier peint du vestibule, se propageant de pièces en pièces pour poursuivre leur œuvre. Effrayée, Oranne recula, de part et d’autre, les flammes rongeaient les murs, les meubles, le sol, la charpente puis le toit. La neige les empêcherait de dévorer la forêt. Apaisée, Oranne chargea le lourd sac de son père sur ses épaules, jeta un dernier regard vers le brasier puis vers la tombe de ses parents. Du revers de la manche, elle essuya les larmes qui coulaient inlassablement le long de ses joues, renifla bruyamment, respira profondément et se dirigea vers la forêt, serrant Perce-Neige contre elle.
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