La réunion se tenait dans la plus grande pièce du premier étage. Prévue à cet effet, elle était fine et pourvue d’une longue table de verre qui parcourait toute sa longueur. Les murs étaient de pierre claire et de larges fenêtres baignaient la pièce de lumière, le plafond était haut et vouté.
Leur patronne les attendait en sirotant une infusion, le regard perdu dans l’immense carte du monde qui pendait à l’autre extrémité de la pièce. Idrille n’avait guère confiance en cet individu froid, au perceptif envahissant mais peu réceptif. Elle ne pouvait cependant nier que ses choix étaient généralement justes et objectifs, il était impossible de tenter d’avoir ses bonnes faveurs, car elle n’aimait rien ni personne, à l’exception du travail bien fait.
Les plus malins comprenaient donc qu’il valait mieux être efficace que de redoubler de fausses gentillesses avec elle. Cela tombait bien, Idrille avait longuement préparé cette réunion et espérait répondre aux exigences de sa supérieure.
Celle-ci indiqua aux nouvelles arrivées des places pour s’installer en attendant les autres. Arrivèrent la chargée des opérations de la mission Ambre ainsi que son assistante, une jeune personne visiblement en proie à une grande angoisse, si bien qu’Idrille en eut des frissons. Puis vinrent les deux agents de la mairie du quartier, pour les questions administratives et budgétaires.
Quand tous furent bien installés, les regards se dirigèrent sur la dirigeante de la mission Ambre.
Elle était petite et solidement bâtie, son visage était rond, sa peau cuivrée comme les habitants du sud. Son perceptif ne renvoyait rien et ne semblait pas plus ouvert à ceux des autres, elle était impénétrable mais arborait pourtant un discret sourire, Idrille se demanda ce qu’il pouvait signifier.
Alors que le silence commençait à s’installer, la dirigeante de l’opération prit la parole d’une voix grave et monocorde.
– Merci à tous d’être venus aujourd’hui assister à notre première réunion commune quant au projet Ambre.
Afin de mener à bien cette mission j’ai nommé à mes côtés la jeune Gehni, son rôle est de servir de pont entre les linguistes et le bureau de recherches, car vous devrez travailler main dans la main tout le long de cette entreprise.
Cela vous convient-il ?
Tous acquiescèrent de la tête, Gehni parut alors rassérénée, Idrille comprit que l’origine de l’immense angoisse qu’elle avait ressenti tout à l’heure était probablement due à la peur de ne pas être approuvée. Elle trouva la jeune Irvenienne touchante avec ses yeux en amande souriants.
Maître Estavir, la grande patronne de la communauté des linguistes, hocha également la tête et invita la dirigeante de la mission à reprendre la parole.
– Bien. Venons-en désormais au vif du sujet.
Elle sortit une feuille manuscrite et y jeta un coup d’œil.
Nous en sommes au huitième mois de recherches quant au sujet retrouvé dans un bloc d’ambre au pôle sud il y a de cela six ans.
Les dernières nouvelles sont rassurantes et même prometteuses, il semblerait que l’état de conservation de l’individu soit exceptionnel, il s’agit vraisemblablement du meilleur candidat que nous ayons trouvé.
Il est entier, sans blessure apparente, et nos experts pensent que son cerveau pourrait être encore opérationnel. »
A cette annonce, tous se jetèrent des regards surpris, si c’était effectivement le cas, les informations que l’on pourrait tirer de cet individu constitueraient un immense pas en avant pour la recherche sur l’ancienne civilisation.
Dame Estavir paraissait émerveillée, elle qui d’ordinaire était aussi expressive qu’une tombe avait en cet instant l’air d’un enfant, il faut aussi dire que cette perspective avait de quoi faire rêver.
La dirigeante attendit un instant que tous se concentrent à nouveau puis reprit :
– Si le cerveau du sujet venait effectivement à être fonctionnel nous aurions alors la possibilité de communiquer directement avec lui.
C’est là que nous avons fait appel à vous, Idrille, étant donné que vous êtes la personne ayant le plus étudié les origines des régions de l’ouest ainsi que leurs langues, nous avons espoir que vos capacités sauront vous permettre d’établir un premier contact efficace.
D’après la localisation du bloc d’ambre dans lequel nous l’avons retrouvé, tout porte à croire que le sujet était d’origine Frenshé. Si cela venait à ne pas être le cas, bien sûr nous chercherions une différente approche.
S’il venait à être conscient et dans la capacité de s’exprimer, nous désirons donc vous mettre en lien avec lui.
Comprenez cependant que tout cela reste de l’ordre du possible, le succès de l’opération demeure grandement incertain. »
Idrille parvenait difficilement à refreiner son excitation, qui se répandit dans la pièce et fit sourire les autres, elle ne pouvait nier sa joie à l’idée d’être la première à entrer en contact direct avec leurs prédécesseurs, ceux qui s’étaient éteint il y a des millions d’année laissant derrière eux un monde de ruines mais surtout une fabuleuse et mystérieuse culture.
Elle ne cessait de s’imaginer tout ce que le sujet aurait à lui apporter, elle voulait tout connaître de leur richesses, écritures, architectures, contes et légendes, tant de choses à découvrir en somme !
Si, bien sûr, l’opération réussissait. Car il s’agissait de la première tentative d’éveil d’un spécimen retrouvé dans de l’ambre, et ils avaient beau avoir travaillé d’arrache-pied pendant six années consécutives il s’agissait de la première expérience de ce genre et le risque d’échec demeurait important.
Cependant aussi heureuse qu’elle était d’être impliquée dans ce projet, elle ne pouvait s’empêcher de remettre son utilité en doute. Correspondait-elle réellement au poste qui lui était proposé ? Ne se faisait-on pas des idées quant à ses capacités et ses connaissances de l’ancien peuple ?
Elle fut parcourue d’un frisson, elle fit de son mieux pour réprimer son inquiétude, qui pourrait mettre la puce à l’oreille à ses supérieures.
Elle était jeune et avait encore beaucoup à apprendre, c’était évident, alors pourquoi ne pas en avoir choisi un autre ? Parce qu’il était plus évident de recruter quelqu’un qui venait de la capitale ? C’était là une perspective assez déshonorante, comme si on l’avait choisie non pas pour ses capacités, mais plutôt pour l’aspect pratique de la proximité.
Elle réprima ses sombres pensées et s’éclaircit la gorge, tous attendaient sûrement une réponse de sa part.
Regardant tour à tour sa patronne et la dirigeante de la mission Ambre, elle les remercia :
– Je vous remercie de me confier de telles responsabilités, ce sera un honneur pour moi que de me consacrer à l’enrichissement des connaissances que nous avons de l’ancienne civilisation.
Cependant… Puis-je vous demander la raison pour laquelle vous m’avez choisie ? Je connais bien des linguistes dont la maîtrise des anciennes langues excédent la mienne, si je peux me permettre. »

Idrille sentait le regard incrédule de Kaythleen à sa droite, comment pouvait-elle remettre en cause la décision de la dirigeante du projet ? Une telle opportunité ne se refusait pas ! Ignorait-elle qu’on lui offrait de participer à un projet d’une envergure inédite ?
Et pourtant Idrille pensait à sa tâche avant sa personne et ses opportunités professionnelles, si elle pensait que quelqu’un d’autre réussirait mieux qu’elle elle n’hésiterait pas à se retirer, c’était ainsi. En cela on pouvait dire qu’elle ressemblait à Dame Estavir, l’amour de leur travail avait la priorité sur leurs ambitions, et le cours des choses le leur rendait plutôt bien, puisque c’était cette même passion qui leur avait permis de réussir jusque-là, curieux paradoxe.
La chargée de mission fronça les sourcils et ses lèvres se pincèrent, elle passa son index sur la bouche et tapota, pensive. Puis elle jeta un regard à son assistante qui était occupée à noter scrupuleusement chacun des échanges, celle-ci releva la tête, l’air interrogateur.
– Gehni, c’est toi qui a choisi la linguiste Idrille pour ce poste, je ne doute pas de ton choix ainsi l’ai-je respecté sans demander à en savoir d’avantage mais puisque la question se pose, pourrais-tu nous expliciter la raison de ton choix ?
L’intéressée releva les doigts de son clavier et jeta un regard perdu à l’assemblée, ses yeux paniqués se posèrent sur idrille, qui lui rendit un sourire rassurant. Elle prit la parole après avoir rassemblé ses esprits.
– Avec plaisir madame. Quand le moment vint où nous devions trouver un linguiste compétent, capable d’établir le contact entre la civilsation perdue et le monde Irvinien, nous nous sommes mis en quête d’un spécialiste de l’ancien monde, et plus particulièrement de la partie ouest de celui-ci.
Comme il y avait de nombreux candidats et que nous ne savions comment déterminer lequel était le plus apte, j’ai étudié les thèses et écrits de chacun d’entre eux.
Mon attention s’est porté sur vous Dame Idrille car votre thèse portait notamment sur l’étude et la compréhension des non-perceptifs, or nous ignorons si le sujet que nous souhaitons éveiller
est perceptif à notre manière, car de nombreuses espèces animales présentent un don de perception très différent du nôtre.
De fait… Il m’a semblé qu’il serait intéressant de faire appel à vous, car j’avais le sentiment que vous sauriez apprécier son comportement mieux que n’importe quel autre linguiste, aussi doué soit-il.

– Merci, répondit simplement Idrille, car elle ne savait tout à fait que dire. Elle comprenait tout à fait le raisonnement de cette jeune Irvinienne, et en toute franchise, elle l’approuvait. Peu de gens s’intéressaient aux autres formes de perception et elle trouvait cela fort dommage. Elle était agréablement surprise.
Je vous remercie de l’intérêt que vous portez à ma thèse, elle compte beaucoup pour moi. J’ignore si cela sera utile lors de mes échanges avec le sujet, si ceux-ci ont lieu un jour, il y a tant d’inconnues..
La voix sèche et rauque de Dame Estavir vint l’interrompre.
– Cessez de vous poser d’aussi triviales questions, idrille. Je n’ai aucun doute quant à votre réussite, alors rien ne sert de tergiverser sur le sujet. D’autres questions me semblent plus importantes.
Dans l’idée où le sujet venait à se réveiller et à être capable d’user de sa mémoire et de ses capacités d’expression, que prévoyez-vous de faire ?
– Parfait, c’est ce que nous souhaitions aborder par la suite, merci Dame Estavir. Gehni, n’oublie pas de noter.
Ajouta la dirigeante de la mission, sans quitter Idrille de son regard inexpressif. Celle-ci n’eut pas à fouiller parmi ses notes pour retrouver son projet, le stress mêlé à l’exaltation qui s’emparèrent d’elle lui firent revenir toutes ses idées en tête avec une clarté nouvelle.
– Tout d’abord, je me dois de remercier ma conjointe, Blyne Euclide, pour sa précieuse aide, c’est à elle que je dois la plupart de mes idées. J’ai longuement réfléchi sur le comportement et la manière de penser que le sujet pourrait avoir, et ce dans le but de mieux le comprendre afin d’interagir avec plus de facilité.
Il a beau être issu d’une espèce douée de conscience comme la notre, nous ignorons bien des choses, sur la nature de son perceptif, sur la manière dont leur cerveau traite les informations ou encore leur manière de communiquer avec leur congénères.
Ma première étape sera donc d’observer et de reproduire son comportement du mieux que je pourrais, ma maîtrise de sa langue sera alors essentielle, et comme elle sera de toute évidence lacunaire, je devrai noter et intégrer au plus vite chaque nouveau mot, chaque nouvelle structure de phrase afin de comprendre avec le plus d’exactitude possible ce qu’il a à nous apprendre.
A cela, tous hochèrent la tête, Idrille jeta un regard circulaire puis reprit, jusque-là, tous semblaient approuver, cela la rassura.
– Ensuite, j’ai pensé qu’il serait très important de comprendre ses habitudes et sa manière de vivre afin de les reproduire du mieux que nous pouvons.
Il sera probablement très angoissant pour lui de se réveiller des millions d’années plus tard, seul témoin de son espèce.
Cette expérience traumatisante pourrait susciter chez lui peur, angoisse, dépression ou encore hostilité, ce qui constituera un blocage terriblement problématique si nous souhaitons communiquer et apprendre de lui.
Je propose pour cela d’user des outils que nous avons à notre portée, c’est-à-dire nos connaissances de son époque ainsi que nos propres capacités.
Nous pourrions reproduire une architecture qui lui serait familière ainsi qu’une nourriture proche de la sienne, nous en avons la possibilité grâce à nos découvertes dans ces domaines. Immergé dans un environnement familier, il pourrait se détendre et se dire que nous ne sommes pas si différents de lui, au-delà des apparences.
Nous l’accompagnerons du mieux que nous pourrons avec force attentions et un perceptif avenant et rassurant, il faudra éviter la solitude, sans l’étouffer pour autant.
Notre objectif premier sera qu’il se sente en sécurité. Après cela, il pourra prendre ses aises et s’ouvrir à nous, si tout se passe comme je l’ai prévu, bien sûr.
Qu’en pensez-vous mesdames ?
Il y eut un long silence autour de la table, tous réfléchissaient à ce que la linguiste venait de suggérer et cherchaient ce qui pourrait être revu, reconsidéré.
Mais Idrille avait pensé son projet pendant de longs mois, et il ne serait pas démonté si facilement, elle pouvait expliciter chaque point, fournir des exemples, justifier ses choix.
Finalement, ce fut sa voisine et collègue qui rompit le silence, assez maladroitement.
– Et dire que tu doutais de toi !
L’assistante Gehni émit un petit sourire de fierté, du style qui pouvait signifier « Voilà pourquoi je l’ai choisie ! » mais Idrille n’en vit rien, elle attendait une réaction de la part de la dirigeante du projet mais ne parvint pas plus qu’auparavant à lire une expression sur son visage de marbre.

Celle-ci prit la parole alors que le silence commençait à être pesant.
– Vos idées sont justes et intéressantes, Idrille, et correspondent aux objectifs que cette opération vise à remplir, c’est-à-dire l’obtention d’un maximum d’informations sur l’ancien monde à travers cet individu test.
Vous avez pensé à la dimension sensible du projet, qu’avant d’être un test, il s’agit d’un être vivant et pensant qui aura besoin d’être rassuré et guidé à travers ce monde qu’il ne connait plus.
Cependant, bien que nous ayons le soutien des différents instituts de recherches du pays ainsi que de l’état, il nous faudra nous concerter au préalable afin de discuter du coût que représenterait la mise en place d’un environnement d’époque. Des recherches seront évidemment faites en parallèle afin de réaliser un décor qui correspondra sans trop d’erreurs aux habitudes de notre sujet.
L’éveil étant prévu pour le mois prochain, nous devrons faire vite, mais je pense que cela devrait se passer sans encombre, la dépense devrait être raisonnable et nous réunirons les meilleurs éléments sur la réalisation, dans l’espoir que cela la rendra plus rapide.
Dame Estavir, à vous la parole.
Elle tendit le plat de sa main vers la doyenne des linguistes qui inclina la tête en consentement.
– Nous vous remercions pour votre participation.
Pour ma part, je me contenterai de charger Idrille, comme il était convenu, de l’établissement du premier contact avec l’Humain ainsi que Fel-Plicze, qui sera chargée de prendre en note l’intégralité de leur conversation. Nous autres au bureau, en disant cela elle désigna Kaythleen, nous nous chargeront d’analyser ces nouvelles informations et d’en tirer un maximum d’informations que nous vous transmettrons.

A côté d’Idrille, Kaythleen se renfonça dans sa chaise et se renfrogna. Idrille la connaissait bien elle savait qu’elle aurait de loin préféré l’accompagner plutôt que de rester à l’institut à trier les informations, d’autant plus qu’elle ne portait pas Fel-Plicze dans son cœur depuis des années.
Après avoir échangé quelques formalités quant aux dates et aux disponibilités de chacun il apparut évident que tout avait été dit et on termina la réunion. Une poignée de main scella l’entente puis la dirigeante du projet et son assistante s’en allèrent, laissant les linguistes retourner à leurs postes respectifs.
Une fois dans son bureau, Idrille referma doucement la porte derrière elle et poussa un long soupir. Aussi assurée qu’elle avait voulue paraître, elle se sentait épuisée par l’angoisse qui la tenaillait alors qu’elle s’exprimait devant les autres. Elle se répétait que c’était fini, qu’elle avait réussi et que tout se passerait bien, mais des interrogations vicieuses venait polluer son esprit. Elle tenta de les chasser et se dirigea vers la fenêtre, elle avait disposé sur le bord un petit meuble de bois ouvragé pourvu d’une multitude de petits tiroirs, elle en tira un et prit quelques feuilles qu’elle comprima dans sa main avant de les verser dans une capsule.
Elle mit à chauffer de l’eau dans une bouilloire et déposa la capsule à l’intérieur, puis se versa l’infusion dans une grande tasse, voilà qui l’aiderait à réunir ses pensées et à détendre son corps. Elle était une grande angoissée, et rien ne l’apaisait mieux que de se mettre au travail alors que la pièce était plongée dans le calme, une boisson chaude à ses côtés.
C’est alors que la tête de Kaythleen apparut dans l’interstice de la porte séparant leurs deux bureaux.
-Psst, Idrille, je peux venir un instant ?
Elle chuchotait, mais fort, le bruit strident fit rouler des yeux sa collègue, tout était parfait, pourquoi fallait-il qu’elle vienne à ce moment-là précisément ? C’était toujours comme ça avec Kaythleen, elle avait beau ne jamais faire preuve de méchanceté, elle n’en était pas moins agaçante et dépourvue de la moindre once de délicatesse.
Faisant pivoter sa chaise, Idrille la toisa d’un regard inquisiteur puis lui fit signe d’entrer. Si elle avait refusé l’autre aurait insisté jusqu’à ce qu’elle accepte, elle la connaissait bien et avait depuis longtemps rendu les armes.
Kaythleen se glissa jusqu’à son bureau puis se posa sur la chaise en face de celui-ci, dédiée aux visiteurs. Elle avança sa tête à hauteur de d’Idrille, les mains de part et d’autre du plan de travail et lui dit sur le ton de la confidence :
– Tu en penses quoi toi, de Fel-Plicze ? Tu crois qu’elle est réellement la plus apte à t’accompagner ?
Idrille ne put réprimer un rire nerveux, elle savait que sa collègue avait mal réagi, mais elle ne digérait décidément pas la nouvelle.
A vrai dire, elle était plutôt satisfaite que ce ne soit pas Kaythleen qui aie été assignée à ses côtés, elle n’aurait pu se concentrer sur sa tâche avec une présence aussi pétillante derrière elle. Mais elle garda cela pour elle.
– Moi, je n’ai rien contre Fel-Plicze, si c’est ce que tu veux savoir. Par contre toi… Il semblerait que tu ne l’apprécies guère, je me trompe ?
– Pire encore ! Son perceptif n’est fait que de suffisance et de prétention et ce à longueur de journée, elle va finir par se noyer dans son amour-propre, tiens. Ne me dis pas que tu ne la jamais remarqué, quand même ? J’ai entendu ceux du premier étage en rire, également, ça veut bien dire quelque chose, non ?
– Oui j’ai bien remarqué moi aussi, ne t’en fais pas.
Mais avec moi, ça ne prend pas trop, si elle fait ce pour quoi elle a été engagée correctement, cela me convient tout à fait.
Idrille voulait en finir rapidement, son infusion refroidissait rapidement et alors qu’elle rêvait de calme le perceptif agité de Kaythleen lui était insupportable. Elle savait que le meilleur moyen de la voir repartir dans son bureau au plus vite était de lui donner raison, sa collègue pouvait sembler confiante et assurée, il n’en était rien, au fond, elle était comme un enfant qui se donne de grands airs mais qui est apeuré, en conséquence, elle avait besoin de se rassurer.
Il fallait que l’on confirme le moindre de ses choix et qu’on lui donne raison sur tout, et elle s’en persuadait ensuite. « Si Idrille me dit que j’ai raison, c’est forcément le cas ! »Voilà comment Kaythleen procédait au quotidien,ce qui devint vite éprouvant pour sa voisine de bureau qui aurait volontiers cédé sa place à quelqu’un d’autre.
– Heu Idrille, je sens bien que je t’ennuie, à vrai dire c’est même souvent le cas, tu ne peux pas mentir à ton perceptif, après tout, n’est-ce pas. Elle s’exprimait avec un sourire mi-figue mi-raisin, elle était embarrassée, pour beaucoup, évoquer l’état du perceptif de son interlocuteur était une chose très gênante, la morale le prescrivait, en quelque sorte. Elle reprit.
– Mais tu sais, c’était important pour moi de t’en parler, parce que ça m’a beaucoup blessée que Fel-Pliscze soit nommée à ma place, et à qui d’autre que toi pourrais-je me confier ici?
Alors, vois-tu… Si jamais tu as l’occasion d’en parler à la patronne, ça me ferait plaisir, vraiment.

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